lundi 25 mai 2009

Jiang Etui de Jade


Cet extrait du "Rêve dans le pavillon rouge", en lien avec le précédent, est à destination des membres de la chorale de Chinafi, nombreux et passionnés mais aussi à Lou Ye, réalisateur chinois qui a reçu à Cannes le prix du meilleur scénario pour "Nuit d'ivresse printanière", film dont le thème est sous jacent dans l'extrait suivant.

La maisonnée Jia reçoit une troupe de théâtre et un comédien retient l'attention de Jia Baoyu.

Jia Baoyu considéra ce visage qu'on eût dit légèrement poudré de blanc et de rose ; ces lèvres qui semblaient teintes du plus pur carmin ; cette fraîcheur et ce velouté de fleur de lotus à peine émergée de l'onde ; cette sveltesse et ce léger balancement d'un arbre de jade caressé par la brise : ce n'était personne d'autre que le beau comédien Jiang Etui de Jade…

La troupe joue une pièce dans la quelle un vendeur d'huile fait la conquête d'une courtisane.

Tout au long de ces scènes, Jia Baoyu, totalement insoucieux de la courtisane n'avait d'yeux que pour le vendeur d'huile. Il lui semblait sentir ses esprits vitaux et son âme éthérée s'envoler et flotter dans l'air avec le chant de l'acteur, dont la voix admirablement timbrée et la parfaite articulation s'ajustaient, avec une extrême précision, aux rythmes de l'orchestre, rigoureusement scandés par les battements de la claquette faite de lames de bois sonore. La pièce une fois terminée, il n'en comprit que mieux de quelle puissance d'amour pouvait s'émouvoir le cœur du beau comédien, ce qui le mettait, dans un tel rôle, incomparablement au-dessus du commun des acteurs.
De fait, pensa-t-il après un instant de réflexion, c'est fort justement qu'il est dit dans "Le Livre des mémoires sur la musique" : "L'agitation des passions, au fond du cœur, se manifeste grâce aux sons émis par la voix. Quand les sons émis par la voix s'ordonnent comme un texte, ils prennent valeur de notes musicales".


Olivier

2 commentaires:

Jean-Louis a dit…

Olivier nous promène dans le Rêve comme dans un jardin chinois. S’écartant de l’allée des grands thèmes, il nous conduit dans des petits chemins détournés mais tout aussi intéressants qui nous font découvrir la richesse et le caractère non-conformiste du roman : ici le théâtre (souvent évoqué dans le Rêve) et l’homosexualité.

Comme l’annonçait l’histoire du Roc (il serait intéressant de faire un développement sur l’importance des rochers dans l’imaginaire et la peinture chinoise, n’est ce pas Françoise ?)
le héros du roman, Jia Boayu, est un personnage déchiré d’où son extrême sensibilité.
C’est un homme, mais il place les femmes au dessus de tout. Dans ses amours, il est déchiré entre deux femmes (celle qu’il aime et celle souhaitée par la famille). Comme on le voit ici, il ne dédaigne pas les aventures homosexuelles. Il est pétri et vénère la culture classique et les rites mais on le voit parfois aspirer à d’autres horizons.

Je voudrais ajouter une petite citation à celle d’Olivier pour montrer la diversité des styles du roman où l’on passe de la poésie élégiaque à des passages de la plus grande verdeur. Ce petit passage est extrait d’une querelle survenant dans l’école privée de la maison Jia. J’avais malicieusement suggéré à Yan de le lire pendant la conférence, ce qu’elle fit avec courage. Ce fut un grand moment.
« Que nous nous ramonions ou non le troufignon, est ce que cela regarde ta quéquette ? Après tout, on n’a pas encore enfilé ton papa ! Si tu te flattes d’être un vrai petit mâle, viens-t’en un peu dehors, te frotter à ton grand-père Thé ! »

Jean-Louis
Membre de l'honorable chorale de Chinafi

nicole a dit…

VOUS ME DONNEZ VRAIMENT ENVIE DE LIRE CE ROMAN.
ET CETTE DERNIERE CITATION N'EST PAS POUR ME DEPLAIRE NON PLUS.
PETITE QUESTION : que signifie
ELEGIAQUE ???