mardi 24 décembre 2013

Rétrospective 2013




务来新友,戒毋喧旧者
玛窦《交友论》
Appliquez-vous à trouver de nouveaux amis, mais gardez-vous
d’oublier les anciens.
Matteo Ricci
Traité de l’amitié.

Une année riche en évènements et en rencontres pendant laquelle Marseille fut capitale européenne de la culture.

Une promenade dans Marseille pour découvrir les principaux sites de MP 2013. Les crêpes de la Chandeleur arborant leur plus beau sourire. La célébration de l’année du Serpent à Euromed et à Chinafi. L’anniversaire de Françoise. Les Tang Yuan de la fête des Lanternes fricassant dans une poêle. Quelques pas de Capoeira et quelques notes de berimbau. Les carrières de Lumières, la visite des Baux, un chocolat chaud et des jeux dans un petit café de Mouries. Cornillon-Confoux, ses bories, son mur des abeilles et la recherche des œufs de Pâques. L’anniversaire de Zhao et le mien. L’omelette avec des asperges récoltées le dimanche précédant dans les collines de Marseille. Le tableau du tempo et l’invention de pictogrammes pour expliquer nos chansons. Un champ harmonique dominant le village des Goudes. Le Vieux-Port illuminé de mille lanternes. Le premier bain de l’année à Port d’Alon avec Jingping, Cuiqi et Julie. Les travailleurs chinois et la grande guerre racontés par Yves. Château Barbanau, ses vignes et ses caves. La soutenance de Tingting. La soirée de gala du festival du cinéma chinois. Faire des tartes tatin chez Anne, un soir de Juin. La fête de la musique et Vicky dansant dans les rues du Panier. La nuit des voix lactées. Les lavandes dans le Lubéron, le musée du tire-bouchon à Ménerbes. La navette de la RTM pour aller découvrir le sentier des peintres à l’Estaque, manger des chichis et chanter sur le bateau au retour. Une soirée chez Fleur et Guy et le premier chant des cigales. A la recherche de l’Agave americana, du platane murier sur les Iles du Frioul et des chanteurs mouillés par les embruns. Le chant des sirènes à La Ciotat. Autour du berceau de Matis sous la grande roue de la plage du Prado. Les fées et les chauves-souris dans le parc de Saint Pons, la nuit. La rentrée des nouveaux choristes le 24 septembre. Corinne et Olivier nous transportent au cœur de la musique chinoise. Le chinois tel qu’il est, le chinois tel qu’il va par Joël Bellassen. La Sainte Baume dans le brouillard et l’abri du pèlerin retentissant de nos chants. Se faire les mollets à Pourcieux et visiter Saint Maximin. Une calligraphie dans les ocres de Rustrel et Noël, il y a quelques jours au tempo…
Jean-Louis


墨卧皮(古闻士者)折开大石榴,或人问之曰:夫子何物,愿获如其子之多耶?曰:忠友也。
Megapito – érudit célèbre de l’Antiquité – venait d’ouvrir une grosse grenade. Quelqu’un lui demanda : « Maître, si vous pouviez avoir quelque chose en aussi grande quantité que ces pépins, que choisiriez-vous ? » Celui-ci répondit : « Des amis fidèles ».

Matteo Ricci
Traité de l’amitié.

mercredi 18 décembre 2013

Joyeux Noël !



Beaucoup d’ambiance ce mardi soir au tempo de la rue Falque. C’est devenu maintenant une tradition pour notre chorale de célébrer Noël et le bout de l’an (d’où les cotillons).

Nous arrivons un peu en avance pour décorer la salle. Nous installons le Père Noël à la longue barbe blanche, le Père Noël grimpeur, les guirlandes lumineuses, les petits chapeaux pointus, les boules en papier pour les sarbacanes (non elles ne se mangent pas !) et la table pour le goûter de Noël.

Les choristes commencent à arriver. Nous chantons quelques chants de Noël puis quelques chansons françaises et chinoises de notre répertoire. Mais voici l’heure de la détente. Nous nous installons à table pour partager les gâteaux, les friandises, le cidre. Nous levons nos verres à l’amitié. Olivier qui nous a rejoints nous fait le plaisir de nous accompagner au hulusi pour chanter Scarborough fair et nous interprète quelques beaux morceaux en solo.

Un moment je me suis dit : « nous sommes un peu loin de l’esprit de Noël ». Mais finalement peut-être pas tant que ça. Car qu’est ce que Noël ? C’est la fête de l’espoir qu’il soit incarné par la renaissance du jour, par un enfant né dans une étable il y a 2000 ans, par tous les enfants du monde. C’est la fête des enfants et pour ceux qui ne le sont plus c’est l’occasion de retrouver leurs joies d’enfant. C'est le plaisir d'être réuni, d'être ensemble. Et en cela notre fête était plutôt réussie comme en témoignent, les rires, les jeux, les pas de danse que vous pouvez voir sur les photos.

Une soirée bien sympathique à renouveler sans modération.

Joyeux Noël et bon bout d'an à tous et à toutes !

Jean-Louis


dimanche 15 décembre 2013

calligraphie à Rustrel






Il est 10h30. Nicole me téléphone : « Nous sommes à Cadenet. Rendez-vous dans cinq minutes à Lourmarin ». Nous arrivons presque en même temps devant le château. Nicole me présente ses passagers : Ambre, Joséphine et Victor, trois nouveaux amis chinois. Un coup d’œil aux ânes qui paissent tranquillement dans la clairière du village et nous voilà partis, destination Rustrel où nous avons prévu de visiter le Colorado Provençal. Les autres voitures nous rejoignent bientôt sur le parking du site. Et c’est un sympathique petit groupe de 16 personnes qui s’engage sur les sentiers du Colorado sous la conduite de Nicole. Nous avons décidé de faire le grand tour pour une durée de trois heures de marche approximativement.

 Nous étions venus il y a cinq ans, mais le balisage a été sensiblement modifié pour des raisons de sécurité et ne permet plus, c’est du moins l’impression que j’en aurai, la même approche des lieux (sentiment partagé par Nicole). Mais ne boudons pas notre plaisir, le temps est magnifique, le ciel est d’un bleu éclatant et les couleurs de la forêt et des ocres sont somptueuses.    

Nous cheminons le plus souvent à l’ombre de sous bois. Des trouées permettent de belles perspectives sur les falaises et les cheminées de fées parées de toutes les nuances des ocres (plus de 50 tons différents, je crois). Sur les talus des tapis de mousse, au sol dans les coins qui n’ont pas vu le soleil des plaques de givre et même parfois un peu de glace. Des châtaigniers ont laissé à terre leurs feuilles et les bogues des châtaignes encore tout hérissées de leurs piquants. Parfois nous croisons un petit ruisseau ce qui donne lieu à des traversées plus ou moins acrobatiques qui permettent aux chevaliers servants de faire preuve de leur galanterie. Les conversations vont bon train : nous échangeons nos impressions sur les derniers films vus :   Touch of Sin de Jia Zhangke ou encore la Vénus à la fourrure de Polanski. Olivier a visité les lieux il y a quelques mois avec un ami botaniste passionné par les plantes, bien sûr, mais aussi par l’étymologie, la mythologie. Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager une de ces étymologies rapportées par Olivier. On sait que les Romains tressaient des couronnes de lauriers aux vainqueurs mais l’on sait peut-être moins que les baies de lauriers, bacca laurea, sont à l’origine du nom du plus célèbre de nos examens. Je voudrais formuler ici une prière : serait-il possible que cet ami botaniste guide un jour une sortie Chinafi et nous fasse partager ses connaissances ?

Nous arrivons dans le beau cirque du « désert blanc ». C’est le lieu choisi pour notre pique-nique. Nous nous formons un cercle en nous asseyant sur des troncs d’arbres. Comme d’hab, nous partageons la nourriture et le café et le vin. Je constate, à ce propos, que les Chinois semblent préférer le vin blanc au vin rouge. Olivier a apporté sa fameuse pâte de coing  aux vertus remarquables. A la fin du repas, Nicole distribue les paroles des chansons que nous entonnons en chœur : Tian mi mi, Santiano, et bien sûr Galanshu pour nos deux Olivier. Il fait si bon que nous quittons vestes et pull-over.

Nous reprenons le chemin toujours en admirant la beauté des couleurs. Nous faisons mieux connaissance avec nos nouveaux amis. Joséphine joue du pipa, Ambre joue de l’erhu et pratique la calligraphie. Espérons de beaux concerts en perspective.

Nous voici dans un nouveau cirque. Nicole veut que l’on calligraphie le mot  amitié  you yi sur le sol. Nos amis s’y emploient. Nous retrouvons les gestes de l’ Homo Erectus, et laissons l’empreinte de nos mains en pochoirs.

En retournant aux voitures nous arrivons à l’aqueduc de Couloubrier qui alimentait jadis un petit moulin situé en aval. Avant de nous séparer Li Shu interprète une chanson du Yunnan et Vicky une chanson de Mongolie.

Voilà une belle rencontre pleine de promesses et de projets.

Merci à Nicole pour nous avoir servi de guide. Merci à tous pour votre participation.

Jean-Louis


mercredi 11 décembre 2013

Touch of Sin (天注定)



C’est la sortie aujourd’hui du film de 贾樟柯 (Jia Zhangke) intitulé  天注 (A touch of sin), un film sur le pourquoi de la violence en Chine.   
A voir en VO dans les bonnes salles de cinéma comme au cinéma le Prado à Marseille par exemple ;-)
Cécile et Olivier

dimanche 1 décembre 2013

Confucius et les Papous ou les jeux et les rites


Les Papous de Nouvelle Guinée avaient-ils la même conception des rites que Confucius ? Il semble que oui, au moins dans une certaine mesure.

Les rites, les rituels ont fait l’objet de nombreuses études de spécialistes venant de domaines aussi divers que la sinologie, la psychologie (ou la psychiatrie) ou encore l’ethnologie. Quelles fonctions remplissent les rites qui les rendent si importants ? Ces fonctions sont-elles décrites de la même manière par les différents spécialistes que je viens d’évoquer ? Trouve-t-on, en tout cas, des points communs dans ces approches diverses qui expliquent le rôle central qu’ils tiennent dans les relations humaines ?

Béatrice L’Haridon, dans sa conférence sur Confucius, a signalé le rôle des rites pour canaliser la violence, leur fonction de régulation et de maintien d’un équilibre entre les humains. On en trouve un exemple dans les règles de politesse et de bienséance sur lesquelles insiste Confucius : « Les grands sages …ont formulé des règles de bienséance …pour aider (les hommes) à se distinguer des animaux par l’observation des rites ». (Liji, traité des Rites). Harmonie et élégance dans les relations humaines, beauté des cérémonies confèrent aux rites une dimension esthétique qui a conduit Confucius à associer les rites et la musique.

Approfondissant le rôle des rites, Anne Cheng, dans son Histoire de la pensée chinoise, précise que le rite « est ce qui fait l’humanité d’un groupe humain et de chaque homme dans ce groupe ». En effet, le constat des scientifiques contemporains est que la nature humaine n’existe pas. Notre « humanité » n’est pas un donné, elle se construit à travers notre éducation, notre socialisation, l’apprentissage des rites (Voir P. Picq, M. Serres, J.D Vincent, Qu’est ce que l’humain ? Editions Le Pommier, 2003, notamment p ; 9, voir aussi les travaux de Jean Itard sur Victor de l’Aveyron qui a inspiré L’enfant sauvage , le beau film de François Truffaut.) « Les sentiments les plus instinctifs (attirance, répulsion, souffrance, etc) ne deviennent proprement humains que lorsque les hommes leur donnent un certain sens, autrement dit les ritualisent ». C’est ce qu’ont observé les psychologues de l’enfance : « pour un petit enfant, un acte prend sens à partir du moment où il est ritualisé. »

Et les Papous dans tout ça, me direz-vous ? J’y viens.
Bien sûr, le contenu des rites observés par Confucius était certainement différent de celui des indigènes de Nouvelle Guinée, pourtant il est intéressant de constater que ceux-ci ont abordé le jeu du football, lorsqu'ils l'ont découvert, avec un esprit rituel qui n'est pas sans rappeler celui qui vient d'être décrit (canalisation de la violence, maintien d'un équilibre entre les membres du groupe).

Dans un entretien accordé à Jean José Marchand en juillet 1972, Claude Lévi-Strauss établit un parallèle entre les jeux et les rites. Les jeux et les rites ont ceci en commun qu’ils obéissent à des règles, à des codes que les participants doivent suivre scrupuleusement. En revanche, ils fonctionnent à l’inverse l’un de l’autre. Le jeu part d’un certain état d’équilibre. Les joueurs, au départ, sont supposés être à égalité et le jeu consistera à déterminer entre eux une inégalité, un déséquilibre de manière à ce qu’il y ait à l’arrivée un gagnant et un perdant. Ainsi, dans un jeu comme le football, on a même prévu des prolongations pour qu’un vainqueur puisse se dégager si ce n’est pas le cas au terme du temps réglementaire. Tandis que dans le rite c’est exactement le contraire. Il s'agit non pas de créer une inégalité, qui est d'une façon ou de l'autre un désordre, mais de créer, de rétablir, de maintenir un ordre, un équilibre dans les relations entre les participants. En ce sens, un rite se déroule comme un jeu mais dans l'autre sens. Pour illustrer son propos, Lévi-Strauss cite l’exemple de la modification des règles du football apportée par les tribus de l’intérieur de la Nouvelle Guinée. Ces population sont restées à l’écart de la civilisation occidentale jusqu’au milieu du XX° siècle. Lorsque les missionnaires sont entrés en contact avec elles, ils leur ont appris des jeux comme le football. Il a été très frappant de constater que les Papous se mettaient à jouer au football autant de parties qu'il était nécessaire pour qu'il n'y ait ni gagnant ni perdant, que chacun ait été à son tour gagnant ou perdant un certain nombre de fois. Ici les prolongations servaient à maintenir l’équilibre, l’harmonie dans les relations entre les membres de la tribu. Le jeu avait été transformé en rite.
Jean-Louis

Voici quelques pistes de documents écrits ou audio-visuels pour ceux qui voudraient approfondir les thèmes évoqués dans cet article.

- Le site des grands entretiens de l’INA
http://grands-entretiens.ina.fr/consulter/HorsSerie/Levistrauss/

On trouvera à cette adresse plus de 5 heures d’entretien entre Claude Lévi-Strauss et Jean José Marchand. C'est un grand plaisir de découvrir la personnalité de l’ethnologue et de le voir et l'entendre exposer les grands thèmes de son œuvre d’une manière très accessible. Il me semble qu’il est toujours très éclairant de lire en parallèle les écrits des sinologues et des ethnologues lorsque leurs recherches se croisent.

- L’Histoire de la Pensée chinoise d’Anne Cheng, particulièrement les pages 73-75 où est traité l’esprit rituel chez Confucius
- La plaquette : Comment devient-on universel ? paru chez l’Harmattan où Anne Cheng montre comment les intuitions de Confucius rejoignent le constat des scientifiques modernes sur l’inexistence d’une nature humaine
- Le site « fait religieux »
http://www.fait-religieux.com/beatrice-l-u2019haridon-l-u2019economie-est-a-la-charniere-du-perfectionnement-personnel-et-des-rapports-entre-humains-
On trouvera à cette adresse un entretien où Béatrice L’Haridon évoque la dimension économique dans la pensée de Confucius et où elle aborde également la question de l’esprit rituel.
- Le film L’enfant sauvage de François Truffaut et le livre éponyme de TC Boyle.

dimanche 24 novembre 2013

Parés à virer ...faudrait pédaler ...



Confortablement installés dans la jolie Kangoo d’Anne, nous longeons la Sainte Victoire en observant les plaques de neige reste des dernières chutes. Après quelques hésitations sur le chemin à suivre nous arrivons à Pourcieux, but de notre voyage et point de départ de notre expédition en vélorail. Nous traversons les rues désertes du petit village. Comme nous sommes un peu en avance Anne et moi décidons d’aller boire un petit café dans un petit café tout droit sorti des années cinquante. Au fond de la salle un jukebox, dernière acquisition de l’établissement dans les années soixante.
Mais il nous faut bientôt affronter à nouveau le froid et rejoindre la voiture pour gagner l’aire de pique-nique lieu de notre rendez-vous. Nos amis arrivent. Nous sommes 45 ou 46, je n’ai pas compté. Un record, je crois, dans les annales des sorties chinafi. Nous avons de la chance. Il fait beau, un peu froid mais Eole, pourtant annoncé par la météo, est allé se promener ailleurs.

Le rendez-vous à la gare étant fixé à 12h30 pour un départ à 13h00, nous commençons exceptionnellement notre rencontre par le pique-nique. Francis ouvre les hostilités en débouchant plusieurs bouteilles de beaujolais, suivies bientôt de bouteilles de bordeaux et de rosé. Sur la table s’amoncellent les victuailles agrémentées de spécialités bretonnes grâce aux amis de Nicole. Comme vous pourrez le constater sur les photos nous avons affaire aujourd’hui à un véritable concours d’élégance. Certains sont coiffés de magnifiques chapkas, d'autres de bonnets de stroumpfs, une fashion lady nous montre ses gants hérissés de clous avec un sac gothique assorti. Mais voici que s’engage une partie de Jian zi entre Cui et plusieurs camarades. Chantal a apporté des papillotes garnies de pétards, avant goût des fêtes de Noël.
Et puis, vous vous en doutez, une sortie chinafi ne serait pas une sortie chinafi sans l’intervention de notre chorale qui s’en donne à cœur joie.Une mention spéciale pour Aïda qui voudrait bien intégrer notre chorale. Voyez comme elle s'applique à chanter.

Mais il est temps de rejoindre la petite gare de Pourcieux d’où vont partir les vélorails. Sur le quai nous faisons quelques photos. Voyez par exemple, celle réunissant notre chère doyenne, la maman de Nicole et la petite fille de Mahmoud âgée de deux mois. Eric, toujours soucieux du bien public, vérifie si le téléphone de campagne fonctionne bien. J’assiste ensuite à un déploiement stratégique consistant à choisir ceux qui semblent les meilleurs « pédaleurs » pour embarquer avec eux. Le sympathique chef de gare nous explique les consignes de sécurité et nous voilà partis. Le paysage est beau. Nous longeons des champs de vigne, traversons ponts et viaducs. En arrière-plan les contreforts enneigés des Alpes. Aux passages à niveau nous descendons consciencieusement pour soulever le fil barrant la voie. Nous nous engageons dans un passage encaissé entre des parois rocheuses annonçant le tunnel du Saint Pilon que nous franchissons en criant pour effrayer les fantômes. Anne fait quelques belles photos pour saisir le vélorail qui nous précède en ombres chinoises. Passé le tunnel commence une belle descente. Comme c’est agréable ! Que du plaisir nous avait dit le chef de gare. Pourtant une inquiétude commence à pointer dans nos esprits car une descente à l’aller c’est une montée au retour. Mais n’anticipons pas ! Voici la banlieue de Saint Maximin. Nous apercevons la petite ville et sa Basilique. Enfin nous arrivons au terminus. Le toujours sympathique chef de gare retourne les vélos et pose avec nous pour la photo de groupe.

Et alors commence la montée. Dur, dur. Je pédale avec Fabien. Mais nous nous relayons. Heureusement nous recevons le renfort de Yang Song dont l’enthousiasme fait plaisir à voir. La voilà qui entonne :
Parés à virer
Les gars faudrait pédaler
On se reposera quand on arrivera
A la gare de Pourcieux…
Que nous atteignons bientôt fourbus mais contents.

Mais la journée n’est pas finie. Nous partons pour visiter Saint Maximin. Une première halte au lavoir où Mireille, imitée par M. Gao, fait une démonstration du travail des lavandières. Elle nous montre le bassin de lavage et les deux bassins de rinçage. Nous longeons ensuite le couvent royal autrefois administré par les dominicains aujourd’hui converti en hôtel. Nous visitons le superbe cloître avant de nous diriger vers la Basilique Sainte Marie-Madeleine. Sur la place une plaque à la mémoire du comte de Provence Charles II qui décida, en 1295, de faire construire la Basilique, le plus important monument gothique de Provence. Nous pénétrons dans la nef majestueuse, pour aller jusqu’au maître autel et au chœur de style baroque. En nous retournant nous admirons le grand orgue du XVIII° siècle. Nous visitons la crypte qui contiendrait les reliques de la Sainte et qui renferme quatre beaux sarcophages.

Pendant la visite nous sommes assaillis par les questions de nos amis chinois qui montrent qu’ils sont aussi curieux de notre culture que nous de la leur.

Nous rentrons par la petite rue où se trouve toujours la plaque de la java de juju. Souvenir…

Voilà encore une belle sortie. Merci à tous ceux qui ont participé à son organisation et particulièrement à Françoise qui a d’autant plus de mérite qu’elle n’a pas pu participer à cette rencontre. Merci à tous pour votre bonne humeur.
Jean-Louis

lundi 18 novembre 2013

Chanson du Yunnan




Lorsque nos amis de la chorale (promotion 2012-2013) sont rentrés en Chine nous nous sommes promis de rester en contact. Ils tiennent leur promesse et nous recevons de temps en temps de leurs nouvelles. Hier, Ludivine nous a transmis une magnifique chanson. Je pense qu'il était important de vous la faire partager car elle permet de découvrir par la même occasion une interprète exceptionnelle que, pour ma part, je ne connaissais pas : Gong Linna.
Ludivine ne reculant devant aucun effort nous a transmis les paroles et même les partitions pour nos talentueux musiciens.
Merci Ludivine,
Jean-Louis


"Bonjour,
 
Aujourd'hui je vous propose la chanson "Le ruisseau clair coule". c'est un chant floklorique du Yunnan interprétée par Gong Linna, Une excellente chanteuse chinoise qui combine la musique floklorique et la musique moderne .(Son mari Robert Zollitsch est Allemand.Il est aussi un musicien )
Je vous également envoie la partition de musique de cette chanson.

Cordialement,
Ludivine

 
月亮出来亮汪汪  亮汪汪  
yue liang chu lai liang wang wang, liang wang wang 
想起我的阿哥在深山  
xiang qi wo de a ge zai shen shan
哥像月亮天上走  天上走  
ge xiang yue liang tian shang zou, tian shang zou  
哥啊哥啊哥啊   
ge a ge a ge a
山下小河淌水
shan xia xiao he tang shui
清悠悠
qing you you
 
月亮出来照半坡  照半坡   
yue liang chu lai zhao ban po, zhao ban po
望见月亮想起我阿哥  
wang jian yue liang xiang qi wo a ge  
一阵清风吹上坡  吹上坡   
yi zhen qing feng chui shang po, chui shang po
哥啊哥啊哥啊  
ge a ge a ge a 
你可听见阿妹 
ni ke ting jian a mei   
叫阿哥
jian a ge
 
La lune émerge, brillante, brillante.
Je pense à mon amoureux qui est au fond de la montagne.
Il marche au ciel comme la lune
 
La lune émerge, en éclairant la montagne.
Je pense à mon amoureux quand je regarde la lune.
Une légère brise passe.
Mon amoureux,mon amoureux,
Est-ce que tu m’entends ?
Je t ‘appelle dans mon cœur .
 

vendredi 15 novembre 2013

"Ailleurs, autrefois" versus "Ici, maintenant" ?


Françoise Héritier écrit qu’à l’origine de sa vocation d’ethnologue il y a certainement une préférence pour « l’ailleurs, autrefois » par rapport à « l’ici, maintenant ».
L’étude de cet « ailleurs, autrefois » qui peut sembler gratuit au premier abord ne l’est pas s’il peut fournir  des points de comparaison, des ressemblances, des écarts, des repères, des interrogations, un miroir permettant de mieux comprendre notre « ici, maintenant ». Pour comprendre, pour connaître ne faut-il pas des repères, des points de comparaison ? La grandeur, la vitesse, par exemple, ne peuvent s’apprécier que par rapport à une référence.

On se souvient que Joël Bellassen, dans sa conférence, parlait de cet ailleurs, de ce dépaysement, de cette distance offerts par la langue, l’écriture, la culture chinoises qui nous permettent d’interroger ce qui nous semble évident dans notre culture.
Le dernier livre de Françoise Héritier s'intitule "Le goût des mots". Il m'a semblé intéressant de le lire en le mettant en relation avec quelques éléments de culture chinoise.

Dès le titre, l'auteur introduit une correspondance entre les mots et les saveurs. Déjà Paul Claudel disait que les vers d'Aragon se sucent comme des bonbons. Comme le faisaient Rimbaud ou Baudelaire, Françoise Héritier montrent que ces correspondances peuvent s'étendre aux couleurs, aux sons, au toucher. Elles peuvent même concerner les valeurs morales et traduire la position d'une culture dans certains domaines.     

L'ethnologue évoque, par exemple, la notion de blanc associée dans notre culture à celle de pureté, de virginité. Elle détaille une série d’associations liées à la notion de blancheur qui dénotent une certaine attitude vis-à-vis de la sexualité :
-          propre versus sale
-          pur vs impur
-          limpide vs trouble
-          virginité vs exercice de la sexualité
-          transparent vs opaque. La vie d’une jeune fille pure est transparente. Un diamant pur diffracte la lumière sans ombre. Sinon il y a une impureté, un « crapaud » comme disent les joaillers. Un crapaud est sale et gluant. C’est l’antonyme de la princesse et du prince charmant de nos contes de fées.
Je me souviens, pour avoir, participer à des noces de villages dans l’Isère combien ces notions d’impureté, de « saleté » liées à la sexualité étaient présentes notamment à travers des rites scatologiques.

Or, on le sait, le blanc, en Chine, est la couleur du deuil. Il serait intéressant de savoir quelles associations d’idées conduisent à ce rapprochement, et d’une manière plus générale à quelles associations d’idées conduisent le fait de penser en chinois.

L’étudiante qui m’a transmis les pictogrammes de l’article précédant m’écrivait, dans des termes très beaux, très poétiques une chose fort intéressante : « la culture dongba est une sorte de nourriture ou de musique autour de moi. Je la connais sans en avoir conscience.  Je vis dans une société naxi. Ne pensez vous pas que la culture est quelque chose qui agit sur l’homme d’une manière invisible ? » On ne saurait mieux décrire l’action d’une culture sur ses membres et la nécessité de prendre du recul pour percevoir l’originalité de notions qui nous semblent naturelles et comme allant de soi parce qu'on les a assimilées avec l'air que l'on respire alors qu'elles sont le produit d'une éducation, d'une socialisation.
Plus loin, Françoise Héritier évoque le goût des enfants, des poètes, son propre goût pour donner créer un langage particulier, pour donner aux mots une acception différente de celle communément admise. Cela suppose de savoir conserver aux mots une certaine opacité, un certain secret à découvrir dans lesquels se glisse l’espace du jeu que l’on peut avoir avec eux. « Trop  de compréhension immédiate serait-il nuisible ? » nous dit Françoise Héritier. Il semble que la langue chinoise refuse ce « trop de compréhension immédiate » préférant conserver, comme nous l’a expliqué Joël Bellassen, un certain flou : un caractère ne renvoyant pas à un sens précis mais plutôt à une idée (voir compte rendu de la conférence).
Nous lisons certainement tous les livres à travers nos propres références. Il me semble que quelques éléments de culture chinoise offre un prisme de lecture particulièrement riche. N’est- ce pas une bonne raison de s’y intéresser ?
Jean-Louis

Françoise Héritier est professeur honoraire au Collège de France où elle a succédé  à Claude Lévi-Strauss. 


lundi 4 novembre 2013

Ecriture dongba

"Amour" en écriture dongba


Livre dongba

Les Naxi forment l'une des minorités chinoises. Au nombre d’environ 300 000, ils vivent aux confins du Yunnan, du Sichuan et du Tibet. Ils ont développé une culture très riche souvent appelée culture dongba (du nom de leurs prêtres) qui comporte des aspects religieux, une tradition littéraire et musicale, une langue et ce qui est plus rare une écriture.

L’écriture dongba est une écriture pictographique, probablement la dernière existante dans le monde. Elle comporte environ 2000 caractères permettant de transcrire certains aspects de la langue naxi.
Quelques pictogrammes m’ont été transmis par une étudiante en ethnologie de l’université de Kunming. Je trouve particulièrement sympathique le caractère signifiant « amour » que j’ai voulu vous faire partager.

Il est intéressant de noter que les Naxi de la région de Yongning ont une société matriarcale et matrilinéaire.

Seul un petit nombre de personnes peuvent encore comprendre cette écriture. La sauvegarde de ce patrimoine rare et non reproductible de l’humanité est devenu une priorité car comme l’écrivait Claude Lévi-Strauss : « les cultures indigènes se désintègrent plus vite que les corps radioactifs, et la lune, Mars et Vénus seront toujours à la même distance de la terre quand ce miroir que d’autres civilisations nous tendent se sera tellement éloigné de nos yeux qu’aucun instrument, si complexe et coûteux soit-il, dont nous pourrions disposer, ne nous permettra plus d’inspecter ni même d’apercevoir cette image de nous-mêmes, pour un temps offerte à notre regard et qui nous aura fuis à jamais. »
Jean-Louis

dimanche 20 octobre 2013

La Sainte Baume 2013



Samedi, la météo n’était pas optimiste. Dans la nuit je crois entendre la pluie et des rafales de vent. Je suis saisi par le stress des organisateurs. J’ouvre les volets. La lune roule entre de gros nuages noirs. A 8 heures, je téléphone à Nicole. Il n’y a eu aucun désistement. Nous décidons de maintenir la sortie.

J’arrive le premier au parking du métro La Rose en pleins travaux pour accueillir les « grands autobus ».
Petit à petit les participants arrivent. Pratiquement tout le monde a répondu présent malgré les menaces de mauvais temps. Avec nos amis partis de Dromel nous formons un joli groupe de 31 personnes. Aujourd’hui nous partons visiter la Sainte Baume avec sa forêt et la grotte de Sainte Marie Madeleine. Marie de Magdala, Marie de Béthanie, Marie-Madeleine dont les différents noms s’égrènent comme les vers d’un poème. Une des plus belles histoires que nous raconte la tradition chrétienne. Ancienne prostituée elle est devenue une des disciples les plus proches du Christ.

Nous voici au parking de l’hostellerie. Nicole nous rassemble en faisant sonner ses cymbales. Un épais manteau de nuages recouvre la montagne jusqu’à mi-hauteur. Nous décidons d’aller au moins jusqu’à la grotte. Nos amis nous distribuent de jolis petits cadeaux.

Mahmoud nous donne de précieuses informations sur la forêt qui contient des essences que l’on rencontre exceptionnellement en Provence : comme le hêtre, l’if et l’érable. Deux facteurs expliquent ce caractère :
- Nichée sur le flanc nord de la chaîne montagneuse calcaire et blottie au pied d’une falaise abrupte d’une centaine de mètres, la forêt domaniale bénéficie de conditions écologiques exceptionnelles. Ombre et fraîcheur. Précipitations atteignant presque le double (1000mm/an) de celles enregistrées à Marseille.
- La forêt est sur le lieu de passage d’un des plus importants pèlerinages de la Chrétienté. De nombreux rois, plusieurs papes, des milliers de pèlerins ont accordé leur protection à cette forêt.

Nous rencontrons un poirier aux fruits minuscules. Quelques audacieux veulent en croquer. Attention à l’acidité et au mal de ventre. Nous voici maintenant dans la forêt. On a beau y être venu plusieurs fois on est toujours émerveillés par les hautes futaies particulièrement belles en cette saison. Cui Dian s’assoit sur le fauteuil du roi, tandis que Nicole lui fait une couronne de ses mains. Chemin faisant nous apprenons à mieux connaître nos nouveaux camarades. C’est, en effet, la première sortie avec la nouvelle promotion. Nous arrivons bientôt à la source de Nans. Séance photos. Michel joue des airs de bourrée à l’harmonica. J’échange mes impressions avec Béatrice. Il nous semble que la montée est plus rude que les années précédentes. Est-ce le poids des ans ou sommes-nous un peu « rouillés » par le manque d’exercice ?

Nous arrivons bientôt sur l’esplanade de la grotte où nous pouvons contempler une descente de la croix, œuvre du sculpteur Marthe Spitzer. Nous pénétrons dans la grotte. Voici le rocher où selon la tradition dormait Marie-Madeleine, voici son reliquaire. Un peu en contrebas la source de Saint Sidoine dont l’eau pure est censée guérir de la cécité. Les beaux vitraux du compagnon Pierre Petit.

En sortant la pluie commence à tomber ce qui nous pousse à trouver refuge dans l’abri du pèlerin que nous allons partager avec un groupe de Japonais rencontré en chemin. Certes, nous sommes un peu serrés. Mais quelle ambiance ! Nous nous installons sur la table restante ou à même le sol sur des couvertures ou des sacs poubelles. Un peu rustique. Pourtant le roi n’est pas mon cousin. Les bouchons des bouteilles amenées par Francis, Michel et Philippe sautent à qui mieux-mieux. Nous partageons nos provisions. C’est un vrai festin de roi. Voici l’heure du café arménien et de l’alcool du même pays. Je ne sais pas ce qu’il y a dans cet alcool, mais il y en a ! Un alcool d’homme qui m’a donné le hoquet pendant 10 minutes. Nicole va demander aux Pères dominicains l’autorisation de chanter qui lui est gentiment accordée. Jamais les murs du petit refuge n’ont entendu un si beau concert. Anne prend les photos. Un grand merci à elle.

Mais les meilleures choses ont une fin. Nous pointons le nez dehors. La pluie a été remplacée par un épais brouillard. Que c’est romantique ! Sur les marches qui mènent à la grotte nous faisons la photo de groupe.

Nous descendons doucement. Mais le chemin est très glissant et je m’affale. Mahmoud nous donne encore des explications. Il nous montre le lierre qui contrairement à une idée répandue n’est pas un parasite. S’il grimpe aux arbres c’est pour aller vers la lumière. Voici du houx qui déjà porte des boules rouges. Il est vrai que nous ne sommes pas si loin de Noël. Plus loin une souche d’arbre est couverte de champignons. En bas de la descente, Michel me fait remarquer une belle allée voilée par la brume et bordée d’arbres centenaires que l’on croirait sortie d’un roman de Nerval pour nous conduire vers des fêtes étranges.

Il est encore tôt et nous décidons d’aller boire un café à l’hostellerie. Nous nous installons prés de la cheminée où se consument quelques bûches. Nos nouveaux amis semblent ravis de la journée et nous aussi. Nous voilà partis pour une année de rencontres et de chants.

Un grand merci à Nicole pour nous avoir été notre guide. Un grand merci à Mahmoud pour ses explications. Un grand merci à tous pour votre bonne humeur qui ensoleilla cette journée malgré la brume et les nuages.

Je voudrais terminer ce compte rendu par une jolie histoire qui montre la fraîcheur et la vivacité des sentiments d’un enfant et l'importance du lien familial en Chine. C'est le récit d'une adoption. Au cours de cette randonnée la petite Aïda a trouvé une "grande sœur" en la personne de Mengjie. Pendant la descente, elles ne se quittaient plus se tenant par la main. Alors bien sûr la séparation fut un peu difficile. Retrouve le sourire Aïda. Tu reverras bientôt Mengjie. C’est promis !
Jean-Louis

lundi 14 octobre 2013

une conférencière avertie,
Le jardin permet l'évasion, la sérénité, il est omniprésent .
C'est un paradis, symbole de l'immortalité.

Comment fabrique t'on un jardin ?
Il faut creuser une pièce d'eau, avec la terre récupérée on crée des îles montagnes;
l'eau représente le sang  de l'être cosmique, quant aux montagnes elles représentent le squelette de ce même être cosmique. Il existe au Japon des jardins secs avec du gravier blanc qui représente l'eau.
Autre élément essentiel : les rochers (+ travaillés en Chine) qui transportent l'énergie vitale (force tellurique)
Les rochers sont des êtres vivants, des catalyseurs d'énergie.
Remarquons qu'on trouvera toujours une cabane à thé dans le jardin japonais.
Les arbres sont symboles d'immortalité.
L'homme est toujours relativisé dans les jardins.

lundi 7 octobre 2013

Les Jardins de sagesse en Chine et au Japon

                                                        Jardin japonais à Kyoto

                    Jardin chinois à .....?
 
conférence de

Yolaine Escande

présentation et signature de son ouvrage paru aux éditions du Seuil

LUNDI 14 OCTOBRE 2013 à 18h

Espaces de recueillement, de culture de soi autant que d’ouverture au monde, les jardins chinois et japonais
sont par excellence le lieu de la sagesse. De même que la sagesse est décrite comme un cheminement, le jardin, en un parcours à la fois physique, sensoriel et spirituel, guide l’homme vers un état de disponibilité intérieure et de non-attachement. Comme le montre l’iconographie inédite de ce livre, tous les éléments de l’esthétique des jardins chinois et japonais intègrent l’homme au sein du tout et le conduisent sur le chemin de la sagesse.

Yolaine Escande est sinologue, directrice de recherche au CNRS et présidente de la Société internationale de philosophie chinoise.

Présentation Jean-Noël Bret

Proposition AEPHAE association euroméditerranéenne

pour l’histoire de l’art et l’esthétique acc.marseille@free.fr

LECLERE
Maison de vente aux enchères
5, rue Vincent Courdouan 13006 Marseille
à hauteur du 132 rue Paradis, métro Estrangin
parking : impasse Montevidéo, 129 rue Breteuil
04 91 50 00 00 www.leclere-mdv.com Entrée libre

samedi 5 octobre 2013

Si proche et si distante...






Joël Bellassen donnait hier soir, dans l’auditorium de la bibliothèque de l’Alcazar,  une conférence présentant la langue et l’écriture chinoises : "Le chinois tel qu'il est, le chinois tel qu'il va".
Ce fut une conférence véritablement passionnante, par son sujet bien sûr et surtout par le talent du conférencier qui a su nous rendre proche la langue chinoise tout en en respectant la distance.
Rendre compte de cette conférence est donc un exercice difficile et qui serait vite présomptueux. Aussi, nous avons décidé (Françoise et Jean-louis) de le faire en commun en évoquant quelques points choisis subjectivement.
Pour ma part (Françoise), j'ai retenu cette 1ère diapositive nous montrant un Chinois traçant dans la rue des caractères avec un pinceau trempé dans l'eau, c'est une scène qui n'est pas rare en Chine et que l'on appelle une "calligraphie serpillère", il me semble que l'on a là une image très parlante : la calligraphie comme art à part entière mais aussi comme art de rue, le travail de l'énergie comme la pratique du Taijiquan, de la danse, du chant... dans les parcs et j'ajouterai la dimension d'impermanence de la réalisation.

barque = (zhou,1)

Voici maintenant une peinture nous donnant à voir la dimension esthétique d'un caractère chinois (désolée, je n'ai pas noté le nom du peintre)

Jean-Louis :
Cette conférence m’a touché car elle rejoignait mes principaux centres d’intérêt : l’ethnologie, les voyages, l’Histoire. Le vocabulaire employé par Joël Bellassen à propos de la langue chinoise est le même que celui employé par l’ethnologue, le voyageur, l’historien : dépaysement, distance. Pourquoi apprendre le chinois ? pourquoi voyager ? pourquoi s’intéresser à l’ethnologie, à l’Histoire ?  Pour apprendre des choses nouvelles, découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles civilisations et au bout du compte pour mieux comprendre sa propre culture, pour mieux se comprendre. C’est ce que disait Fernand Braudel : « Face à l’actuel, le passé, lui aussi est dépaysement…La surprise, le dépaysement, l’éloignement – ces grands moyens de connaissance – ne sont pas moins nécessaires pour comprendre ce qui vous entoure…une semaine à Londres pour un Français ne lui fera peut-être pas mieux comprendre l’Angleterre, mais il ne verra plus la France de la même manière » (Ecrits sur l’histoire). 

Alors que devient le dépaysement, la distance dans une période de mondialisation ? Joël Bellassen a laissé cette question ouverte...Il faudra qu’il revienne ! Il est intéressant de noter que Claude Lévi-Strauss s’est posé la même question notamment dans la conférence Race et culture.

La langue et l’écriture chinoises offrent donc un dépaysement linguistique. Selon l’expression du conférencier, le chinois est une langue distante. En quoi consiste ce dépaysement, cette distance ? L’écriture chinoise est une écriture non alphabétique et non phonétique. Un caractère chinois ne renvoie pas à un phonème mais à une unité de sens. Joël Bellassen a précisé, et cela m’a paru particulièrement intéressant, que le sens d’un caractère est le plus souvent flou. Plutôt qu’un sens précis un caractère évoque une idée. Il demande à être précisé par un contexte. Ainsi le caractère  évoque l’idée du soleil. Il peut signifier « soleil » mais aussi, selon le contexte, il peut signifier « jour ». Le caractère     peut signifier  « lune », mais aussi  « mois ».
Autre élément de dépaysement : l’écriture chinoise est selon l’expression de Léon Vandermeersch une écriture graphique que l’on peut rapprocher de la peinture. Pour illustrer cette caractéristique Joël Bellassen nous a montré le caractère évoquant l’idée de « barque » avec au dessous un beau tableau de facture impressionniste où le caractère était devenu une barque. L’écriture chinoise revêt parfois un caractère magique. Ainsi le caractère   peut non seulement évoquer l’idée du bonheur mais peut constituer un talisman apportant le bonheur. La langue chinoise ne se contente pas de nommer les choses, dans une certaine mesure elle les fait exister.
L’écriture chinoise possède une proximité avec la peinture. De la même manière on peut dire que la langue chinoise possède une proximité avec la musique. En effet, la langue chinoise est une langue tonale. Et certainement une des plus grandes difficultés pour les apprenants du chinois c’est de prononcer un caractère avec le bon ton surtout s’ils n’ont pas l’oreille musicale. En réponse à une question d’Olivier, Joël Bellassen nous a raconté une anecdote. Il enseignait le chinois dans le secondaire. Pendant son cours, il voit une jeune fille regarder à travers la fenêtre. Loin d’être inattentive cette  élève écoutait la musique du chinois comme elle écoutait la musique d’un violoncelle dont elle savait jouer.
Une autre particularité de la langue chinoise c’est qu’elle est, dans une certaine mesure une langue sans sujet. J’aurais bien voulu voir développer ce point surprenant au premier abord. Joël Bellassen a souligné que la pensée était structurée par la langue. Cette absence du sujet dans la langue a-t-elle freiné l’émergence du couple sujet/objet sur lequel repose la démarche analytique ? Voir Anne Cheng Histoire de la pensée chinoise. De la même manière la peinture lettrée chinoise suppose une fusion du peintre et de son modèle (Voir Su Shi : le peintre doit intérioriser les bambous et les paysages avant de les peindre). Elle n’a pas souhaité constituer le peintre en sujet séparé de son modèle, comme l'ont fait, le plus souvent les artistes occidentaux.


 Françoise : 
Voici maintenant l'illustration de la dimension "magique" du caractère : ici, le caractère du bonheur que l'on offre et affiche pour que ce souhait de bonheur se réalise.

C'est l'écriture la plus transparente au niveau du sens, où l'étymologie apparait le plus clairement, d'où l'importance d'un apprentissage raisonné des caractères en fonction de leur fréquence et de leur potentiel combinatoire. Trouverez-vous le mot "psychologie"?

Quelques médiateurs chinois, à partir du règne de Louis XIV pour le premier.

Actuellement les langues distantes se rapprochent, le chinois est devenu la 5ème langue en effectif d'apprenants






et ouvre de multiples voies...



Ce que nous pouvons dire pour terminer ce long et néanmoins très partiel compte rendu, c'est que nous sommes vraiment désolés que de nombreuses personnes n'aient pas pu rentrer faute de places : le lieu avait été proposé par la Bibliothèque de Marseille dans le cadre du jumelage Marseille / Shanghaï et  il est vrai qu'un tel succès était difficile à prévoir
M. Bellassen, il faudra que vous reveniez pour développer ces points ou d’autres, nous aurons une plus grande salle ! Encore un grand merci à vous. Nous attendons avec impatience votre prochaine conférence.