vendredi 28 novembre 2008

Les rêves de l'enfance


La vie et l’œuvre de Claude Lévi-Strauss sont un long plaidoyer en faveur du respect de la diversité des cultures, un cri d’alarme contre les dangers de l’uniformisation. Il partage avec Jean-Marie Gustave Le Clézio une tendresse particulière pour les populations les plus humbles, les plus défavorisées, mais dont la culture recèle, recelait des trésors inestimables.

En nous décrivant les masques, les sculptures, les œuvres d’art, les coutumes, les mythes de ces populations, il nous invite à retrouver ces lieux magiques « où les rêves de l’enfance se sont donné rendez vous ; où des troncs séculaires chantent et parlent ; où des objets indéfinissables guettent le visiteur avec l’anxieuse fixité des visages ; où des animaux d’une gentillesse surhumaine joignent comme des mains leurs petites pattes, priant pour le privilège de construire à l’élu le palais du castor, de lui servir de guide au royaume des phoques, ou de lui enseigner dans un baiser mystique le langage de la grenouille ou du martin pécheur. »



Fillette Nambikwara
Lorsque les petits singes parlaient encore aux enfants

Je ne sais si Claude Lévi-Strauss est connu en Chine. Peut-être nos amis chinois pourront-ils nous le dire ?

Il serait, bien sûr, hasardeux de faire des rapprochements entre la culture des peuples amérindiens et la culture chinoise. Pourtant j’ai noté avec amusement que le caractère magique, tabou des noms existait chez les uns comme chez les autres.

Claude Lévi-Strauss raconte dans « Tristes Tropiques » l’anecdote suivante :
« Un jour que je jouais avec un groupe d’enfants, une des fillettes fut frappée par une camarade ; elle vint se réfugier auprès de moi, et se mis, en grand mystère, à me chuchoter quelque chose à l’oreille, que je ne compris pas et que je fus obligé de faire répéter à plusieurs reprises, si bien que l’adversaire découvrit le manège, et, manifestement furieuse, arriva à son tour pour livrer ce qui parut être un secret solennel : après quelques hésitations et questions, l’interprétation de l’incident ne laissa plus de doute. La première fillette était venue, par vengeance, me donner le nom de son ennemie, et celle-ci quand elle s’en aperçut, elle communiqua le nom de l’autre en guise de représailles. »

Partageant ce tabou attaché aux noms, la soeurette Lin, héroïne du Rêve dans le Pavillon Rouge, ne prononce jamais le mot « Diligence » qui est le nom de sa mère.
Village Sous La Pluie, précepteur de Lin, raconte : « je me suis toujours étonné …de constater que chaque fois que ma petite élève rencontre, en lisant sur un texte à haute voix, le caractère d’écriture signifiant min « diligence », elle le prononce comme doit se prononcer le caractère mi signifiant « secret » ; et quand il lui arrive de devoir écrire ce caractère, elle ne manque jamais d’en retrancher un ou deux traits ».
Confirmant l’actualité de ce tabou, notre professeur de culture chinoise, nous disait lundi soir que, lorsqu’elle était à l’école, si un de ses petits camarades prononçaient devant elle le nom et le prénom de ses parents cela était considéré comme une insulte car trop direct, trop personnel.

Claude Lévi-Strauss est un de ceux qui nous invitent à requestionner des notions qui paraissaient évidentes dans sa jeunesse : le caractère univoque du progrès, la supériorité des civilisations dominantes et notamment de la civilisation occidentale. Il nous invite à réfléchir sur une des questions importantes de notre temps : comment maintenir ou réinventer la diversité et la richesse des cultures ? Son message de tolérance et de respect des autres continue à nous faire penser.

Jean-Louis

dimanche 23 novembre 2008

DIMANCHE 14 DECEMBRE 2008 : CAMARGUE

Bonjour,

un peu plus de photos, c'est vraiment special le paysage.
这里完全脱离了城市的喧嚣,甚至人类的痕迹都变得难得的朴实,完全不是普罗旺斯的景致。
沼泽地,芦苇荡。
这里有白色的马和黑色的牛,让我们去找大红鸛。
12月14日早上9点La Rose 集合.






RENDEZ VOUS AU METRO LA ROSE A 9HEURES

Aujourd'hui nous avons parcouru la Camargue pour nous concocter un programme varié à la découverte d'une nature restée très sauvage et ce à 2 pas de Marseille.

Nous avons pu voir de splendides flamants roses et bien sûr des chevaux et des taureaux.

Le programme sera ludique, culturel et varié ... et promis ça sera pas fatiguant...une fois n'est pas coutume, je vous en prie, croyez moi!

Nicole

mercredi 19 novembre 2008

La lune par Su Dongpo - (Partie III)



Dans cette troisième partie de notre article consacré à la comparaison du poème de Su Dongpo dédié à son frère et du poème de Li Bai « Buvant seul sous la lune » nous continuerons à aborder quelques thèmes communs aux deux poèmes et à de nombreux poèmes chinois :
- l’ivresse
- la danse et les jeux avec l’ombre
Nous ferons un petit détour par Verlaine, l’Abbaye de Saint Victor et nous terminerons en mettant en ligne une chanson écrite sur le poème de Su Dongpo et interprétée par Wong Fei.


L’ivresse

L’ivresse que Su Dongpo célèbre est une ivresse légère. L’ivrognerie ne lui plait pas

« Je lève ma coupe de vin à sa caresse
Je bois à la santé du vent qui va
Sans se soucier de nous beau vent qui vole de la vallée aux nuages
Le long de l’eau qui brille dans la nuit. »

« Combien de coupes de vin ai-je bues aujourd’hui ?
Assez pour dénouer les chaînes de la mort.
Je jette au vent ma canne et je marche.
J’oublie les soucis, les tourments, les angoisses.
Je bondis avec les daims vers les sommets,
Je rejoins les singes qui sautent sur les falaises.
Je plonge dans l’écume de l’océan des nuages ;
Je flotte dans le tumulte silencieux du ciel »

Sans doute pour souligner la convivialité sans façon d’une réunion entre amis, le vin est parfois qualifié de « trouble », « de modeste » : « zhuo jiu ». Ainsi en va-t-il dans un poème qui fait l’objet d’une chanson très célèbre en Chine : « avec une carafe de vin trouble on se réjouit du reste du bonheur de la nuit … ».


La danse et les jeux avec l’ombre

« Me mettant à danser, je joue avec mon ombre… »

« Avec mon ombre nous sommes trois…
C’est en vain que l’ombre me suit …
Je danse et mon ombre s’ébat… »

L’ombre est bien un personnage important de ces poèmes et c’est un terme qui donne accès à une symbolique importante.

En consultant un dictionnaire, on trouve le caractère « ying » ou « yin ying » qui signifie aussi reflet, image, cinéma, ce qui nous rappelle le très ancien théâtre d’ombres chinoises, sortes de marionnettes.
On retrouve aussi le paradigme de base de la pensée chinoise : le couple yin/yang puisque yin renvoie au versant à l’ombre d’une montagne (cf. un précédent article du blog), cette dimension yin crée un lien fort entre ombre et lune, les deux étant yin par rapport au soleil yang. Et surtout, dans un seul vers, nous est donné l’essentiel de la pensée taoïste : la vie apparaît avec le « trois » : « avec mon ombre, nous sommes trois… », c’est le trois qui permet de dépasser l’aspect binaire et statique de l’opposition et de créer le mouvement, la danse, la vie.

"Le Tao d'origine engendre l'Un,
L'Un engendre le Deux,
Le Deux engendre le Trois,
Le Trois produit les Dix Mille êtres"
Tao-Te King

François Cheng, dans son livre consacré à Chu Ta, commente : "Le Trois dans l'optique taoïste, représente la combinaison des souffles vitaux Yin et Yang ...Il est nécessaire au fonctionnement harmonieux du couple Yin-Yang : c'est lui qui attire et entraine les deux souffles vitaux dans un processus de devenir réciproque. Sans lui, le Yin et le Yang se trouveraient dans une relation d'opposition figée; ils seraient réduits à l'état de substances statiques et comme amorphes."

Alors la transition avec le Taijiquan ou boxe de l’ombre s’impose (surtout quand on vient d’y consacrer une journée de stage, au lieu de crapahuter avec son mari et les amis de Chinafi sur les pierriers de Gémenos !).
Le Tai Ji Quan est donc aussi appelé « boxe de l’ombre », référence à sa dimension martiale mais dans la perspective d’un combat qui n’est pas une lutte ; il s’agit de combattre avec son ombre, avec son double (autre côté de soi-même), son adversaire intérieur, sa part d’ombre. C’est une forme vivante, en mouvement et en mouvements d’une tradition philosophique.


La lune comme un berceau sur Saint Victor
Dans les calligraphies de Weiyi, nous avons vu le caractère « yue » : lune, écrit de multiples façons. Dans celle illustrant l’article d’aujourd’hui (2ème caractère de la première colonne), la lune est représentée, dans son premier quartier, penchée, un peu comme un berceau. J’avais rarement vu la lune ainsi dans le ciel. Or, ce 6 novembre, en rentrant de la chorale chinafienne un choc : elle était exactement dans cette position, sur les tours de Saint Victor.
Du coup, j’ai pris cette photo. C’est vrai, il aurait fallu un zoom…




L’art poétique
Puisque nous parlons de poésie, je ne résiste pas au plaisir de citer (à la suite de Florent Courau) un magnifique poème de Verlaine où l’on s’aperçoit que l’on pourrait faire un rapprochement entre les préconisations du poète et certaines caractéristiques de la culture chinoise : éloge de la chanson grise, éloge de la fadeur …

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !




La chanson sur le poème
Le poème de Su Dong Po a été mis en musique et a fait l’objet de nombreuses interprétations. Parmi les plus célèbres citons celles d’Olivier, de Térésa Teng. Aujourd’hui nous vous proposons celle de Wong Fei :


A suivre,
Françoise,
Jingping,
Weiyi,
Jean-Louis

dimanche 16 novembre 2008

Les deux jumeaux ...

pour les célibataires ...

Une des mille et une anecdotes racontées par Jean-Marc
Jean-Louis

Pour une surprise ...

Ce fut une belle surprise...
Nous avons transpiré dans la dure montée. Mais vraiment le panorama, les couleurs de l'autome et les explications de M. Galiano en valaient le coup.
Merci Nicole, Merci M. Galiano...


Jean-Louis

ST Pons : Grotte de la chèvre qui vole



voilà les photos toutes fraîches de la "promenade" jusqu'à la Grotte de la chèvre qui vole...

Gwen,Marie-claude,Joël

mercredi 12 novembre 2008

La lune par Su Dongpo - (Partie II)



La comparaison des deux traductions françaises du poème de Su Dongpo, la mise en relation des poèmes de Su Dongpo et de Li Bai et l’évocation de la lune vont nous permettre d’aborder, dans cette deuxième partie, trois thèmes étroitement liés :
- l’ambiguïté du sujet dans le chinois classique
- l’effacement de la notion d’auteur
- une pensée privilégiant l’idée de cycles et de processus par rapport à celle de création


- 1°) La comparaison des deux traductions françaises du poème de Su Dongpo ou l’ambiguïté de la notion de sujet.

A deux reprises Florent Courau choisit la forme impersonnelle :
- Eclairant celui qui ne dort pas
- Oh lune ! il n’y a pas de haine entre nous

par contre le traducteur du site Labyrinthes interprète la phrase comme si le poète parlait de lui-même et était actif :
- m’illumine les nuits sans sommeil
- En retour je ne lui vouerai pas de haine

Florent souligne qu’une des grandes difficultés du chinois classique est l’identification du sujet de la phrase : « absence, ambiguïté du sujet de la phrase, dissolution du sujet dans la pénombre. On voit le mouvement, les éléments, le mouvement des éléments plus que le sujet agir. »

Nous avions déjà remarqué cette difficulté dans l’analyse du poème de Wang Wei « l’enclos aux cerfs » par Nicolas Zufferey :

« Montagne vide – personne en vue
On n’entend que des bruits de voix
Un reflet de lumière dans la forêt profonde
Brille une dernière fois sur la mousse verte »
Wang Wei, « l’enclos aux cerfs »

« Ce poème, nous dit Nicolas Zufferey, illustre probablement des thèmes chers au bouddhisme, par exemple le refus du « je » ou de la conscience individuelle. Qui est le narrateur ? Qui est le témoin du spectacle ? Le poème ne le dit pas –en chinois classique, le sujet de la phrase peut naturellement tomber – seule reste l’observation en tant que telle, coupée en quelque sorte de tout sujet humain : personne ne voit, personne n’entend, ne demeurent que les sensations elles mêmes. »

Peut-on penser que cette ambiguïté de la langue est révélatrice d’un autre rapport au Sujet, à l’individualité ? Ce thème pourrait faire l’objet d’échanges lors d’une réunion de Chinafi.


- 2°)La mise en relation du poème de Su Dongpo et de celui de Li Bai ou l’effacement de la notion d’auteur
L’imprécision du sujet que l’on observe parfois dans la langue chinoise, Anne Cheng nous explique qu’on la retrouve dans la formation de la pensée chinoise qui s’est constituée à partir de l’évolution de « notions qui, étant la plupart du temps, véhiculées par la tradition, ne sont pas propre à un auteur ». On se souvient de la phrase de Confucius : « Je transmets, je ne crée pas ».

Anne Cheng poursuit : « la pensée chinoise s’est constituée par le tissage au cours du temps d’une tapisserie de dialogues internes qui finissent par laisser apparaître des motifs en relief…
Les textes chinois s’éclairent dès lors que l’on sait à qui ils répondent. Ils ne peuvent donc constituer des systèmes clos puisque leur sens s’élabore dans le réseau des relations qui les constituent. Au lieu de se construire en concept, les idées se développent dans ce grand jeu de renvois qui n’est autre que la tradition et qui en fait un processus vivant. »

C’est le même caractère jing (Ricci, 979) qui signifie à la fois la chaîne d’un tissu, les méridiens (géographie ou acupuncture) et les livres canoniques (ji jing)

Cette tapisserie de dialogues internes on peut l’observer également dans les oeuvres d’art.
Les peintures chinoises, par exemple, sont fréquemment ornées de poèmes ou de commentaires qui complètent et augmentent la beauté de la peinture et qui permettent à des artistes de dialoguer parfois à des siècles de distance.
« Pour rendre les peintures encore plus intéressantes, j’ai recopié des poèmes. Si on chante les rimes, l’esprit de ces paysages devient tout naturellement vivant.»
Su Dongpo

Ivan Kamenarovic dans son livre « La Chine Classique » signale que les allusions, les citations suggérées, les renvois à des sources culturelles communes à l’auteur et à ses lecteurs sont systématiques dans la poésie chinoise.
Il est intéressant de voir comment Su Dongpo dialogue avec Li Bai, sans crainte d’être accusé de plagiat, et brode une tapisserie autour des mêmes thèmes:
- la lune
- l’ivresse
- la danse
- les jeux d’ombre

Dans le même ordre d’esprit Florent Courau indique que le mot étudier 学, xue signifie aussi "imiter, copier, recopier".

- 3°) La lune, le thème de la séparation, le caractère cyclique du temps, de la vie ou l’effacement de la notion de création
La lune a inspiré les poètes de tous les pays. En France notamment :
Lumière de lune « V oie lactée oh ! sœur lumineuse des blancs ruisseaux de Chanaan… » (Apollinaire)
On ne saurait les citer tous.

En Chine, le thème de la lune occupe une place particulière car il est fréquemment associé à celui de la séparation et au caractère cyclique du temps, des sociétés humaines comme de la vie des personnes. On sait que la lune, lorsqu’elle est dans sa plénitude représente la réunion des familles. La nuit de la fête de la mi-automne les parents, les amants, les amis séparés se retrouvent en regardant la lune.

Cycles de la lune, cycles des saisons dont l’observation fut peut-être à l’origine d’une pensée privilégiant le modèle organique d’engendrement, de processus bien plus que la notion de création qui suppose un début et une fin.

Le dialogue de Su Dongpo avec la lune est émouvant à la fois empreint de familiarité et d’amitié mais aussi d’un léger reproche face à l’insensibilité de la lune devant la souffrance humaine. Nous avions déjà noté cette indifférence dans le poème de Victor Hugo : « Clair de lune » (voir article « Pensée dans une nuit tranquille »).

Claude Roy raconte qu’il est entré dans l’amitié de Su Dongpo grâce à la lune :

« Suspendue aux tiges grande araignée qui danse
la lune est accrochée aux branches d’un saule pleureur
La vie passe si vite Son charroi de tristesse et de deuil
Nuit Lune Lac instant si beau qui n’êtes qu’un instant
Un coq chante Une cloche sonne
Un vol d’oiseau s’enfuit
On entend les tambours à l’avant des bateaux
Et résonner sur l’eau les voix des bateliers »
Su Dongpo

Dans la troisième partie de notre article nous aborderons les autres thèmes communs aux deux poèmes et à de nombreux poèmes chinois : l’ivresse, la danse, les jeux d’ombre et nous terminerons par une petite surprise.

A suivre,
Françoise
Jingping
Weiyi
Jean-Louis

mardi 11 novembre 2008

la Lune - par Su Dongpo (partie I)



Le poème présenté aujourd’hui est un poème de Su Dongpo (1037-1101).
J’en ai trouvé le texte chinois ainsi que trois traductions (une en anglais, deux en français) sur le blog de Florent Courau qui se nomme « Pérégrinations vers l’Est » .

Le poème en chinois et sa traduction en anglais


Les deux traductions françaises :

Lune, depuis quand brilles-tu ? Et jusqu'à quand ?
Un verre de vin à la main, je le demande au ciel pur.
Et en quelle année sont-ils là-haut, au palais des dieux ?
Je voudrais bien chevaucher le vent pour y aller,
mais la peur d'être seul au froid palais de jade me retient.
Me mettant à danser, je joue avec mon ombre.
Ne suis-je pas ici-bas aussi bien qu'au ciel ?
Le clair de lune se ballade le long des murs du pavillon orné de rouge,
caressant la fenêtre décorée, éclairant celui qui ne dort pas.
Oh lune ! il n'y a pas de haine entre nous ;
alors pourquoi es-tu si ronde et belle juste au moment de nos adieux ?
Les hommes alternent peines et joies, séparations et retrouvailles ;
La lune se montre tour à tour claire et obscure, ronde et incomplète.
Il en a toujours été ainsi.
Ah ! Si seulement nous pouvions rester unis pour toujours,
Partageant à mille lieues l'un de l'autre la beauté de dame lune !
Traduction Florent Courau

Clair de lune, depuis quand parais-tu ?
Verre en main, j'interroge le ciel noir.
Qui saurait aux tours de ce palais céleste
En cette nuit combien d'années compter ?
J'aimerais chevaucher le vent qui rentre, partir,
Mais redoute qu'en cette rotonde de rubis et de jade
Si haut perchée, le froid ne l'emporte sur moi.
Je me mets à danser, jouant de mon ombre claire,
Qu'est-il de comparable au milieu des humains ?
Elle se tourne vers les édifices vermeils,
S'incline sur les fenêtres ouvragées,
M'illumine les nuits sans sommeil.
En retour je ne lui vouerai pas de haine,
Par quelle infortune toujours aux moments des adieux se montre le globe rond ?
Aux hommes affliction ou joie, départ ou retrouvailles,
À la lune, voile ou clarté, plénitude ou éclipse,
Ceci depuis toujours ne se concilie pas.
Pourtant ceux qui pour un long temps s'espèrent
À cent lieux de distance partagent la grâce lunaire.
Traduction site Labyrinthe

Les circonstances du poème : les deux frères.

Claude Roy a écrit un bel et émouvant essai , L’Ami qui venait de l’an mil (édition Gallimard) sur Su Shi qui choisit le surnom de Su Dongpo (l’exilé de la pente de l’Est)

Il nous parle d’un personnage attachant ne craignant pas de faire des remontrances à l’empereur lorsque sa politique écrase le peuple :
« Lorsque votre Majesté parle d’enrichir le pays, je ne comprends pas si elle entend par là l’enrichissement du peuple ou le sien… »

A l’origine d’un mouvement pour sauver les nouveaux-nés que les parents pauvres ne pouvaient pas prendre en charge

Grand ingénieur, ayant notamment aménagé le lac de L’Ouest

Fidèle au souvenir de sa femme morte jeune :
« A qui parler de mes pensées ?
Si nous nous retrouvions vous ne me reconnaîtriez pas
Poussières sur mon visage
Gelée blanche su mes cheveux.
Cette nuit, j’ai rêvé de vous. Je suis à la maison,
Vous êtes près de la fenêtre de la petite chambre.
Vous brossez vos cheveux
Les larmes coulent sur vos joues.
Est-ce que mon cœur aura souffrance
Ainsi année après année. »

Ses prises de positions lui valurent de nombreux exils et même la prison.
Claude Roy nous décrit le poète parcourant des milliers de lis, d’honneurs en disgrâces, à peu près constamment éloigné de son frère Tseyu pour lequel il nourrit une profonde affection.
La correspondance des deux frères est belle comme celle de Vincent Van Gogh avec Théo :

Su Dongpo :
« Pourquoi suis-je ivre sans avoir bu ? Quand son cheval tourna le dos au mien, mon cœur l’a suivi. J’ai jeté un regard en arrière, et j’ai vu son chapeau noir qui montait et descendait le long du chemin au rythme du cheval…Je sais bien que la vie est faite de séparations et j’ai peur que les années passent bien trop vite entre nous… »


Le poème que nous vous présentons aujourd’hui a été écrit par Su Dongpo pour son frère Tseyu à l’occasion d’une de leurs nombreuses séparations.
« Premier chant mélodique sur l'eau »- L'année du troisième tronc et du cinquième rameau, à la mi-automne, j'ai pris plaisir à boire jusqu'à l'aurore et en grande ivresse ai composé ce texte en pensant à Tseyu.

Su Dongpo et Li Bai

Le poème dédié par Su Dongpo à son frère est manifestement une variation sur un poème de Li Bai comme nous le dit le poète lui-même :

« Avec qui pourrais-je danser ?
le grand Li Po dansait à trois
la lune et lui son ombre et elle
mais je suis seul au fond du sud
perdu dans un pays malsain »


La comparaison des deux poèmes nous conduira à paraphraser Anne Cheng pour parler de thèmes poétiques véhiculés par la tradition qui ne sont pas propres à un auteur. Certes, la tradition existe dans toutes les civilisations. Il semble pourtant qu’elle ait occupée (occupe ?) en Chine une place particulière et que les Chinois plutôt que de rechercher l’originalité des thèmes aient préféré des variations subtiles sur des thèmes puisés dans un fonds commun.
La mise en relation des deux poèmes va permettre de dégager quelques uns des grands thèmes de la poésie chinoise.

Voici le poème de Li Bai (traduit par F Cheng éd Albin Michel)


« Buvant seul sous la lune
Pichet de vin, au milieu des fleurs,
Seul à boire, sans un compagnon.
Levant ma coupe, je salue la lune :
Avec mon ombre nous sommes trois.
La lune pourtant ne sait point boire.
C’est en vain que l’ombre me suit
Honorons cependant ombre et lune :
La vraie joie ne dure qu’un printemps !
Je chante et la lune musarde
Je danse et mon ombre s’ébat
Eveillés, nous jouissons l’un de l’autre;
Et ivres, chacun va son chemin…
Retrouvailles sur la voie lactée :
A jamais randonnées sans attaches ! »

Ceci n'était qu'un premier épisode. L'examen de ces deux poèmes va nous servir de fil conducteur pour traiter quelques thèmes: la lune, l'ivresse, l'ombre, la notion de sujet... En attendant, n'hésitez pas à intervenir!

Françoise
Jingping
Weiyi
Jean-Louis

mercredi 5 novembre 2008

Cine Chinafi - Royal de Luxe

Un samedi après-midi comme toujours, c'était la rentrée de Ciné Chinafi samedi le 25 oct. Pour la première fois, un documentaire est choisi pour la ciné de Chinafi. Mais une histoire encore plus "faramineuse" qu'une fiction.

Synopis: L'hisoire se passe à fin fond de Chine, Guan Cun, petit village de 750 habitants, au nord de la province du Shaanxi, épargné encore de la modernité. Un groupe de théatre de la rue, Royal de Luxe, s'est installé avec des membres français et africains, à la recherche d'inspiration, de nouvelles idées et talents. Répétitions, ateliers, marionnettes, improvisations, recherches, musiques africaines et chinoises... ont rythmé, pendant ces trois mois la vie quotidienne de la troupe et des villageois.

Pas très long, mais je crois que le film a rempli la salle de plein de bonne humeur et de douceur, malgré le paysage rude et sec.

C'est une région réputée pour sa terre jaune et sableuse, ne guère capable de faire pousser des graines. C'était une des raisons pour laquelle la Longue Marche de Mao s'arrêta à côté: les seigneurs de Kuo Ming Tang s'en foutaient de cette terre et avaient des flemmes de venir jusque là. Mais les habitants (陕北人 shan bei ren / les gens du nord de Shaanxi) ont incroyablement un don de mélodie et de bonheur. Ils ont accueilli avec bienveillance les artistes français et africains de Royal de Luxe, peu importe leur couleur de peau et niveau de chinois, et surtout adoré les pièces "originales" qu'ils ont fait. On les voient tout au long du film, à travers les sourires ridés, les gens qui racontent, etc. etc.

Le Royal de Luxe est un groupe de théatre de rue nantais (d'origine d'Aix en Provence on peut dire pour les écoles léchées par ses créateurs), impressionnant par leur capacité de se débrouiller et créer des miracles à partir de rien. *Les "blanches et noirs" étaient là vraiment mélangés avec les "jaunes", non sans peine, mais avec bp de assituduité et d'ouverture, à apprendre à se comprendre et travailler avec. On s'apprécie, s'échange des idées, se découvre. Les marionnettes ont plus de caractères et de vie, les chansons ont plus d'énergies. ces «Petits Contes chinois revus et corrigés par les nègres» ont eu un grand succès devant les villageois dont une fille a vu et revu pour 6 fois.

L'histoire s'arrête aux sourires des spectateurs français quand la pièce est revenue à Nantes. Les mêmes sourires et regards curieux que 8000 km plus loin.

Dans la continuité de cette conte réelle, on va voir à la prochaine séance, toujours un samedi après-midi en novembre, leur expérience en fin fond d'Afrique (Cameroun),. (Pas sur la Chine pour une fois, mais )pour finir l'histoire et continuer jusqu'au bout notre discussion, sur tout qui sort de nos yeux. Bien sûr on va revoir un peu d'extrait de l'épisode en Chine. Espère votre présence et partage de toutes vos avis. La date exacte sera communiquée après planning de Chinafi.

*Ne soyez pas choqué par ce descrptif, qui n'a aucun préjugement raciste. ça vient d'une chanson "française" très mignonne, chantée par un musicien chinois. Je vous laisse découvrir dans le film.

DIMANCHE 16 NOVEMBRE 2008

Comme promis quelques précisions sur notre rencontre, notre rendez vous est fixé à 10heures avec M Galiano au Pont des Tompines - vallée de saint Pons à GEMENOS.

Nous allons nous rendre tous ensemble à la grotte de la chèvre qui vole,
durée : 1 heure 30 avec de nombreuses haltes pendant lesquelles nous boirons les paroles de notre guide, à ce propos une traduction simultanée en chinois serait souhaitable (qu'en pensez-vous?)

précision : randonnée facile néanmoins passage dans une pierrière, de ce fait M Galiano m'a dit et répété que des bonnes chaussures sont indispensables

donc rendez vous au métro LA ROSE A 9 HEURES OU AU PONT DES TOMPINES A 10 HEURES

PREVOIR PIQUE NIQUE

COMME DIT JEAN PIERRE : "il fera beau"

VIVE CHINAFI ET A DIMANCHE POUR UNE BELLE JOURNEE AUTOMNALE

Nicole