vendredi 1 février 2008

Kong


Kong, le Vide,
"Temps gris, temps clair, aurore, crépuscule, change incessant :
Au grand Vide j’ai appris à confier mon humble corps.
Nés de l’Origine sans dessein, y retournant sans regret,
Les nuages ressemblent à l’Homme qui les contemple."
Su Dongpo traduit par François Cheng


L’étude de la culture chinoise est une invitation à réfléchir sur les notions de Vide, d’indifférenciation, d’identification et sur leur enchaînement.

Selon l’intuition des taoïstes, nous dit Anne Cheng, le Vide « qui étant, par excellence, virtualité, est paradoxalement la racine de la vie, alors que toute chose arrivée au « plein » se durcit et dépérit. »

La poésie, la peinture, la musique chinoise sont souvent une invitation à retrouver ce Vide, ce silence où commencent toutes les virtualités. On pourrait presque dire que la parole, la musique, la peinture sont faites pour creuser ce Vide, pour mettre en valeur le silence et appeler à la résonance.
Jacques Dars, dans une de ses notes au roman « Au bord de l’eau » nous rappelle l’existence dans la poésie classique des « jue-ju », vers interrompus, mais "dont l’idée se prolonge à l’infini quand la parole s’arrête."

Dans les dernières œuvres de Shitao, nous dit François Cheng, « La peinture se réduit à presque rien, prend congé elle aussi – et ne nous quittera plus. Schumann ne procède pas autrement dans ses lieder de haute nostalgie : le chant s’est tu, le piano demeuré seul le prolonge à voix sourde, le fait chanter pour jamais. Le poème précise « Yan zai yi wai » : « la résonance dépasse la parole ».

Shitao : La montagne seule


Schumann :In wunderschonen monat mai


A suivre,
Jean-Louis

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo pour ce développement intéressant sur le vide.

Quand on voit tous ces écrivains, ces artistes, ces philosophes, ces scientifiques, d'origine chinoise ou occidentale (*) qui se sont intéressés au vide, je me dit que le vide est décidément bien fécond et je me posais la question de sa dimension universalisante.

Olivier

(*) Rappelons tous les noms cités dans les précédents messages : Zhuangzi, Proust, Michaux, Cézanne, Wittgenstein, Le Clézio, Rousseau, les structuralistes, les scientifiques...

Anonyme a dit…

ton article sur 空 est vraiment complet.
la calligraphie, la poésie, la peinture et la musique réunis et parfaitement illustré
tout est super mais j'ai préféré la poésie Su Dong Po oblige...
"au grand Vide j'ai confié mon humble corps"
c'est très beau
les notions de vide de silence et de résonnance appellent à une réflexion fructueuse
merci de ne pas remplacer mon humble commentaire par le vide
je blague comme d'hab alors surtout ne te formalise pas