jeudi 6 décembre 2007

Yin, Yang deuxième partie















Les caractères Yin et Yang calligraphiés en cursive. Le Yin est à gauche, le Yang à droite.

C’est probablement le style que je préfère car c’est avec lui que l’on perçoit le mieux le mouvement, le souffle, le caractère en train de se former, de se transformer. Et l’on comprend en les contemplant que Zhang Xu ait pu saisir les secrets de son art en voyant évoluer une danseuse, en regardant une scène de rue ou le dandinement du cou des oies. En observant, comme le dit Sun Guoting « le jeu, les effets, les mouvements, les allures, les figures, les formes, les masses de la nature entière. »

Avec la notion de transformation, nous retrouvons une notion importante que nous avons abordée dans le message précédant avec la transformation du Yin dans le Yang.
Voici un passage célèbre du chapitre 42 du livre de la Voie et de sa Vertu (bravo Marie-Claude) où est somptueusement décrit le processus de transformation :

« Le Tao d’origine engendre l’Un,
L’Un engendre le Deux,
Le Deux engendre le Trois,
Le Trois produit les Dix milles êtres,
Les Dix mille êtres s’adossent au Yin
Et embrasse le Yang
L’harmonie naît au souffle du vide médian. »

François Chenga nous fournit une explication de ce texte dans son livre sur le peintre Chu Ta.

« Le Tao d’origine est conçu comme Vide suprême d’où émane l’Un – qui n’est autre que le Souffle primordial celui-ci engendre le Deux incarné par les Souffles vitaux que sont le Yin et le Yang. Le Yang en tant que force active et le Yin en tant que douceur accueillante, par leur interaction, régissent à leur tour les multiples Souffles vitaux dont les Dix milles êtres du monde sont animés. Toutefois, entre le Deux et les Dix Mille êtres prend place le Trois …
Le Trois, dans l’optique taoïste, représente la combinaison des Souffles vitaux Yin et Yang et de ce Vide médian qu’évoque la dernière ligne du texte … c’est lui qui attire et entraîne les deux Souffles vitaux dans un processus de devenir réciproque. »

Cette notion de mutation de transformation influence toute la culture chinoise. Nous y reviendrons quand nous aborderons la peinture. Contentons nous aujourd'hui de citer un passage du Nu impossible de François Jullien :
« Que nous dit la théorie chinoise de la peinture ? La montagne sous la pluie ou la montagne par beau temps clair sont faciles à figurer. Mais, que du beau temps on tende vers la pluie, ou que de la pluie on tende au retour du beau temps ; s’héberger un soir au sein des brouillards…quand tout le paysage se perd dans la confusion …voilà ce qui est difficile à figurer. Non pas un état défini et tranché des choses, mais le passage d’un état à un autre…la peinture chinoise peint la trans-formation. Elle peint l’effet de vague et de flou…qui va de pair avec la mutation. Or tout est toujours en mutation. Tandis que la pensée grecque valorise le formé et le distinct, d’où son culte de la Forme définitive qu’exemplifie le Nu, la Chine pense –figure- le transitionnel. Car la pensée grecque …accordant tout le crédit à la clarté nous a laissés étrangement démunis à cet égard : penser (figurer) l’indistinct de la transition. C’est pourquoi la Chine a privilégié la figuration des bambous et des rochers, des vagues et des brouillards, et non pas du nu ».
Il y aurait encore beaucoup à dire,
A suivre donc …
Jean-Louis

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