vendredi 12 juin 2009

Chatouilles


Le petit extrait ci-dessous va nous permettre de mettre en lumière trois thèmes du roman :
- la tendre guerre que se livre Jia Baoyu et Lin Daiyu, guerre sans cesse entretenue par la jeune fille.
- l’importance des allusions.
- la prédestination.

Ces trois thèmes sont d’ailleurs souvent liés : la tendre guerre est faite d’allusions subtiles à la prédestination des amours.

Entre Lin et Jade c’est toujours la tendre guerre :
« un certain jour, qui sait à quel propos, ils s’étaient un peu querellés et la soeurette Lin, une fois de plus, pleurait seule dans la chambre. Son cousin se repentit, une fois de plus, de l’avoir heurtée par des propos inconsidérés et, décidé à faire les premiers pas, alla lui demander pardon, si bien qu’elle redevint peu à peu pareille à elle-même .»

Une tendre guerre faite d’allusions subtiles. Voici une des rares scènes d’abandon et de bonheur entre Jia Baoyu et Lin Daiyu. Le jeune garçon vient de sentir un parfum merveilleux émanant des manches de Lin.
« Il respirait les effluves d’un parfum mystérieux qui émanait sûrement des manches de la soeurette, et sentait, en le respirant, ses esprits éthérés s’enivrer et ses os mollir »
Ce parfum, c’est un peu la madeleine de Proust. Il lui rappelle non pas son enfance mais sa vie antérieure où il prenait soin et respirait le parfum de la Plante Pourpre, forme que revêtait alors Lin Daiyu.

S’ensuit une séance de chatouilles. Lin demande grâce et promet de ne plus faire la guerre.
« Il s’arrêta aussitôt pour demander en riant :
« Diras-tu encore de pareilles choses ?
- Je ne me le permettrai plus ! » Répondit-elle.
Promesse aussitôt rompue puisqu’elle pose cette question :
« Je détiens donc un parfum merveilleux. Détiens-tu, toi, un parfum tiède ? »
Jia Baoyu ne comprend pas l’allusion.
« Stupide garçon ! Stupide garçon ! Tu détiens le jade. Certaine personne possède donc l’or pour te faire pendant. Certaine personne détient un parfum froid et tu ne posséderais pas, pour faire la paire avec elle, un parfum tiède ? »
Lin fait allusion au médicament que prend Grande Sœur Joyau : « des boulettes au parfum froid ». C’est une nouvelle taquinerie pour montrer sa jalousie vis-à-vis de Grande sœur Joyau (et donc son amour pour Jia Baoyu) liée au garçon non seulement par l’alliance de l’or et du Jade, mais aussi par l’alliance des parfums.

Je dois avouer que je n’ai compris l’allusion que grâce au commentaire que m’en a fait Yan.
Et l’on comprend mieux l’anecdote rapportée par André Clavel :
« Je pense à ce serveur de restaurant qui, tout récemment, à Shanghai, me prit littéralement à partie pour m'expliquer d'une voix forte, devant une salle bondée et soudain attentive, que nul étranger ne pourrait jamais goûter, encore moins transposer dans une autre langue telle astuce de conception et de construction de ce livre! J'objectai pour la forme, mais j'admirai la passion qui l'animait, et qu'un auteur pût à ce point enflammer, envoûter ses lecteurs au bout de deux cents ans! »
Jean-Louis

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