dimanche 31 août 2014

Merveilleuse journée en camargue


Après une traversée du bac de barcarin, nous avons visité le musée du riz.
Les anecdotes de M Bon furent très sympathiques, ce fut une histoire d'hommes avec l'arrivée des travailleurs indochinois (clin d'oeil à Yves) puis celle des espagnols

puis route ou plutôt piste vers beauduc.
Et enfin salin de giraud et ses montagnettes de sel


Nicole

jeudi 28 août 2014

Pauvre Gaspard, pauvre Verlaine... "premier rossignol de la France"

L’effacement de l’ego, la vacuité du cœur permet à l’artiste chinois d’incorporer l’objet qu’il souhaite peindre ou décrire. Dans son cœur devenu vacant après une longue période de méditation, de contemplation, de jeûne du cœur va s’installer le paysage ou le bambou objet de de la poésie ou de la peinture. On connait le célèbre poème de Su Shi (cité et traduit par François Cheng D’où jaillit le chant) :

Lorsque Yuke peignait un bambou,
Il voyait le bambou et ne se voyait plus.
C’est peu de dire qu’il ne se voyait plus :
Comme possédé, il délaissait son propre corps
Celui-ci se transformait, devenait bambou
Faisant jaillir sans de nouvelles fraicheurs.
Zhuangzi hélas n’est plus de ce monde !
Qui conçoit encore un tel esprit concentré ?

Shitao, Prunus en fleur et bambou

Verlaine a connu aussi cette fusion avec le monde :

Fondons nos âmes, nos cœurs
Et nos sens extasiés,
Parmi les vagues langueurs
Des pins et des arbousiers.

Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes de gazon roux.
Fêtes Galantes, En sourdine.

Mais alors que l’extinction de l’ego, la vacuité du cœur, la fusion avec le monde est considéré comme un idéal par le Sage, par l’artiste chinois Verlaine vit ces états dans l’inquiétude.
« Son moi impersonnel lui fait connaître d’étranges extases » mais une partie de lui-même refuse de céder entièrement au « mystère inquiétant de l’indétermination sensible »

Quoi donc se sent ?
On sent donc quoi ?
Des gares tonnent
Les yeux s’étonnent :
Où Charleroi ?
Romances sans paroles, Paysages belges, Charleroi

« La tentative verlainienne s’achève dans ces sursauts d’homme frôlé par l’invisible, dans cette interrogation nerveuse qui diffère assez peu d’un cauchemar ».
Verlaine va renoncer et chercher à se rattacher au consensus religieux, culturel et social de son milieu. Il se converti au catholicisme et sur le plan littéraire « ce qu’on nomme la conversion de Sagesse…n’est guère qu’un essai pour ce ressaisir et pour ressaisir les choses selon les habitudes du sens commun. »

L’essai de Jean-Pierre Richard a eu une grande influence sur la critique verlainienne. Et, même si l’on ne partage pas entièrement ses points de vue, il invite à lire Verlaine avec un nouveau regard.

Pour ma part j’en tire trois conclusions :
- Toutes les cultures ont essayé les différents chemins de l’expérience humaine. Ce qui les différencie ce sont les voies qu’elles ont privilégiées.
- Il n'est pas aisé d'aller à l'encontre du consensus culturel et social de son milieu. Et la désespérance de Verlaine, si bien chantée par Brassens, s'explique peut-être par cela.
- L’étude de la culture chinoise n’est pas un luxe gratuit. Elle permet de mieux comprendre certains aspects, certaines tentatives faites dans notre propre culture. Ainsi il me semble que l’affirmation de Mallarmé définissant ainsi la poétique de Verlaine : « Nommer un objet, c’est supprimer les trois-quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve » se comprend mieux si on la rapproche de la préoccupation de Wang Bi : "Dès qu’il y a nom (c'est-à-dire dès qu’il y a langage) il y a délimitation ; dès qu’il y a forme (c'est-à-dire dès qu’il y a peinture) il y a finitude."

Mallarmé, l’ami de Verlaine, comme lui fasciné par la blancheur et le rien, lui consacra un « Tombeau » :

Qui cherche, parcourant le solitaire bond
Tantôt extérieur de notre vagabond-
Verlaine ? Il est caché parmi l’herbe, Verlaine

A ne surprendre que naïvement d’accord
La lèvre sans y boire ou tarir son haleine
Un peu profond ruisseau calomnié la mort.

Jean-Louis











PS Enfin je signale, pour les amateurs d'archives, une vidéo que je n'ai pas pu intégrer : Georges Moustaki interpréte Pauvre Gaspard avec une choriste : Catherine Leforestier. Vous pourrez la voir en suivant le lien :

https://www.youtube.com/watch?v=9xiQZ6u1-_M

lundi 25 août 2014

Fadeur de Verlaine ...suite

Ni Zan, Studio du champignon pourpre. Notez le vide de la cabane, le peintre est parti. Reste l'observation en tant que telle coupée de tout sujet humain.


Mettre en relation la fadeur chez Verlaine et la notion de fadeur (dan) chinoise est une entreprise hasardeuse dans laquelle je vais m’avancer avec prudence. Elle a surtout comme prétexte et comme excuse de citer des poètes chinois et français.

En lisant l’essai de JP Richard, il m’a semblé que l’expérience de Verlaine croise celle des artistes chinois. Mais faute de reposer sur une assise culturelle (notamment religieuse) et sociale cette aventure qui suppose, dans une certaine mesure l’effacement du moi, fait peur à Verlaine qui recule et l’abandonne pour se réfugier dans le consensus culturel de son milieu.

En face des choses l’être verlainien …demeure immobile et tranquille, content de cultiver en lui les vertus de porosité qui lui permettront de mieux se laisser pénétrer par elles quand elles auront à se manifester à lui :

Fondons nos âmes, nos cœurs
Et nos sens extasiés,
Parmi les vagues langueurs
Des pins et des arbousiers.

Ferme tes yeux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton cœur endormi
Chasse à jamais tout dessin …
Fêtes Galantes, En sourdine.

L’œuvre verlainienne illustrerait assez bien un certain quiétisme du sentir : volonté de ne pas provoquer l’extérieur, art de faire en soi le vide.

Cette attitude rappelle, me semble t-il, celle des artistes chinois qui pratiquent le « jeûne du cœur » (Zhuangzi), la vacuité du cœur pour être réceptif aux souffles qui animent l’univers.

Comme les peintres et les poètes chinois, Verlaine préfère les odeurs évanescentes :

L’odeur des roses, faible, grâce
Au vent léger d’été qui passe,
Fêtes Galantes, Cythère

Les roses comme avant palpitent, comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent.
Chaque alouette qui va et vient m’est connue.

Même j’ai retrouvé debout la Velléda
Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,
-Grêle, parmi l’odeur fade du réséda.
Poèmes Saturniens, Après trois ans

Les paysages à demi-fantomatiques, noyés d’irréalité par la montée des brumes et des crépuscules :

La lune est rouge au brumeux horizon ;
Dans un brouillard qui danse la prairie
S’endort fumeuse, et la grenouille crie
Par les joncs verts où circule un frisson ;
Poèmes Saturniens, l’heure du berger

Les sons déjà tout pénétrés de silence

Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
Rôde discret, épeuré quasiment …
Qui va tantôt mourir vers la fenêtre
Ouverte sur le petit jardin.
Romances sans paroles, Ariettes oubliées

Jacques Dars signale que les poètes chinois affectionnaient particulièrement les vers interrompus dont l’idée se prolonge à l’infini quand la parole s’arrête.

Dans le même ordre d’idée un poème de Su Dongpo :

Dian a laissé mourir le son de sa cithare
Zhao s’abstient de jouer du luth :
Il y a dans tout cela une mélodie
Qu’on peut chanter, qu’on peut danser »
Su Dongpo, Chants en l’honneur des dix-huit Ahrats .

Ou encore :
Le son se prolonge – tous les mouvements cessent ;
La mélodie s’achève : la nuit d’automne s’approfondit.
Bo Juyi, Le luth à cinq cordes.


Comme le dit Françoise dans son commentaire au premier article : fadeur, vide, extinction de l’égo participent d’une même démarche.

La langueur est …le passage du moi personnel à un moi impersonnel. Le moi devient le lieu où il se passe des choses :

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville …
Romances sans paroles, Ariettes oubliées III


A travers la langueur s’opère en somme la destruction de toutes les caractéristiques individuelles, et l’émergence à un mode nouveau de sensibilité où chaque événement ne soit plus rapporté à aucune expérience particulière, mais revécu anonymement, dans l’impersonnalité d’un pur sentir. …Les états de conscience sont vécus hors du poète, loin de lui, dans une objectivité trouble, sur le mode du cela :

C’est l’extase amoureuse,
C’est la fatigue amoureuse,
C’est tous les frissons des bois,
C’est vers les ramures grises
Le cœur des petites voix …
Romances sans paroles, Ariettes oubliées


Il est remarquable de constater que ces commentaires de Jean-Pierre Richard concernant Verlaine sont très proches de ceux de Nicolas Zufferey à propos d’un poème de Wang Wei (701 ? – 761) intitulé L’Enclos au cerfs

空山不見人,
但聞人語響。
返景入深林,
復照青苔上。

Montagne vide – personne en vue
On n’entend que des bruits de voix
Un reflet de lumière dans la forêt profonde
Brille une dernière fois sur la mousse verte.

Ce poème illustre probablement des thèmes chers au bouddhisme, par exemple le refus du « je » ou de la conscience individuelle. Qui est le narrateur ? qui est le témoin du spectacle ? Le poème ne le dit pas …seule reste l’observation en tant que telle, coupée en quelque sorte de tout sujet humain : personne ne voit, personne n’entend, ne demeurent que les sensations elles-mêmes…Le poète perd son moi, s’absente du paysage…Nicolas Zufferey, Introduction à la pensée chinoise.



Mais Verlaine n’est ni bouddhiste ni taoïste. Ce vide, cette extinction de l’égo va lui faire peur, il va reculer. C’est ce déchirement, ce drame que nous verrons dans un prochain article.
A suivre…
Jean-Louis

samedi 23 août 2014

Verlaine poète chinois ?

Coin de table, Henri Fantin-Latour (On reconnait Verlaine et Rimbaud)

Jean-Pierre Richard a consacré un essai à Verlaine intitulé Fadeur de Verlaine (In Poésie et profondeur, Points, essai). Ce titre a certainement de quoi surprendre un lecteur français habitué à considérer la fadeur comme une qualité plutôt négative. Il éveillera, au contraire, la curiosité du lecteur ayant quelques notions de culture chinoise, ayant contemplé les tableaux chinois qui se caractérisent par le monochrome, le flou, le fade, leur aspect dépouillé et qui sait, comme l’écrit Nicolas Zufferey (Introduction à la pensée chinoise), que dans la Chine ancienne : « la fadeur n’a rien de péjoratif, au contraire : c’est plus précisément l’absence de saveur qui recèle toutes les saveurs possibles et semble infiniment plus riche qu’une saveur particulière , qui s’est en quelque sorte actualisée au détriment des autres. ».

L’essai de Jean-Pierre Richard a été publié en 1955 et ne fait pas référence à la culture chinoise ni bien entendu aux textes français bien postérieurs évoquant la notion de fadeur en Chine (Voir par exemple : Nicolas Zufferey déjà cité ou encore Eloge de la fadeur de François Jullien).

Les premiers recueils de Verlaine nous transportent dans des paysages saisis à la lueur du crépuscule ou du clair de lune parfois plongés dans le brouillard et où dominent les notations : pâle, blême, atmosphère qui évoque celle des tableaux chinois. Mais la ressemblance entre Verlaine et les artistes chinois s’arrête t-elle là ? Dans la culture chinoise, la notion de fadeur est inséparable des notions de Vide, d’effacement du moi. Retrouve t-on cette cohérence chez Verlaine ? Fadeur, vacuité du cœur, effacement de l’ego sont un idéal à atteindre pour le Sage et l’artiste chinois. Verlaine a-t-il vécu cette aventure de la même manière ? C’est ce que je vous propose d’examiner avec l’aide de Jean-Pierre Richard, dans quelques articles à venir.
A suivre,
Jean-Louis

Le Mont Hua, Wang Lü (né en 1332)
En Chine ancienne, l'art du paysage frappe par son caractère presque monochrome; comparé aux tableaux colorés des paysagistes occidentaux les oeuvres chinoises paraissent pâles ou fades. Nicolas Zufferey Introduction à la pensée chinoise

mardi 12 août 2014

Escalade



Au monastère suspendu de HUNYUAN
Il est probable que ce site vous dise déjà quelque chose, sinon il est temps de le découvrir ! Le monastère suspendu de Hunyuan se trouve à une soixantaine de kilomètres au sud de Datong, au pied du Hengshan, une des (nombreuses) montagnes sacrées de Chine. Il fut construit une première fois sous les Wei du nord, dès le VIe siècle, puis rebâti au cours des siècles jusqu'à sa forme actuelle, qui date des Qing. Sa particularité : il est "suspendu" sur un pan de falaise, au dessus du vide, seulement maintenu par quelques vulgaires rondins de bois !
Admire mon exploit !!! Je suis également suspendue dans le vide !!!!
Nicole sportive

Devinette



Certes c'est en Chine, mais qui saura dire plus exactement où?

Bonnes vacances
Bisous
Nicole