4. Il faut choisir
Billeter relève que les sinologues qui traduisent des textes philosophiques posent à priori que la pensée chinoise est différente de la nôtre. Il pense que l’on peut faire d’autres choix. Et qu’il faut poser d’emblée l’unité foncière de l’expérience humaine et de chercher à partir de là le texte qu’on a sous les yeux. Il faut davantage s’attacher à traduire la phrase plutôt que les mots.
Il en va de la même façon pour notre rapport à la Chine. Il faut poser d’emblée l’unité foncière de l’expérience humaine et chercher à comprendre à partir de là, la réalité chinoise. On pourra mettre en évidence ce qu’elle a de commun et ce qu’elle a de différent avec la nôtre. Si l’on pose à priori la différence, on perd de vue le fond commun alors que quand on part du fond commun, les différences apparaissent d’elle mêmes.
Si effectivement, Européens et Chinois ont vécu dans des mondes séparés dans le passé, ce n’est plus vrai aujourd’hui. Les Chinois doivent maintenant dominer leur passé au lieu de se laisser dominer par lui. Européens et Chinois, en tant que personnes, doivent affirmer leurs droits de juger le passé comme ils jugent le présent.
Pour Billeter, il n’y a rien au dessus de deux personnes qui s’entendent par l’usage de la parole et de la raison. Par exemple Billeter se sent une grande proximité avec Zhuangzi car il l’a relu d’un regard neuf en écartant les commentaires de l’époque impériale. Pour Billeter, la « civilisation chinoise » est intimement liée au despotisme impérial et a été conçue pour empêcher l’émergence de la personne. Cette civilisation ne doit pas être niée, mais reconnue pour ce qu’elle fut. Elle est maintenant appelée à être transformée et dépassée par l’affirmation de la personne et des droits politiques.
Billeter pense que l’important travail de reconstruction de la pensée chinoise de Mou Zongsan restera stérile car il est centré sur la notion de sagesse qui est tributaire de l’idéologie impériale. En effet les actes des sages sont d’une part le fait d’une réalité qui les dépasse et ils n’émanent pas de leur personne. La pensée de Mou Zongsan révèle une faiblesse majeure du confucianisme, celle qui prescrit à l’homme ce qu’il doit être mais ne lui dit rien sur ce qu’il est, sur sa faiblesse, sur le mal.
Billeter termine son pamphlet en disant que ces jugements sur le passé et de présent dont il a été question ci-dessus doivent exprimer à la fois ce que quelqu’un voit et ce que quelqu’un veut.
Dans le complément sur le Huainanzi de la fin du livre Billeter écrit ce paragraphe :
« Les sinologues devraient combattre ce mythe de la Chine « autre » parce qu’il est en lui-même une régression intellectuelle et parce qu’il menace les études chinoises. L’étude du passé chinois est en train de tomber en déshérence dans nos meilleures institutions parce qu’elle apparaît de plus en plus comme une occupation dénuée de sens pour les étudiants. Pour renverser cette tendance, il faut que les sinologues cessent de faire de l’étude de la Chine une fin en soi. Au lieu de justifier l’intérêt d’un ouvrage par le seul fait qu’il est chinois, ils doivent le présenter comme un élément important de l’histoire humaine, saisie dans son unité. Pour cela ils doivent renouveler leur façon de traduire ces œuvres»
jeudi 7 février 2008
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