dimanche 23 décembre 2007

Zhong Guo Hua 2ème partie




Dans le premier article consacré à la peinture, Anne Kerlan-Stephens nous a montré comment le rouleau, support de la peinture chinoise, permettait une découverte progressive de l’œuvre d’art et réservait au spectateur, maître du déroulement, un rôle actif.
Nous retrouverons cette prédilection pour une découverte progressive, pour un champ laissé à la curiosité, à l’interprétation du spectateur dans la composition des jardins chinois, dans l’expression des sentiments, dans la littérature et même dans la langue.

La composition des jardins.
Dans un récit plein d’humour contenu dans le chapitre XVII du Rêve dans le Pavillon Rouge, le père du héros, Jia le Politique, et ses conseillers visitent le jardin qui vient d’être aménagé pour accueillir la première des demoiselles Printemps devenue compagne impériale. Ils veulent s’assurer que tout est conforme aux canons de la beauté chinoise. Les promeneurs se trouvent d’abord « devant une chaîne de buttes de roches verdies, formant écran …Sans elles, dit Jia le Politique, on découvrirait d’un seul coup d’œil, après être rentré, l’ensemble des paysages. Qu’y aurait-il dès lors d’intéressant ? »

L’expression des sentiments.
On sait que les chinois apprécient peu la démonstration des sentiments. Ils préfèrent la réserve, le demi-mot.
Les rapports amoureux de Lin Daiyu et de Jia Baoyu, les deux héros du Rêve dans le Pavillon Rouge sont tout entiers contenus dans cette phrase : « De sorte que chacun cachait à l’autre ses secrètes pensées et ses véritables sentiments, et ne recourait qu’à des feintes pour essayer de deviner ceux de l’autre ».

La langue.
Dans la formulation de la pensée également les Chinois préfèrent laisser le champ libre à l’interprétation du récepteur. Emmanuel Cornet dans son livre « A la découverte du Chinois, éditions EK » fait remarquer que le mot définition a été introduit récemment dans la langue chinoise. Il précise « Pour les Chinois, il est beaucoup plus intéressant, savoureux , de laisser certaines choses cachées, ambiguës, seulement à moitié expliquées…si tous les mots de la langue ont leur signification, définie de façon indiscutable dans un dictionnaire, avec une rigueur scientifique, si les sentiments et les émotions de chaque individu sont connus de tous et qu’il n’y a aucune gêne à les nommer clairement, devant n’importe qui, alors c’est comme un problème dont on a déjà trouvé toutes les solutions : tout est dévoilé, défini et réglé, il ne reste plus rien à découvrir…Les Chinois utilisent d’ailleurs un mot inattendu pour désigner des émotions trop facilement dévoilées, criées sur tous les toits : en pinyin : rou ma qui signifie d’habitude « dégoûtant ». On pourrait presque dire qu’un mot qui annonce trop clairement sa signification, c’est comme un amoureux qui avoue sa flamme trop directement, ou un roman dont l’auteur scande le message profond sans subtilité : c’est rou ma (le premier de ces deux caractères signifie « viande », « chair »). Les Chinois préfèrent laisser des zones d’ombre, c’est beaucoup plus intéressant. »

C’est le propre d’une pensée symbolique de rechercher le sens moins dans des définitions que dans des rapprochements, des correspondances, des images.
Tout ne doit pas être dévoilé de prime abord. Il faut laisser une place à l’imagination, à l’interprétation, à la curiosité.
Ce rôle actif du spectateur nous le retrouverons dans l’importance accordée aux commentaires.
A suivre,
Jean-Louis


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