dimanche 9 décembre 2007
Hulusi, BigBang et Tao
Voici ci-dessus une photographie d’un « hulusi » ou « flûte gourde ». La partie supérieure est constituée d’une calebasse formée de 2 cavités pas complètement identiques mais pas complètement différentes non plus. On dirait que ces deux cavités sont en train de se séparer. J’y vois là une illustration d’une transformation en cours. La forme de cette gourde me fait penser à une division cellulaire, processus fondamental du monde vivant. La biologie illustre à merveille ce thème cher aux chinois, de la vie qui naît d’un processus de transformation. De plus, comme l’a fait remarquer J.F. Billeter, le mot « hulu » lui-même qui signifie « gourde », illustre ce phénomène de la même manière puisque ce mot est constitué aussi des deux syllabes « hu » et « lu » ni complètement identiques ni complètement semblables et en train de se séparer. La langue chinoise possède encore quelques autres mots dissyllabiques illustrant ce propos.
Je voudrais revenir au texte sur le Tao que je trouve intéressant et beau, dont je sais qu’il influence la pensée chinoise mais que j’avoue ne pas comprendre, même avec les explications de François Cheng. Quel est le statut de ce texte ? Une théorie ? Une croyance ? Ce texte me gêne car il y a des concepts que je connais mal (le yin, le yang, le souffle) et il y a des mots que je connais bien (force, énergie, interaction, vide) et qui entrent en conflit avec mes connaissances.
Ceci dit, ce texte a l’air effectivement de décrire un processus de transformation et me fait penser à une conférence du physicien Edgard Gunzig et ce qu’il disait présente une analogie avec le texte sur le Tao.
Que disait E.Gunzig ? Tout le monde connaît la théorie du big bang, cette immense explosion à l’origine de l’univers il y a 15 milliards d’années. L’esprit humain ne peut s’arrêter à ce phénomène sans y chercher une explication. C’est sur ce sujet qu’a travaillé E.Gunzig et si sa théorie n’est pas finalisée elle propose un scénario de naissance du big bang un peu à la manière du texte sur le Tao. Et bien entendu tout part du vide. La mécanique quantique, qui a maintenant un siècle, nous appris à voir le vide d’une manière toute différente de la vision classique. De ce vide, et grâce au principe d’incertitude de Heisenberg, il est physiquement possible d’y voir émerger une particule à condition que la durée de vie de celle-ci soit très courte (temps de Planck). Comment faire pour qu’une telle particule, dite virtuelle, ne retourne pas au vide et prenne vie ? Expérimentalement on peut donner vie à ces particules en leur fournissant de l'énergie. Quel est donc le mécanisme qui peut donner cette énergie ? L’agent qui peut donner de l’énergie à une particule virtuelle, c’est l’espace lui-même (espace-temps plus exactement). La théorie de la relativité générale montre que l’espace-temps possède une source d’énergie cachée dans sa géométrie. Plus il se courbe (géométriquement et dynamiquement) plus il peut donner de l'énergie. Or une particule virtuelle a les propriétés de courber cet espace temps. C’est le scénario proposé par Gunzig pour la création de l’univers et que l’on peut résumer de la manière suivante, en faisant l’analogie avec le texte du Tao :
Le vide quantique (Tao) engendre de la matière (Un)
Cette matière engendre de la courbure d’espace temps (Deux)
La courbure de l’espace temps produit de l’énergie (Trois)
Par ce processus en boucle, il y a création de l’univers (les dix mille êtres)
N’y a-t-il pas là une analogie frappante ?
C’est le sens de la démarche du « Tao de la physique » de faire apparaître des similitudes entre science moderne et pensée orientale.
Il est à noter que ce très beau scénario, qu’on aimerait tant être vrai, n’est pas encore validé scientifiquement (on n’est pas là dans le cadre d’une croyance) car la mise en équation de ce scénario valide qualitativement ce processus mais pas encore quantitativement et il s’en faut encore de beaucoup.
Olivier.
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3 commentaires:
Ah Olivier! Le rapprochement que tu fais et la reformulation du texte sur le Tao sont tout à fait extraordinaires.
Que de discussions passionnantes en perspective !
Je découvre ton article un peu tard. Mais j'y reviendrai.
François Cheng développe cette notion de Vide dans un chapitre "A l'écoute du Vide" et montre son influence sur la peinture chinoise.
Jean-Louis
Décidément même si je n'en saisis pas toutes les subtilités, je comprends parfaitement le discours d'Olivier, alors que j'ai du mal avec d'autres textes...
C'est peut être grâce à un vocabulaire qui m'est plus familier, qu'en pensez vous ?
Je ne connais pas le chapitre "A l'écoute du vide" mais je prendrais le temps de le lire.
Merci Nicole de tes compliments et je suis heureux de me voir compris.
Olivier
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