mercredi 30 mars 2011

L'Asperge


L’Asperge d’Edouard Manet, 1880, Paris musée d’Orsay.

Nicole a illustré le message annonçant la sortie de dimanche par de belles et nombreuses asperges annonciatrices de la récolte mirifique que nous ne manquerons pas de faire.

Si j’ai choisi de vous présenter le tableau ci-dessus représentant une seule asperge ce n’est pas pour contredire l’optimisme de Nicole mais tout simplement parce que le thème de notre prochaine randonnée permet de raconter une anecdote bien sympathique de l’histoire de la peinture et de montrer que le vocabulaire de la pensée chinoise fournit des outils d’analyse et de réflexion bien intéressants.

Edouard Manet n’était pas seulement l’auteur de tableaux qui firent scandale en leur temps comme Olympia ou Le déjeuner sur l’herbe c’était aussi un homme honnête.

Le collectionneur Charles Ephrussi lui avait commandé une nature morte. Le peintre lui avait répondu très classiquement par un tableau représentant une botte d’asperges. Un peu plus tard, Ephrussi reçut un second tableau intitulé l’Asperge, accompagné de ces mots : « il en manquait une à votre botte ». Manet voulait ainsi remercier son riche commanditaire d’avoir payé plus cher le premier tableau que le prix demandé.

Cette anecdote est racontée dans le livre d’Art d’Art d’après l’émission de télévision. Les auteurs font remarquer la modernité de cette nature morte. Au lieu d’être représentée dans le décor d’une cuisine, comme c’était la tradition « l’asperge semble toute nue, posée à même la table, une table qui prend presque toute la place ».

Luc Ferry présente également cette asperge, décidemment célèbre, dans son livre Le sens du beau. Il illustre ce tableau d’une phrase de Nietzche « l’essence d’une chose n’est elle aussi, qu’une opinion sur cette chose ». Les choses en soi n’existent pas, il n’y a que des interprétations.

Moi, j’aurais plutôt une lecture de ce tableau en termes chinois (on a chacun ses références). La table qui occupe presque toute la toile c’est le vide, l’indifférencié, le « il n’y a pas ». L’asperge, c’est le « il y a », le différencié qui émerge à peine, qui se distingue tout juste de l'indifférencié. Remarquez comme la table et l’asperge ont la même texture, semblent faits de la même matière.

Voilà de beaux sujets de discussion, en escaladant les sommets de Marseilleveyre ... s’il nous reste du souffle.
Jean-Louis


Bibliographie :
- D’Art, d’Art, de Frédéric et Marie-Isabelle Taddeï, Editions du Chêne
- Le Sens du Beau de Luc Ferry, Editions cercle d’Art

2 commentaires:

Françoise a dit…

J'aime beaucoup ce billet avec simplement une petite remarque : tu dois vouloir dire "le différencié qui émerge à peine, qui se distingue tout juste de l'indifférencié".
Je ne viendrai pas dimanche (petite entorse en bonne voie de guérison, donc à ménager) mais ne doute pas de l'intérêt des conversations.
A bientôt et bonne rando à tous.

Jean-Louis a dit…

Effectivement, chère Françoise, merci de ta lecture vigilante. Je suis allé un peu vite dans la rédaction de ce texte. Je voulais bien dire « le différencié qui émerge à peine, qui se distingue tout juste de l'indifférencié » et qui aspire à y retourner.
J’ai corrigé dans le corps du billet. Dommage que vous ne puissiez venir. Soigne-toi bien,
Jean-Louis