mardi 24 décembre 2013

Rétrospective 2013




务来新友,戒毋喧旧者
玛窦《交友论》
Appliquez-vous à trouver de nouveaux amis, mais gardez-vous
d’oublier les anciens.
Matteo Ricci
Traité de l’amitié.

Une année riche en évènements et en rencontres pendant laquelle Marseille fut capitale européenne de la culture.

Une promenade dans Marseille pour découvrir les principaux sites de MP 2013. Les crêpes de la Chandeleur arborant leur plus beau sourire. La célébration de l’année du Serpent à Euromed et à Chinafi. L’anniversaire de Françoise. Les Tang Yuan de la fête des Lanternes fricassant dans une poêle. Quelques pas de Capoeira et quelques notes de berimbau. Les carrières de Lumières, la visite des Baux, un chocolat chaud et des jeux dans un petit café de Mouries. Cornillon-Confoux, ses bories, son mur des abeilles et la recherche des œufs de Pâques. L’anniversaire de Zhao et le mien. L’omelette avec des asperges récoltées le dimanche précédant dans les collines de Marseille. Le tableau du tempo et l’invention de pictogrammes pour expliquer nos chansons. Un champ harmonique dominant le village des Goudes. Le Vieux-Port illuminé de mille lanternes. Le premier bain de l’année à Port d’Alon avec Jingping, Cuiqi et Julie. Les travailleurs chinois et la grande guerre racontés par Yves. Château Barbanau, ses vignes et ses caves. La soutenance de Tingting. La soirée de gala du festival du cinéma chinois. Faire des tartes tatin chez Anne, un soir de Juin. La fête de la musique et Vicky dansant dans les rues du Panier. La nuit des voix lactées. Les lavandes dans le Lubéron, le musée du tire-bouchon à Ménerbes. La navette de la RTM pour aller découvrir le sentier des peintres à l’Estaque, manger des chichis et chanter sur le bateau au retour. Une soirée chez Fleur et Guy et le premier chant des cigales. A la recherche de l’Agave americana, du platane murier sur les Iles du Frioul et des chanteurs mouillés par les embruns. Le chant des sirènes à La Ciotat. Autour du berceau de Matis sous la grande roue de la plage du Prado. Les fées et les chauves-souris dans le parc de Saint Pons, la nuit. La rentrée des nouveaux choristes le 24 septembre. Corinne et Olivier nous transportent au cœur de la musique chinoise. Le chinois tel qu’il est, le chinois tel qu’il va par Joël Bellassen. La Sainte Baume dans le brouillard et l’abri du pèlerin retentissant de nos chants. Se faire les mollets à Pourcieux et visiter Saint Maximin. Une calligraphie dans les ocres de Rustrel et Noël, il y a quelques jours au tempo…
Jean-Louis


墨卧皮(古闻士者)折开大石榴,或人问之曰:夫子何物,愿获如其子之多耶?曰:忠友也。
Megapito – érudit célèbre de l’Antiquité – venait d’ouvrir une grosse grenade. Quelqu’un lui demanda : « Maître, si vous pouviez avoir quelque chose en aussi grande quantité que ces pépins, que choisiriez-vous ? » Celui-ci répondit : « Des amis fidèles ».

Matteo Ricci
Traité de l’amitié.

mercredi 18 décembre 2013

Joyeux Noël !



Beaucoup d’ambiance ce mardi soir au tempo de la rue Falque. C’est devenu maintenant une tradition pour notre chorale de célébrer Noël et le bout de l’an (d’où les cotillons).

Nous arrivons un peu en avance pour décorer la salle. Nous installons le Père Noël à la longue barbe blanche, le Père Noël grimpeur, les guirlandes lumineuses, les petits chapeaux pointus, les boules en papier pour les sarbacanes (non elles ne se mangent pas !) et la table pour le goûter de Noël.

Les choristes commencent à arriver. Nous chantons quelques chants de Noël puis quelques chansons françaises et chinoises de notre répertoire. Mais voici l’heure de la détente. Nous nous installons à table pour partager les gâteaux, les friandises, le cidre. Nous levons nos verres à l’amitié. Olivier qui nous a rejoints nous fait le plaisir de nous accompagner au hulusi pour chanter Scarborough fair et nous interprète quelques beaux morceaux en solo.

Un moment je me suis dit : « nous sommes un peu loin de l’esprit de Noël ». Mais finalement peut-être pas tant que ça. Car qu’est ce que Noël ? C’est la fête de l’espoir qu’il soit incarné par la renaissance du jour, par un enfant né dans une étable il y a 2000 ans, par tous les enfants du monde. C’est la fête des enfants et pour ceux qui ne le sont plus c’est l’occasion de retrouver leurs joies d’enfant. C'est le plaisir d'être réuni, d'être ensemble. Et en cela notre fête était plutôt réussie comme en témoignent, les rires, les jeux, les pas de danse que vous pouvez voir sur les photos.

Une soirée bien sympathique à renouveler sans modération.

Joyeux Noël et bon bout d'an à tous et à toutes !

Jean-Louis


dimanche 15 décembre 2013

calligraphie à Rustrel






Il est 10h30. Nicole me téléphone : « Nous sommes à Cadenet. Rendez-vous dans cinq minutes à Lourmarin ». Nous arrivons presque en même temps devant le château. Nicole me présente ses passagers : Ambre, Joséphine et Victor, trois nouveaux amis chinois. Un coup d’œil aux ânes qui paissent tranquillement dans la clairière du village et nous voilà partis, destination Rustrel où nous avons prévu de visiter le Colorado Provençal. Les autres voitures nous rejoignent bientôt sur le parking du site. Et c’est un sympathique petit groupe de 16 personnes qui s’engage sur les sentiers du Colorado sous la conduite de Nicole. Nous avons décidé de faire le grand tour pour une durée de trois heures de marche approximativement.

 Nous étions venus il y a cinq ans, mais le balisage a été sensiblement modifié pour des raisons de sécurité et ne permet plus, c’est du moins l’impression que j’en aurai, la même approche des lieux (sentiment partagé par Nicole). Mais ne boudons pas notre plaisir, le temps est magnifique, le ciel est d’un bleu éclatant et les couleurs de la forêt et des ocres sont somptueuses.    

Nous cheminons le plus souvent à l’ombre de sous bois. Des trouées permettent de belles perspectives sur les falaises et les cheminées de fées parées de toutes les nuances des ocres (plus de 50 tons différents, je crois). Sur les talus des tapis de mousse, au sol dans les coins qui n’ont pas vu le soleil des plaques de givre et même parfois un peu de glace. Des châtaigniers ont laissé à terre leurs feuilles et les bogues des châtaignes encore tout hérissées de leurs piquants. Parfois nous croisons un petit ruisseau ce qui donne lieu à des traversées plus ou moins acrobatiques qui permettent aux chevaliers servants de faire preuve de leur galanterie. Les conversations vont bon train : nous échangeons nos impressions sur les derniers films vus :   Touch of Sin de Jia Zhangke ou encore la Vénus à la fourrure de Polanski. Olivier a visité les lieux il y a quelques mois avec un ami botaniste passionné par les plantes, bien sûr, mais aussi par l’étymologie, la mythologie. Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager une de ces étymologies rapportées par Olivier. On sait que les Romains tressaient des couronnes de lauriers aux vainqueurs mais l’on sait peut-être moins que les baies de lauriers, bacca laurea, sont à l’origine du nom du plus célèbre de nos examens. Je voudrais formuler ici une prière : serait-il possible que cet ami botaniste guide un jour une sortie Chinafi et nous fasse partager ses connaissances ?

Nous arrivons dans le beau cirque du « désert blanc ». C’est le lieu choisi pour notre pique-nique. Nous nous formons un cercle en nous asseyant sur des troncs d’arbres. Comme d’hab, nous partageons la nourriture et le café et le vin. Je constate, à ce propos, que les Chinois semblent préférer le vin blanc au vin rouge. Olivier a apporté sa fameuse pâte de coing  aux vertus remarquables. A la fin du repas, Nicole distribue les paroles des chansons que nous entonnons en chœur : Tian mi mi, Santiano, et bien sûr Galanshu pour nos deux Olivier. Il fait si bon que nous quittons vestes et pull-over.

Nous reprenons le chemin toujours en admirant la beauté des couleurs. Nous faisons mieux connaissance avec nos nouveaux amis. Joséphine joue du pipa, Ambre joue de l’erhu et pratique la calligraphie. Espérons de beaux concerts en perspective.

Nous voici dans un nouveau cirque. Nicole veut que l’on calligraphie le mot  amitié  you yi sur le sol. Nos amis s’y emploient. Nous retrouvons les gestes de l’ Homo Erectus, et laissons l’empreinte de nos mains en pochoirs.

En retournant aux voitures nous arrivons à l’aqueduc de Couloubrier qui alimentait jadis un petit moulin situé en aval. Avant de nous séparer Li Shu interprète une chanson du Yunnan et Vicky une chanson de Mongolie.

Voilà une belle rencontre pleine de promesses et de projets.

Merci à Nicole pour nous avoir servi de guide. Merci à tous pour votre participation.

Jean-Louis


mercredi 11 décembre 2013

Touch of Sin (天注定)



C’est la sortie aujourd’hui du film de 贾樟柯 (Jia Zhangke) intitulé  天注 (A touch of sin), un film sur le pourquoi de la violence en Chine.   
A voir en VO dans les bonnes salles de cinéma comme au cinéma le Prado à Marseille par exemple ;-)
Cécile et Olivier

dimanche 1 décembre 2013

Confucius et les Papous ou les jeux et les rites


Les Papous de Nouvelle Guinée avaient-ils la même conception des rites que Confucius ? Il semble que oui, au moins dans une certaine mesure.

Les rites, les rituels ont fait l’objet de nombreuses études de spécialistes venant de domaines aussi divers que la sinologie, la psychologie (ou la psychiatrie) ou encore l’ethnologie. Quelles fonctions remplissent les rites qui les rendent si importants ? Ces fonctions sont-elles décrites de la même manière par les différents spécialistes que je viens d’évoquer ? Trouve-t-on, en tout cas, des points communs dans ces approches diverses qui expliquent le rôle central qu’ils tiennent dans les relations humaines ?

Béatrice L’Haridon, dans sa conférence sur Confucius, a signalé le rôle des rites pour canaliser la violence, leur fonction de régulation et de maintien d’un équilibre entre les humains. On en trouve un exemple dans les règles de politesse et de bienséance sur lesquelles insiste Confucius : « Les grands sages …ont formulé des règles de bienséance …pour aider (les hommes) à se distinguer des animaux par l’observation des rites ». (Liji, traité des Rites). Harmonie et élégance dans les relations humaines, beauté des cérémonies confèrent aux rites une dimension esthétique qui a conduit Confucius à associer les rites et la musique.

Approfondissant le rôle des rites, Anne Cheng, dans son Histoire de la pensée chinoise, précise que le rite « est ce qui fait l’humanité d’un groupe humain et de chaque homme dans ce groupe ». En effet, le constat des scientifiques contemporains est que la nature humaine n’existe pas. Notre « humanité » n’est pas un donné, elle se construit à travers notre éducation, notre socialisation, l’apprentissage des rites (Voir P. Picq, M. Serres, J.D Vincent, Qu’est ce que l’humain ? Editions Le Pommier, 2003, notamment p ; 9, voir aussi les travaux de Jean Itard sur Victor de l’Aveyron qui a inspiré L’enfant sauvage , le beau film de François Truffaut.) « Les sentiments les plus instinctifs (attirance, répulsion, souffrance, etc) ne deviennent proprement humains que lorsque les hommes leur donnent un certain sens, autrement dit les ritualisent ». C’est ce qu’ont observé les psychologues de l’enfance : « pour un petit enfant, un acte prend sens à partir du moment où il est ritualisé. »

Et les Papous dans tout ça, me direz-vous ? J’y viens.
Bien sûr, le contenu des rites observés par Confucius était certainement différent de celui des indigènes de Nouvelle Guinée, pourtant il est intéressant de constater que ceux-ci ont abordé le jeu du football, lorsqu'ils l'ont découvert, avec un esprit rituel qui n'est pas sans rappeler celui qui vient d'être décrit (canalisation de la violence, maintien d'un équilibre entre les membres du groupe).

Dans un entretien accordé à Jean José Marchand en juillet 1972, Claude Lévi-Strauss établit un parallèle entre les jeux et les rites. Les jeux et les rites ont ceci en commun qu’ils obéissent à des règles, à des codes que les participants doivent suivre scrupuleusement. En revanche, ils fonctionnent à l’inverse l’un de l’autre. Le jeu part d’un certain état d’équilibre. Les joueurs, au départ, sont supposés être à égalité et le jeu consistera à déterminer entre eux une inégalité, un déséquilibre de manière à ce qu’il y ait à l’arrivée un gagnant et un perdant. Ainsi, dans un jeu comme le football, on a même prévu des prolongations pour qu’un vainqueur puisse se dégager si ce n’est pas le cas au terme du temps réglementaire. Tandis que dans le rite c’est exactement le contraire. Il s'agit non pas de créer une inégalité, qui est d'une façon ou de l'autre un désordre, mais de créer, de rétablir, de maintenir un ordre, un équilibre dans les relations entre les participants. En ce sens, un rite se déroule comme un jeu mais dans l'autre sens. Pour illustrer son propos, Lévi-Strauss cite l’exemple de la modification des règles du football apportée par les tribus de l’intérieur de la Nouvelle Guinée. Ces population sont restées à l’écart de la civilisation occidentale jusqu’au milieu du XX° siècle. Lorsque les missionnaires sont entrés en contact avec elles, ils leur ont appris des jeux comme le football. Il a été très frappant de constater que les Papous se mettaient à jouer au football autant de parties qu'il était nécessaire pour qu'il n'y ait ni gagnant ni perdant, que chacun ait été à son tour gagnant ou perdant un certain nombre de fois. Ici les prolongations servaient à maintenir l’équilibre, l’harmonie dans les relations entre les membres de la tribu. Le jeu avait été transformé en rite.
Jean-Louis

Voici quelques pistes de documents écrits ou audio-visuels pour ceux qui voudraient approfondir les thèmes évoqués dans cet article.

- Le site des grands entretiens de l’INA
http://grands-entretiens.ina.fr/consulter/HorsSerie/Levistrauss/

On trouvera à cette adresse plus de 5 heures d’entretien entre Claude Lévi-Strauss et Jean José Marchand. C'est un grand plaisir de découvrir la personnalité de l’ethnologue et de le voir et l'entendre exposer les grands thèmes de son œuvre d’une manière très accessible. Il me semble qu’il est toujours très éclairant de lire en parallèle les écrits des sinologues et des ethnologues lorsque leurs recherches se croisent.

- L’Histoire de la Pensée chinoise d’Anne Cheng, particulièrement les pages 73-75 où est traité l’esprit rituel chez Confucius
- La plaquette : Comment devient-on universel ? paru chez l’Harmattan où Anne Cheng montre comment les intuitions de Confucius rejoignent le constat des scientifiques modernes sur l’inexistence d’une nature humaine
- Le site « fait religieux »
http://www.fait-religieux.com/beatrice-l-u2019haridon-l-u2019economie-est-a-la-charniere-du-perfectionnement-personnel-et-des-rapports-entre-humains-
On trouvera à cette adresse un entretien où Béatrice L’Haridon évoque la dimension économique dans la pensée de Confucius et où elle aborde également la question de l’esprit rituel.
- Le film L’enfant sauvage de François Truffaut et le livre éponyme de TC Boyle.