mercredi 15 décembre 2010

On s'éclate

Vive notre chorale!!!
Un grand merci à Christiane pour son acceuil irréprochable !!!!




Que de la bonne humeur et des rires !!!

Nicole

mercredi 1 décembre 2010

Allégorie, déchiffrement et lecture


Petite soeur "Forêt" entourée de bambous, symbole de la fidélité

La rougeologie (Hong Xue) est, on le sait, une science à part entière en Chine. En France, elle n’en est qu’à ses débuts balbutiants et les rougeologues sont fort peu nombreux dans notre pays.

Je viens pourtant de lire un article de Jean Lévi qui apporte des éclairages intéressants sur le roman de Cao Xueqin. Cet article intitulé « Allégorie et personnages dans le Rêve dans le Pavillon Rouge » a été publié dans les cahiers du centre Marcel Granet. Il est fort riche faisant des comparaisons avec les Affinités électives de Goethe et bien sûr La Recherche du Temps Perdu. Mais on ne peut pas tout citer. Je me contenterai d’évoquer deux sujets abordés par Jean Lévi : d’une part l’allégorie ; d’autre pat le déchiffrement et la lecture.

Allégorie dans la correspondance des noms des personnages avec les éléments du monde. Ainsi Jia Baoyu, Jade Précieux, le héros, est rattaché par son nom à la Terre. Lin Daiyu, sa cousine amoureuse, porte dans son nom le signe du Bois. Le prénom de Xue Baochai, rivale de Lin, signifie Epingle d’Or et la place sous le signe du métal. Comme le dit Proust, les amoureux sont conjoints « par une force comparable à celle qui dirige les monde ». Quelle est l’attraction la plus grande sur l’élément Terre : le Métal ou le Bois ? D’un point de vue cosmologique, la Terre peut se combiner avec le Bois ou le Métal alors que le Bois et le Métal sont antagonistes comme le sont les deux cousines rivales. Jean Lévi fait remarquer que le jeune héros réunit dans son nom Jia Baoyu l’une des deux composantes du nom social de ses deux cousines Xue Baochai et Lin Daiyu. Quel rougeologue, ce Jean Lévi !

Mais l’allégorie doit se déchiffrer, se lire. L’acte de lecture, de déchiffrement apparait dans le roman à trois niveaux :
- L’auteur déchiffre le roman sur un roc. Son rôle se borne à le transmettre à ses lecteurs.
- Le lecteur doit déchiffrer les multiples symboles contenus dans le roman qui, tel l’univers, se présente comme un monde de signes à lire. Comme le dit Anne Kerlan-Stephens la différence entre auteur et récepteur tend à s’estomper dans cet acte commun de lecture.
- "Le rapport amoureux dans le roman est lecture d’une intériorité qui ne livre son authenticité qu’à travers des signes fallacieux, de sorte que la passion apparait comme consubstantielle au geste de déchiffrement. Le vrai moi reste une énigme ou plutôt s’exprime sur le mode de l’énigme. Il n’appelle pas une introspection mais le déchiffrement par une autre subjectivité qui le reconnait. On se donne à lire à l’autre, à telle enseigne que tout amant doit se doubler d’un lecteur".

Cet acte de déchiffrement me fait penser à ce que disait Lévi-Strauss à propos de la vérité que l’on reconnait au soin qu’elle met à se dissimuler. Anne Cheng nous rappelle que l’acte de lecture est intimement lié à la culture chinoise. Le caractère wen qui signifie culture désignait à l’origine les motifs, les dessins que les Sages de l’Antiquité ont déchiffrés pour nous transmettre l’écriture et la peinture et que continuent à déchiffrer les lettrés pour produire la culture.
Le monde, les jardins, les romans sont un univers de signes à déchiffrer. C’est la leçon du Rêve dans le Pavillon Rouge et c’est pourquoi, comme le disent joliment Jacques Dars et Chan Hingho, il émane de ce livre « une résonnance d’au-delà les cordes ».
Jean-Louis