vendredi 19 juin 2009

Des problèmes d'intendance


Grande sœur Phoenix (鳳姐), la cousine la plus âgée de la famille et celle qui tient les cordons de la bourse de toute la famille a des problèmes d'intendance. Elle se livre à sa femme de chambre "Petite Quiète (平兒)"

虽然看破些,无奈一时也难宽放;二则家里出去的多,进
来的少,凡百大小事仍是照着老祖宗手里的规矩,却一年进的产业又不及先时。
多省俭了,外人又笑话,老太太。太太也受委屈,家下人也抱怨刻薄;若不趁早
儿料理省俭之计,再几年就都赔尽了

Nos dépenses annuelles excèdent nos recettes. Des plus importantes aux plus futiles, toutes nos conduites habituelles sont encore régies selon les traditions que nous tenons de nos Ancêtres, alors que les rentes de notre patrimoine sont de beaucoup inférieures aux revenus dont ils jouissaient. Si je réduisait sensiblement notre train de vie, les étrangers qui nous observent du dehors ne manqueraient pas de se gausser de nous, notre très vénérable Douairière et notre Seconde Dame auraient à pâtir de bien des privations, et tout le personnel du palais se plaindrait et me prendrait en mépris. Mais, si je ne trouve pas au plus tôt le moyen de faire les économies nécessaires, nous serons, dans quelques années, acculés à une ruine totale.

La famille Jia, vue de l'extérieur par les "étrangers" doit "paraître" et ses conduites habituelles doivent respecter la tradition. Mais Cao Xueqin, qui ne se limite pas à la superficialité des choses, veut nous en montrer les ressorts intérieurs. Et la vérité en termes comptables est toute simple : trop de dépenses pas assez de recettes. Et là encore, il nous laisse entendre que la catastrophe ("la ruine totale") approche.

Il en va de même de la scène de la composition des inscriptions dans le jardin (chapitre 17), rite traditionnel par excellence mais qui est complètement perturbé par le conflit entre le père et le fils.

Cao Xueqin dans son roman a pris plaisir à nous laisser entrevoir, au-delà des apparences, les fissures d'un ordre apparemment indestructible qui le feront s'écrouler un jour.
Des résonances très actuelles…

Olivier

1 commentaire:

Jean-Louis a dit…

Grande soeur Phoenix est le véritable "homme fort" de la maison des Jia. Même si le pouvoir appartient nominalement aux hommes et à la grand-mère, c'est elle qui qui, en fait, dirige la maison.

Voici le portrait qu'en avait fait Yan lors de la préparation de la conférence :

"Les lecteurs rigolent en disant qu’elle serait certainement, de nos jours, le PDG d’une grande société. Elle fait preuve dès son enfance, dans ses jeux d’une netteté de décision, et dans sa dix-huitième année, elle a assez de capacités pour assumer la charge d’une grande famille de 300 personnes. En dépit de son jeune âge, elle se montre, pour la conduite des affaires, supérieure à n’importe qui. Ah j’ai failli oublier de vous dire qu’elle était analphabète, elle savait reconnaître au maximum une vingtaine de caractères.
Ça n’empêche pas qu’elle savait tout contrôler. Diriger la célébration d’un mariage ou des rites funèbres ce qui est très compliqué à faire pour une jeune femme. « A mettre les choses au pis, elle doit avoir au cœur au moins dix mille ouvertures ! S’il s’agissait de rivaliser d’éloquence, dix hommes des plus diserts ne l’emporteraient pas sur elle. » Voilà le commentaire d’une commère qui était dans son service. « Sa bouche est mielleuse mais son cœur est amer, et sa langue, un glaive à triple pointe et à double tranchant. » voilà un autre commentaire.

Elle est très calculatrice. Elle pense toujours à accumuler de l’argent. A la moindre faute, elle retient le salaire de ses soubrettes pour faire des prêts à des taux usuriers.
Et elle est jalouse et cruelle avec ses rivales. En Chine on dit « femme de vinaigre de jalousie ». Vu qu’elle est intelligente et pleine de stratégie, elle ne s’attaque jamais de front aux concubines de son mari.

Une fois, son mari a pris une concubine. Connaissant bien la jalousie de Phénix, le mari a installé la concubine en dehors de la maison. Mais Phénix s’en est rendu compte. Profitant de quelques jours d’absence de son mari, elle est allée voir la concubine en faisant une bonne mine avec pleins de mots sucrés et de miel pour gagner sa confiance et même son amitié. Alors, répondant à l’invitation de Phénix la malheureuse est allée habiter avec elle. C’est alors que sa souffrance commence, puisqu’elle est sous le contrôle de Phénix. Cette dernière a placé les soubrettes fidèles au service de la concubine. Résultat : la concubine n’a plus suffisamment à manger et à boire. De plus, elle entendait souvent des propos blessants répétés par Phénix. A la fin elle s’est suicidée en mangeant une pièce d’or.
Aprés cette affaire, les soubrettes ont donné un autre commentaire sur Phénix-----
« Par en haut, l’accueil d’un visage tout sourire, mais par en bas, l’entrave d’un croc-en-jambe. En pleine lumière, les charbons ardents dans le bassin de cuivre, mais caché dans l’ombre, le poignard. »

Jean-Louis