lundi 25 février 2008

Dongxi


Dongxi, Chose

Plusieurs caractères nous ont permis de constater l’importance de la notion de relation dans la pensée chinoise.
Le caractère ren, par exemple, une des idées essentielles de Confucius, qui s’écrit avec la clef de l’homme et le signe deux et dont la graphie suggère que l’homme ne devient homme que dans sa relation à autrui.

François Jullien nous rappelle que pour dire en chinois, par exemple : « Qu’est ce que c’est que cette chose ?», shi shenme dongxi, on dit mot à mot : « Qu’est-ce que c’est que cet est-ouet ? ».

François Jullien continue : « Et ça, je trouve philosophiquement c’est fantastique. Puisque, pour nous, « chose », c’est un terme individualisant. « Chose », « cause » c’est un terme isolant. Alors que pour dire la même chose, si je puis dire, en chinois …vous dites « Qu’est-ce que c’est cet est-ouest ? ». Vous dites une relation. La pensée chinoise est une pensée essentiellement relationnelle. Pour dire paysage, on dit « montagne et eau », shanshui ou shanchuan…. »

« Un des aspects essentiels de la pensée chinoise classique, c’est la pensée par polarité. C’est très intéressant parce que notre pensée par rapport à cela paraît très isolante ou monopolisante. On a pensé l’être, on a pensé l’atome, on a pensé Dieu, donc des instances isolées, alors que la pensée chinoise, elle, pense par relations, c'est-à-dire par polarités : chaud et froid, haut et bas, ciel et terre, yin et yang, etc. Et donc toujours pas couplage. Qu’est ce qu’une polarité ? C’est quand on a à la fois des termes opposés et complémentaires, donc une interaction. Et c’est pour ça que la pensée chinoise pense en terme de processus. Processus par interaction entre deux pôles. »

A un travail d’abstraction qui va permettre l’émergence des concepts, les définitions précises, les contours précis et tranchés, la culture chinoise a préféré peindre les relations, les correspondances, les mutations et les transformations

Toutefois, en Occident également certains courants de pensée on mis l’accent sur la relation plus que sur l’analyse par concepts. Je pense par exemple au structuralisme. Dans « Regarder, écouter, lire », Lévi-Strauss prend l’exemple de la musique. Ce sont les relations, les écarts entre les notes qui créent la mélodie : « Les termes ne valent pas par eux-mêmes, seules importent les relations. »

L'importance de la relation, on peut la découvrir dans notre expérience personnelle. Parfois, à la fin d’un amour, on prend conscience que les qualités que l’on trouvaient dans la personne aimée ne sont en fait qu’une projection de nos sentiments. Ces qualités existent moins en elles-mêmes que dans l’alchimie de la relation amoureuse. Lorsque l’amour cesse, l’être aimé n’a pas changé. Pourtant, à nos yeux, les qualités qu’ont lui prêtaient ont disparues car elles ne tenaient que dans la relation amoureuse. C’est ce que fait dire Proust à Swann à la fin de son amour pour Odette : « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! »

A suivre,
Jean-Louis

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Jean Louis,

Nos deux messages se recoupent par l'intermédiaire du caractère 东西.

Je voulais prolonger ta réflexion en citant aussi la science qui depuis Newton a beaucoup développé la notion d'interaction entre deux masses d'abord, puis entre deux charges électriques (dipôle électrique), entre deux pôles magnétiques (dipôle magnétique). La science moderne a prolongé ce mouvement avec l'interaction faible puis l'interaction forte.

INTERaction DIPOLE appartiennent au même champ sémantique, celui de la relation.

Quant à la relation amoureuse, Girard, en s'inspirant de Proust, lui a donné un nom : le mimétisme.

Olivier

Anonyme a dit…

Cher Olivier,
C'est bien que nos messages se recoupent et s'éclairent mutuellement.
Nous avons deux démarches un peu différentes. La tienne plus analytique, plus systématique (au sens d'approfondie). La mienne davantage sous la forme d'une promenade.
Mais encore une fois c'est bien ainsi. Nos démarches se complétent. Et l'on peut voir deux styles différents.
Merci pour ces prolongements concernant la physique.
Jean-Louis