lundi 11 février 2008

Ne zai



Ne zai : immanence

Pour tenter de répondre à une interrogation de Nicole faisant suite à un article d’Olivier, voici un petit développement sur l’immanence.
Le petit Larousse en donne la définition suivante : « dont l’être s’identifie à un autre être ». Ainsi dans la philosophie de Spinoza, Dieu est immanent au monde.

Cette définition fait, bien sûr, écho à un article précédant traitant de l’identification du peintre chinois avec la chose représentée, alors que le regard du peintre occidental saisit le monde de l’extérieur, le transcende.
Très schématiquement le couple immanence / transcendance recouvre le couple intérieur / extérieur.
Dans la peinture chinoise, il y a recherche d’une fusion entre l’artiste et la chose représentée, le peintre voulant saisir l’essence des choses de l’intérieur. La peinture occidentale repose sur une distance entre le peintre sujet et l’objet représenté, entre le sujet et l’objet. Dans la première il y a fusion entre le Sujet et l’Objet. A l’inverse nous dit J-F Billeter, « jusque dans un passé récent, les peintres occidentaux ont tout fait pour objectiver l’espace, c'est-à-dire pour le représenter comme détaché de nous, existant en soi ». Cette conception favorise l’apparition du couple Sujet/Objet.
On comprend mieux, dès lors, que la peinture chinoise n’ait pas eu la même notion de la perspective que la peinture occidentale. Anne Cheng : « Il en est de la pensée en Chine comme de la peinture de paysage : les Chinois n’ont jamais éprouvé le besoin de reconstituer la vision en perspective qui suppose un point de vue idéal. Ils lui ont toujours préféré une « perspective cavalière où l’œil qui regarde fait partie du paysage (lui est immanent) et évolue avec lui. »
Yolaine Escande nous signale que « l’étude du monde en tant qu’objet n’a pas intéressé les Chinois, puisque leur but est de parvenir à vivre en harmonie avec le monde et d’abolir toute distance entre l’humain et le cosmos pour que le dernier ressource perpétuellement le premier. »
Anne Cheng qualifie la pensée chinoise de pensée de plain-pied « qui peut se figurer qu’elle s’inscrit dans le réel au lieu de s’y superposer. » Elle tire cette caractéristique de la spécificité de son écriture où chaque caractère « constitue une entité porteuse de sens et se perçoit comme une chose parmi les choses …Cette proximité ou fusion avec les choses relève sans doute elle-même de la représentation, mais elle n’en détermine pas moins une forme de pensée qui, au lieu d’élaborer des objets dans la distance critique, tend au contraire à rester immergée dans le réel pour mieux en ressentir et en préserver l’harmonie …La démarche analytique commence par une mise à distance critique, constitutive aussi bien du sujet que de l’objet. La pensée chinoise, elle, apparaît totalement immergée dans la réalité : il n’y a pas de raison hors du monde. »

Les articles d’Olivier nous amènent à nous interroger et pourraient fournir matière à de nombreux développements ultérieurs sur la cosmologie, la recherche du perfectionnement pour vivre en harmonie avec le monde, mais aussi sur la distance critique, l’esprit critique que nous devons conserver pour faire la part entre ce qui relève de la récupération politique et ce qui peut nous enrichir.

A suivre…
Jean-Louis


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"Au dessus du fleuve" de Chu Ta.
François Cheng commente :"La perpective, comme toujours en Chine, est celle du point de vue "cavalier" ... aucune distance entre l'oeil invité à fureter à loisir dans chaque coin et recoin, et la réalité proposée à son admiration..."

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