mardi 25 août 2009

Contes de pluie et de lune



Saviez vous que la cinquième lune du calendrier japonais ancien (fin juin-début juillet), lorsqu’il vient de pleuvoir et que la lune est à demi cachée dans la brume est le temps idéal pour les apparitions de fantômes ?
Si comme moi vous l’ignoriez vous pourrez le découvrir en lisant les contes de pluie et de lune de l’écrivain japonais UEDA Akinari (1734-1809).
Vous verrez des fantômes de guerriers apparaître à des moines sur des landes désertes et comme pour ces derniers vos cheveux se dresseront sur votre tête d’épouvante, avec le bon moine Kogi, peintre des poissons, vous nagerez dans les eaux d’un lac près du monastère de Mii, vous entendrez le vent qui descend du mont Nagara, vous contemplerez la lune sur le mont Kagami, et dans mon conte préféré vous saurez comment l’amour peut transformer un serpent en femme.

Bref, le merveilleux, la poésie sont là pour nous peindre les sentiments humains : orgueil, jalousie, mais aussi fidélité, amour.

Ces contes sont accompagnés de commentaires et de notes extrêmement bien faits du traducteur, René Sieffert. Il nous explique comment la composition de ces contes s’inspire des principes du nô et nous donne envie d’approfondir la culture japonaise. Il nous indique la source des textes (le plus souvent chinoises) même si Akinari a su produire une œuvre profondément originale. En lisant ces contes, on comprend que Chine a pu jouer pour la littérature japonaise de cette époque le rôle tenu par les grecs ou les latins pour la littérature classique occidentale.
Au détour de ses notes, René Sieffert nous livre, me semble t-il, une clef de la composition des œuvres chinoises et japonaises. Le comble de l’art n’est pas de faire preuve d’originalité dans le choix des thèmes mais d’évoquer de la manière la plus subtile possible des allusions littéraires que le lettré chinois ou japonais « retrouve dans un agencement nouveau qui leur rend une intensité inattendue ». Et cela est tellement vrai que les plus fervents admirateurs d’Akinari ont recherché à tout prix des sources à son inspiration même quand celui-ci se rendait coupable du « délit d’invention ».

Le livre est accompagné d’un DVD du film de Kenji Mizoguchi, Les contes de la lune vague après la pluie récompensé par le Lion d’argent au festival de Venise de 1953). Le noir et blanc se prête merveilleusement à rendre l’atmosphère envoûtante des contes : barques voguant dans la brume, danses des belles fantômes à la lumière des bougies …mais aussi les misères de l’époque ravagée par la guerre.
Jean-Luc Godard a dit de l’œuvre du cinéaste « Nulle image à proprement parler comique, triste, fantastique, érotique, et pourtant tout cela ensemble. L’art de Mizoguchi est le plus complexe parce qu’il est le plus simple…Chaque mouvement de grue a le tracé net et limpide de crayon d’Hokusai ».

Comme d’habitude, je tiens le livre et le film à disposition. Mais si vous êtes pressés de les découvrir il faut signaler l’offre intéressante de la collection l’imaginaire de Gallimard qui permet de les acquérir pour une somme très modique.

Jean-Louis

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