3. L’immanence
Selon la théorie de F.Jullien, les deux maîtres mots qui caractérisent les pensées chinoise et occidentale sont l’immanence et la transcendance. Billeter pense qu’il n’est pas faux de dire que la pensée chinoise est une pensée de l’immanence, mais il reproche à F. Jullien de ne pas avoir dit que cette pensée de l’immanence, le confucianisme, est congénitalement liée à l’ordre impérial dans lequel la question des « fins » ne peut être posée et dans lequel l’intelligence ne peut s’appliquer qu’aux « moyens » de s’adapter à ce qui est. Des sources montrent que cela a été fait de manière délibérée et c’est dans ce cadre d’une justification dissimulée de l’exercice du pouvoir que s’est développée la pensée chinoise. Les penseurs dont F. Jullien s’est inspiré sont des penseurs non critiques qui ne connaissent de moralité que soumise au système.
Les conséquences de cette absence de critique en sont les affinités de F.Jullien avec les hommes d’affaire (théorie de l’efficacité) qui voient une parenté entre la pensée chinoise de l’adaptation incessante aux situations et leur pratique.
Billeter relève toutefois une interrogation de F. Jullien qu’il juge intéressante, celle où il se pose la question : « La Chine a pensé le pouvoir (ou la morale) mais pas le droit, elle a pensé la machine à obéissance mais pas la transcendance de la loi et de la justice. Elle ne pourra pas toujours se tenir à l’écart de la pensée de la finalité ». En fait ce ne sont pas, comme le dit Jullien la Chine et l’Europe qui s’opposent mais le pouvoir impérial et le principe démocratique.
F. Jullien prétend que la Chine est indifférente à la psychanalyse. En fait la Chine connaît encore peu la psychanalyse car elle s’oppose de front à la piété filiale, vertu que le pouvoir a inculqué à ses sujets afin d’ancrer en eux la soumission à l’autorité.
F. Jullien est insensible à ce que la société chinoise a caché dans le passé. Il ne parle que de « la pensée lettrée » mais pas des lettrés en eux mêmes et de ce qu’ils vivaient. Pourtant l’historien Si Ma Jian ou les écrits de Li Zhi nous apprennent que les lettrés « parlaient beaucoup et agissaient peu », et que leurs discours de « sage prudence » ou de « préservation de soi » leur évitait d’avoir des ennuis. On sait aussi grâce à Li Zhi les terribles contraintes qu’ils subissaient.
F. Jullien fonde sur le seul héritage grec toutes les oppositions entre les deux pensées. Or il y a eu en Europe des monarchies, des tyrannies, des dictatures, des totalitarismes, tantôt justifiées, tantôt critiquées et qui ont joué un rôle notable dans l’histoire. En Europe, ce sont les aristocrates et les religieux, du fait de leur autonomie, qui se sont fait moralistes, ont démonté les rouages du pouvoir et mis à nu les passions qui en forment le ressort. Le progrès qu’ils ont fait faire à la connaissance du cœur humain n’a pas eu d’équivalent en Chine.
Pour Billeter, F. Jullien est embarrassé sur le problème de la démocratie en Chine car les chinois devraient pour cela convertir leur pensée de l’immanence en pensée de la transcendance, ce qui lui parait improbable, voire impossible. Billeter reproche à Jullien de ne pas avoir fait de rapprochements avec l’histoire de la démocratie en Europe. Tout comme il a fallu du temps pour qu’elle s’impose en Europe (et sans doute en faut il encore !) il semble que ce processus long de démocratisation soit en cours en Chine.
mercredi 6 février 2008
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1 commentaire:
esperons qu'il soit le moins long possible, le processus de démocratisation de la Chine ...
merci de nous apporter toutes ces précisions sur l'immanence à opposer à la transcendance ...
si toutefois j'ai tout compris (dictionnaire à l'appui)
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