vendredi 29 août 2008
Le sûtra du Lotus : Le bouddhisme (2ème partie)
Miaofa lianhua jing, le sûtra du lotus
Le bouddhisme s’est propagé en Chine, sous la forme du Grand Véhicule (Mahâyâna), à la faveur du désarroi du monde chinois au lendemain de l’écroulement de la dynastie des Han. Le succès du bouddhisme en Chine est en grande partie lié à ses facultés d’adaptation (ce que n’a pas su faire le christianisme) qui lui ont permis d’évoluer librement vers des formes adaptées à la culture du pays, par exemple en intégrant la notion de piété filiale.
Le Mahâyâna s’exprime dans toute une littérature de sûtra, terme qui signifie à l’origine « fil ». Il est intéressant de noter que l’on retrouve dans le mot sanskrit sûtra la même métaphore textile que dans le français « texte » et dans le chinois « jing ». On se souvient que le caractère « jing » (2ème caractère de la colonne de gauche) représente la chaîne d’un tissu. Le texte comme texture fait apparaître les motifs fondamentaux de l’univers (voir article jing).
A l’opposé des écoles bouddhistes indiennes, les écoles chinoises professent l’immanence du monde et du Bouddha.
L’école Tientai, par exemple, qui tire son nom d’une chaîne de montagne située dans le Zhejiang actuel avance l’idée que l’univers tout entier ou le Bouddha est présent dans un grain de sable ou dans la fine point d’un cheveu, d’où la formule célèbre du Tientai : « une seule pensée est les trois mille monde ».
Il est fréquent, en extrême Orient, de l’art des « bonsaïs » à celui des jardins que la miniature conduise à l’initiation. Ouverts à cette influence, les premiers traités d’art du paysage insistent sur la réalité de l’équivalence entre le microcosme et le macrocosme. Le moindre espace peut tout contenir et, en procédant à ce raccourci magique, le peintre dépasse d’un coup toute la facticité des choses. Non seulement il nous restitue le monde dans toute sa fraîcheur et son éclat, mais il l’ouvre à la dimension spirituelle :
« La hardiesse du trait, l’esprit dans chaque touche
Qui donc aurait pu croire qu’une légère tache rouge
Suffise à faire surgir le printemps sauvage »
Su Dongpo
L’école Huayan met l’accent sur l’harmonie d’un monde considéré comme une totalité dont les phénomènes s’interpénètrent.
Le bouddhisme tantrique ou bouddhisme tibétain des tantras constitue un mélange d’hindouisme, de bouddhisme, de jaïnisme et de religions indigènes himalayennes.
Un élément important de ce courant est la visualisation des mantra, formules qui ont le pouvoir de chasser ou de soumettre les démons. Les mantra veulent résumer les sûtra et procurent des « raccourcis » vers l’illumination. Om mani padme hum : « Om ! joyau dans le lotus hum » est un mantra essentiel du tantrisme tibétain. On le retrouve inscrit partout : bannière, moulins à prière…
L’école de la Terre pure appelée également « amidisme » du nom d’Amithaba, le « Bouddha de l’éternelle lumière », figure de la compassion qui refuse d’accéder à l’Eveil avant de sauver tous les êtres. Ce courant fut extraordinairement populaire. Il impose comme devoir principal de répéter avec dévotion le nom d’Amithaba afin d’atteindre au paradis. Ainsi voit-on tout au long du roman les personnages du Rêve dans le Pavillon Rouge répéter le nom d’Amithaba.
Le bouddhisme Chan (zen en japonais) comme le taoïsme valorise la spontanéité et prend ses distances vis à vis des rituels, des textes et de la connaissance discursive.
Le mot chan est la transcription du terme sanskrit dhyana qui signifie méditation.
Le Chan comme le Zhuangzi cultive un goût pour la provocation, le politiquement « non correct ». En voici un exemple :
« Question : De quoi à l’air le Bouddha ?
Réponse : D’un bâton de fumier séché.
Question : Qu’est ce que le Bouddha ?
Réponse : Trois livre de chanvre ».
L’esprit chan est ainsi représentatif de la liberté d’esprit qui caractérise les grands poètes de la dynastie des Tang.
De même que le taoïsme le chan est une réaction face à une certaine ossification de la culture. Il invite à se défaire de ses catégories mentales qui constituent autant d’obstacles à l’Eveil qui selon les courants du chan peut être atteint de façon subite «bouddhisme subitiste » ou après de longs efforts « école gradualiste ».
Confucius nous avait communiqué la soif d’apprendre, la passion d’enseigner et la valeur de l’étude. Le taoïsme et le bouddhisme nous invitent à réfléchir sur la relativité du savoir et de la connaissance.
Pourtant, les deux attitudes ne sont pas incompatibles.
Apprendre sans relâche mais conserver un esprit critique sur la connaissance.
S’investir dans l’action mais savoir se déprendre pour s’absorber dans « la contemplation d’un minéral plus beau que toutes nos œuvres, dans le parfum, plus savant que nos livres, respiré au creux d’un lis; ou dans le clin d’oeil alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque qu’une entente involontaire permet parfois d’échanger avec un chat. »
Mais au-delà d’une incitation à la réflexion philosophique, le bouddhisme nous touche par son appel à la tolérance et à la compassion … souffrir avec
Lian min, la compassion
Et par son exhortation au respect de la vie sous toutes les formes comme le dit le si beau poème de Su Dongpo :
« Ouvrir le rideau pour les petites hirondelles
Laisser un trou dans la fenêtre pour que les mouches puissent partir
Abandonner dix grains de riz pour laisser leur part aux souris
Eteindre la lampe à huile pour sauver la vie des phalènes. »
A suivre,
Jean-Louis
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1 commentaire:
Une première lecture de ton article me conforte dans mon admiration de SU DONG PO.
J'ai apprécié ton analyse de la similitude entre les langues : tissu 经(sutra)qui augure d'une fraternité inévitable entre les peuples.
Malgré plusieurs essais infructueux je vais recommencer ma culture des lotus (à chacun la sienne -de culture- )
J'ai beaucoup aimé le politiquement non correct (tu me connais!) et la réaction à une ossification de la culture.
BRAVO ET MERCI.
Nicole
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