jeudi 10 janvier 2008

LI


LI, ordre naturel, structure interne, essence des choses

Dans un article précédent Anne Cheng nous signalait la connivence entre deux homophones LI qui signifie ordre naturel et li, ordre rituel « ce dernier n’étant pas une grille apposée de apposée de l’extérieur sur l’univers, mais la nervure même de l’univers qu’il s’agit de retrouver, de faire réapparaître, de révéler au sens photographique du terme. »

Attardons nous un peu sur le premier LI qui signifie « ordre naturel », « structure interne des choses » et qui à l’origine désignerait les veines naturelles du jade. Léon Vandermeersch (cité par Anne Cheng) écrit dans « la voie royale » : «Si la pensée grecque est empreinte de l’esprit du potier, lequel travaille la masse amorphe de l’argile rendue d’abord parfaitement malléable puis tournée entièrement à l’idée de l’artisan, nous avons vu que la pensée chinoise était marquée par l’esprit du lapidaire, lequel fait l’expérience de la résistance du jade et emploie tout son art seulement à tirer parti du sens des strates de la matière brute pour dégager de celle-ci la forme qui préexistait et dont nul ne pouvait avoir l’idée avant de la découvrir. »

Ivan Kamenarovic complète dans « La Chine classique » : « Le mot chinois LI, qui est employé dans des circonstances analogues à notre « raison » évoque les veines du jade tel que le lapidaire doit les scruter afin de ne pas briser la pierre qu’il va travailler.»

François Cheng commente ainsi un tableau de Chu Ta « Fleurs de chrysanthèmes » :

« Les peintres chinois, lors même qu’ils se veulent des observateurs fidèles de la nature …ne proposeront jamais d’une fleur ou d’une branche…une image qui puisse être confondue avec celles dont s’ornent d’ordinaire les planches de botanique. Ce qui leur importe est moins la juxtaposition parfaite de détails que la traduction visible de la structure cachée des choses…L’art qui se trouve ici à l’œuvre …s’ingénie à retrouver …la structure interne (LI), l’ossature invisible du réel. D’où l’impression que procure toujours la contemplation des peintures chinoise de style réaliste : que l’artiste s’est attaché à peindre non pas les apparences mais bien les essences. »

A suivre,
Jean-Louis

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