mardi 22 janvier 2008

Leçons sur Zhuangzi

Leçon 3 : une apologie de la confusion

Au début de cette leçon, Billeter reprend un dialogue sur l’oubli (traduit du terme 忘 wang) indiquant un changement de régime de l’activité. Dans ce texte, un disciple fait des progrès en trois étapes : dans une première étape, il « oublie la bonté et la justice », dans une seconde il « oublie les rites et la musique » et dans la dernière il « reste assis dans l’oubli, c'est-à-dire qu’il congédie la vue et l’ouïe, qu’il perd conscience de lui-même et des choses et qu’il est complètement désentravé ». Il y a bien progression du disciple et la troisième étape, qui peut de prime abord sembler en rupture avec les deux premières, constitue en fait un régime d’activité supérieur selon Zhuangzi. Ce régime d’activité, dont nous avons peu l’idée et peu l’expérience est celui de l’immobilité (le calme du corps et de l’esprit). Billeter reprend un extrait du livre « Face à ce qui se dérobe » du surréaliste Henri Michaux qui décrit lui aussi cet état de non-activité et de non-participation au temps par la suppression de tout mouvement. Si Zhuangzi avait introduit dans la leçon précédente une première forme du 游 (you), celle où la conscience se fait spectatrice de ce qui se passe en nous lors d’une activité parfaitement réglée, il nous introduit maintenant une seconde forme du 游 (you), celle où la conscience est le témoin de l’activité interne de notre corps propre au repos. Si quelqu’un est dans cet état de « paix intérieure » il ne peut laisser indifférent ceux qui peuvent en être les témoins. Billeter analyse un texte de Zhuangzi qui décrit l’effet de contagion de cet état sur les témoins, l’immobilité appelant l’immobilité.

Dans un autre texte, Zhuangzi évoque encore cet état de « jeune de l’esprit » en le décrivant comme un vide dans lequel se produit le «début des phénomènes», un peu comme lorsque nous nous abandonnons à la rêverie, nos souvenirs et notre imagination s’organisent comme bon leur semble, ou comme nous essayons de « faire le vide » avant un acte important. Cette faculté de faire le vide ne nous éloigne pas de l’action mais nous permet au contraire de l’accomplir ensuite plus justement. Tout comme un miroir au repos accueille et renvoie les rayons, ce vide que l’on perçoit lorsque l’on pratique le calme est un vide dynamique qui accueille tout et ne conserve rien. C’est ce que Billeter appelle « la confusion première ».

Cet état d’indistinction est souvent rendu dans les textes de Zhuangzi par un vocabulaire particulier formé de mots dissyllabiques tels 恍惚 (huanghu) le chaos, 糊涂 (hutu) ce qui est embrouillé, 葫芦 (hulu) la gourde etc. Ces mots sont formés de deux syllabes qui se distinguent mal et illustrent ainsi cet état d’indistinction mais elles sont malgré tout dans un processus de séparation illustrant ainsi la fécondité de ce vide.

Billeter termine sa leçon par deux dialogues. Le premier illustre la perte de cet état de confusion ou du vide dont se nourrit notre subjectivité et sans lequel elle dépérit.
Le second dialogue illustre de manière prodigieuse, le gain de cet état par « le général Nuage ».

Dans cette leçon Billeter met en avant la force des textes anciens quand ils sont présentés sous forme de dialogues. Cette forme dialoguée met davantage en évidence l’action des idées que les idées elles mêmes. Par ailleurs, Zhuangzi met souvent en scène dans ses dialogues le personnage de Confucius, pour lequel, selon Billeter, il a une tendre ironie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Olivier :
Beaucoup de notions contenues dans le message su Zi Wo, le Sujet font écho au tien. Nos articles s'éclairent, je l'espère mutuellement.
Jean-Louis