lundi 18 mai 2009

L’effet du chant de la flûte



Ci-dessous un extrait du "Rêve dans le pavillon rouge" dont vous comprendrez aisément pourquoi il m'a particulièrement touché.

Tout à coup, là bas, du côté des osmanthes, les modulations plaintives d’une flûte commencèrent à s’épancher sous la pure haleine de la brise, dans la clarté limpide de la plansélène, dont s’illuminait l’immensité de l’espace céleste, et dans le sommeil paisible de la terre. Uniformément transportée d’admiration, le cœur soudainement libéré de tout souci et de toute inquiétude, religieusement silencieuse et profondément recueillie, toute la petite compagnie suivit jusqu’à la fin, avec émotion, le déroulement de la mélodie.
……
De nouveau s’éleva le chant de la flûte, en lentes volutes beaucoup plus langoureuses, en effet, que celles de la mélodie précédente, mais d’une langueur si profondément mélancolique, qu’un froid glacial semblait s’en dégager. Cette fois, toute la petite compagnie demeura comme figée dans un sombre silence, et, en dépit du calme de la nuit et de l’éclat du clair de lune, l’Aïeule, succombant autant au poids des ans qu’aux ravages de l’arak, ne put se défendre de la tristesse qui la navrait subitement jusqu’au plus profond du cœur, et dut donner libre cours à ses larmes ; cependant que toutes ses commensales demeuraient comme gelées sur place et confinées dans une amère solitude, par la lamentation de plus en plus poignantes de la flûte.



Olivier.

1 commentaire:

Jean-Louis a dit…

Merci, Olivier, pour ce bel extrait (et cette belle photo)

Il est bien sûr difficile d’ajouter un commentaire à ce texte.
Je me contenterai de dire que la pansélène, c'est-à-dire la pleine lune est souvent célébrée dans le roman : que ce soit la première pansélène, quinze jours après le nouvel an, qui correspond à la fête des lanternes ou la pansélène de la mi-automne c'est-à-dire la fête de la lune (ici évoquée).
Il est intéressant de noter l’évolution du ton dans les différentes célébrations. La citation d’Olivier est extraite du chapitre 76 et déjà les fêtes ont un goût de tristesse, le temps des splendeurs et de l’insouciance est révolu. Certes, on boit encore l’arak, il en est fait une grande consommation lors des fêtes quelque soit l’âge ou le sexe, mais déjà « les couplets endeuillés pleurent les solitudes ».

Au contraire dans les chapitre 54 et 55 qui évoquent la première pansélène les rires sont omniprésents « toute la compagnie éclata de rire », « je me suis bien esclaffée dit l’Aïeule …buvons tout de suite un coup de plus ». Il y a dans ce chapitre une belle description des lanternes « de corne, de verre, de verre-mousseline, de verre double, de verre ciselé, de mousseline de soie imprimée, brodée ou peinte, de gaze, ou simplement de papier transparent ».
L’auteur fait également mention des boulettes que l’on mange pour la première pansélène et je me suis souvenu des excellentes boulettes préparées par Xiao Yang que nous avions dégustées un jour, chez Nicole, pour fêter la complète résurrection de la Lune.
La richesse de ces chapitres est infinie, on y apprend beaucoup sur les rites, les clefs des noms de générations …Mais il faut savoir arrêter un commentaire !

Une prière, cher Olivier, pourrais tu mettre en ligne un morceau de flûte, tel que pouvait l’entendre la très vénérable Aïeule en ce soir de pleine lune.

Jean-Louis