Zhu Shi : les commentaires.
Le caractère Jing (Classique), nous a montré l’importance des commentaires qui, comme la navette d’un métier à tisser, vont constituer progressivement la tapisserie de la Tradition.
Anne Kerlan-Stephens écrit que le Yijing (Classique des mutations)où chaque hexagramme est accompagné de commentaires écrits, repris eux même par d’autres commentaires, constitue le modèle le plus remarquable de ce type d’agencement.
La littérature romanesque, essentiellement symbolique laisse une large place à l’interprétation des lecteurs et à leurs commentaires. Ils peuvent même donner lieu à la naissance d’une école comme avec le Hong Xue, destiné à étudier et à commenter le Rêve dans le Pavillon Rouge.
Dans un article intitulé « Peinture et mémoire », Anne Kerlan-Stephens décrit la fonction des commentaires, des inscriptions apposés sur les rouleaux de peinture. Le spectateur devient « un acteur qui tend à transformer et à réitérer la valeur artistique de l’objet considéré. Il est de ce point de vue, mis sur le même plan que l’artiste.»
Anne Kerlan-Stephens prend pour exemple une peinture de Fang Xun (173-1799) intitulée « la bibliothèque aux fleurs éclatantes ». Trois inscriptions écrites à des périodes et par des auteurs différents vont faire de cette peinture un lieu de mémoire et une œuvre où l’émotion esthétique naît de la jonction entre le visible et le lisible.
Les inscriptions « commentent cette image. Mais elles se commentent l’une et l’autre également et permettent de faire revivre trois moments de réunions amicales et de composition poétique…les inscriptions des spectateurs ont pour conséquence d’ouvrir celle-ci sur un temps de réitération. L’image n’est plus la représentation limitée d’un monde clos, d’un moment donné du temps, elle devient un fragment que les spectateurs se sont appropriés, le réinscrivant dans le présent de leur texte, et le transmettant à d’autres spectateurs…Alors même que les textes évoquent la fuite du temps, ils rendent possible la réitération du passé, conférant à ce qui n’était que la représentation particulière d’un moment un caractère d’universalité. …La peinture ne deviendrait pas ce lieu de mémoire sans les textes. Ceux-ci arrachent le spectateur à la stricte contemplation d’une représentation, l’incitent à regarder la peinture comme du lisible, à lire celle-ci. Le passage du visible au lisible, qui est aussi passage de l’espace au temps, s’opère sans violence, tant il semble que l’un et l’autre sont les deux faces d’une même chose…Il n’est pas indifférent, à ce titre, de rappeler que « regarder une peinture » se dit parfois en chinois avec un verbe qui signifie lire (du) ».
Sheng dan kuai le à tous.
A suivre,
Jean-Louis
Le caractère Jing (Classique), nous a montré l’importance des commentaires qui, comme la navette d’un métier à tisser, vont constituer progressivement la tapisserie de la Tradition.
Anne Kerlan-Stephens écrit que le Yijing (Classique des mutations)où chaque hexagramme est accompagné de commentaires écrits, repris eux même par d’autres commentaires, constitue le modèle le plus remarquable de ce type d’agencement.
La littérature romanesque, essentiellement symbolique laisse une large place à l’interprétation des lecteurs et à leurs commentaires. Ils peuvent même donner lieu à la naissance d’une école comme avec le Hong Xue, destiné à étudier et à commenter le Rêve dans le Pavillon Rouge.
Dans un article intitulé « Peinture et mémoire », Anne Kerlan-Stephens décrit la fonction des commentaires, des inscriptions apposés sur les rouleaux de peinture. Le spectateur devient « un acteur qui tend à transformer et à réitérer la valeur artistique de l’objet considéré. Il est de ce point de vue, mis sur le même plan que l’artiste.»
Anne Kerlan-Stephens prend pour exemple une peinture de Fang Xun (173-1799) intitulée « la bibliothèque aux fleurs éclatantes ». Trois inscriptions écrites à des périodes et par des auteurs différents vont faire de cette peinture un lieu de mémoire et une œuvre où l’émotion esthétique naît de la jonction entre le visible et le lisible.
Les inscriptions « commentent cette image. Mais elles se commentent l’une et l’autre également et permettent de faire revivre trois moments de réunions amicales et de composition poétique…les inscriptions des spectateurs ont pour conséquence d’ouvrir celle-ci sur un temps de réitération. L’image n’est plus la représentation limitée d’un monde clos, d’un moment donné du temps, elle devient un fragment que les spectateurs se sont appropriés, le réinscrivant dans le présent de leur texte, et le transmettant à d’autres spectateurs…Alors même que les textes évoquent la fuite du temps, ils rendent possible la réitération du passé, conférant à ce qui n’était que la représentation particulière d’un moment un caractère d’universalité. …La peinture ne deviendrait pas ce lieu de mémoire sans les textes. Ceux-ci arrachent le spectateur à la stricte contemplation d’une représentation, l’incitent à regarder la peinture comme du lisible, à lire celle-ci. Le passage du visible au lisible, qui est aussi passage de l’espace au temps, s’opère sans violence, tant il semble que l’un et l’autre sont les deux faces d’une même chose…Il n’est pas indifférent, à ce titre, de rappeler que « regarder une peinture » se dit parfois en chinois avec un verbe qui signifie lire (du) ».
Sheng dan kuai le à tous.
A suivre,
Jean-Louis
5 commentaires:
quel beau KDO de noël nous fait le blog de chinafi, 2 articles plus interessants l'un que l'autre
merci
BON BOUT D'AN
BISES
NICOLE
Ci dessous, un extrait du livre "Chemin faisant" de François Jullien sur le rôle des commentaires :
Plutôt que d’apporter son propre point de vue sur le texte en question, le « commentateur » chinois se donne pour charge de l’expliciter en le développant : l’expression de départ est éminemment concise- tel est le fait de la langue classique- et le « commentateur » la déploie en plus de termes et la fait varier. Il n’y a pas là, de sa part, de proposition d’interprétation ni d’invention herméneutique, comme c’est le cas par exemple dans l’allégorisation d’Homère ; en même temps que « gloser » serait trop restreint, parce que trop ponctuel dans son éclaircissement, au regard de cet effort continu à faire parler la langue.
Olivier
Merci Olivier pour ce "commentaire" qui compléte les citations d'Anne Kerlans-Stephens.
Je pense que nous aurons l'occasion de revenir sur la concision de l'expression de départ qu'elle relève du domaine artistique ou "philosophique" pour voir effectivement comment cette concision laisse place aux commentaires.
"Chemin faisant" est-il la réponse de François Jullien à Jean-François Billeter ?
Jean-Louis
Tout à fait cher Jean Louis.
Ce petit ouvrage est aussi, en plus de sa réponse à Billeter, un résumé pédagogique de sa démarche. Il y en avait besoin !
Et de plus, cela nous permet de ne pas avoir à le lire en entier.
Merci à Billeter ! ;-)
Je te le passerai si tu le désires et à d'autres aussi bien entendu.
Olivier
Cher Olivier,
Merci de ta proposition.
C'est avec intérêt que je lirai la réponse de François Jullien aux questions de Jean-François Billeter.
Jean-Louis
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