lundi 25 août 2008

Fo, Bouddha : Le bouddhisme (1ère partie)


L’aventure bouddhique commence en Inde avec Gautama Sakyamuni (environ 560-480 av. Jésus Christ), contemporain de Confucius.
Le message bouddhique s’impose comme universel, en réaction à l’hindouisme car transcendant les limitations de la société des castes. Il emprunte cependant certains éléments de la pensée indienne comme les notions de karma et de renaissance, fondement d’une théorie selon laquelle les karma (karma signifie fait ou acte) de chaque être dans ses existences antérieures détermineraient ce qu’il va devenir dans ses existences à venir.

L’apport du bouddhisme, dans la théorie du karma, est d’avoir mis l’accent, non sur l’acte lui-même mais sur l’intentionnalité dont l’acte n’est que la manifestation. Voilà pourquoi le bouddhisme vise d’abord à éradiquer l’intentionnalité, la perpétuelle tension vers, bref le désir perçu comme dukkha. Ce terme désigne l’état d’insatisfaction, de mal être permanent qui caractériserait la condition de tout être asservi à la roue du samsâra c'est-à-dire au flux universel des existences.

Notre plus grande illusion – et c’est l’intuition centrale du bouddhisme – est la conviction que nous avons de constituer chacun un « moi » permanent. Là réside l’obstacle majeur à l’atteinte de l’Absolu. Selon le thème du « non moi » (an-âtman) l’être humain se réduit à cinq agrégats (forme corporelle, sensation, perception, formations mentales, conscience ). L’illusion consiste à surimposer à ces agrégats la notion d’un « moi » qui leur confère un semblant d’unité et de permanence, mais qui ne fait que nous attacher à la roue des existences.
Dans un précédant article Su Dongpo nous a montré que l’effacement, l’oubli du « moi », du Sujet rendait disponible, permettait d’accueillir, de s’identifier à d’autres formes de vie pour les rendre dans la peinture.
« Lorsque Yüke peignait un bambou
Il voyait le bambou et ne se voyait plus.
C’est peu de dire qu’il ne se voyait plus :
Comme possédé, il délaissait son propre corps
Celui-ci se transformait en bambou,
Faisant jaillir sans fin de nouvelles fraîcheurs.
Zhuangzi, hélas, n’est plus de ce monde
Qui conçoit encore un tel esprit concentré ? »

Cet effacement du Sujet qui va à l’encontre de nos habitudes intellectuelles formées au Cogito cartésien est pourtant au centre de certains courants de pensée comme le structuralisme de Claude Lévi-Strauss : « Le Sujet, cet éternel enfant gâté de la philosophie. »

Le but ultime du bouddhisme est de mettre fin à l’engrenage du désir afin d’arrêter le cycle des renaissances et d’atteindre le nirvana.
Dans le bouddhisme originel le salut est réalisable par chaque individu pour lui-même dont l’idéal est incarné par l’arhat, « le sans retour ».
C’est en réaction contre cette conception jugée trop étroite que s’est développée une tendance nouvelle connue sous le nom de « Grand Véhicule » (Mahâyâna) qui taxe le bouddhisme ancien de n’être qu’un « Petit Véhicule », (Hînayâna). Alors que le Salut, à l’origine, n’était guère concevable que pour l’élite monastique, le Mahâyâna l’ouvre à tous les êtres vivants. A la place de l’arhat qui, ayant obtenu le Salut pour lui-même, n’opère pas de retour vers les êtres souffrants, le Grand Véhicule propose un idéal de compassion incarné par le bodhisattva qui s’abstient d’entrer en nirvâna tant qu’il n’a pas fait entrer tous les êtres. En Chine, le plus populaire des bodhisattvas est sans doute Guanyin, la donneuse d’enfants, celle qui écoute les sons (les prières) des femmes désirant un enfant.
Le Petit Véhicule devait rester implanter en Asie du Sud-Est (Ceylan, Birmanie, Cambodge, Siam, Laos). Le Grand Véhicule devait connaître une extension vers la Chine, le Japon, la Corée, le Vietnam, le Tibet.
En Chine, la présence du bouddhisme est attestée dès le Ier siècle après Jésus-Christ. Grâce à ses facultés d’adaptation il va connaître un immense développement.



Comment le bouddhisme s’est-il implanté en Chine ? Comment s’est-il articulé avec d’autres courants de pensée, notamment le taoïsme ? Comment le bouddhisme, le taoïsme nous font-ils réfléchir sur notre rapport à la connaissance, à l’espace et au temps : c’est ce que nous verrons dans la deuxième partie de cet article.
Nous pourrons notamment constater que les penseurs taoïstes et bouddhistes, bousculant les rapports traditionnels que nous entretenons avec l’espace et le temps rejoignent Proust, lorsqu’il écrit, après avoir revu sans les reconnaître les lieux de sa jeunesse : « les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n’étaient qu’une mince tranche au milieu d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors ; le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant ; et les maisons, les routes, les avenues sont fugitives, hélas, comme les années ».


A suivre,
Jean-Louis

Les deux articles consacrés au bouddhisme sont essentiellement composés de citations croisées tirées des ouvrages suivants :
- Histoire de la pensée chinoise d’Anne Cheng
- Introduction à la pensée chinoise de Nicolas Zufferey
- L’article de Christine Barbier-Kontler (Le monde des religions)
- La recherche du temps perdu de Marcel Proust
- Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss
- L'ami qui nous vient de l'an mil de Claude Roy

1 commentaire:

Anonyme a dit…

au risque de me répéter je te remercie pour tous ces articles même s'ils m'obligent à réfléchir très tôt le matin.

Nicole