mercredi 7 janvier 2015

Calligraphie, poésie et musique

Sachant que je m’intéressais à la poésie chinoise, Yves a eu la gentillesse de me transmettre et de m’autoriser à publier la calligraphie, œuvre de son père, qui figure en illustration. Je l’en remercie vivement.

Grâce à Xiaojing nous savons qu’il s’agit de la calligraphie d’un poème célèbre de Meng Haoran (689 - 740) intitulé L’aube printanière.

Xiaojing nous a proposé la traduction que voici :

On dort à l'aube qu'il fait beau.
Pourquoi gémissent les oiseaux?
Hier vent et pluie ont fait du bruit.
Combien de fleurs tombées la nuit

Un grand merci à elle d’avoir proposé sa propre traduction au lieu de copier une des traductions que l’on trouve sur internet. Cette traduction est un excellent point de départ mais elle soulève des interrogations. Or ces interrogations loin de décourager invitent à aller plus loin et à rechercher le sens. C’est parce que dans un premier temps j’ai eu du mal à apprécier les jardins chinois que j’ai voulu entreprendre une recherche sur leur signification.

J’ai trouvé la traduction et l’interprétation suivante dans le blog Pérégrination vers l’Est :

http://florent.blog.com/2007/09/18/aube-du-printemps-un-poeme-de

« Dans mon sommeil, je n’ai pas senti l’aube de printemps venir.
Partout autour s’entend le chant des oiseaux.
La nuit est passée, bruissant de vent et d’averses ;
Combien de rameaux ont dû perdre leurs fleurs !

Il faut savoir que le terme d’aube  désigne en chinois à la fois le lever du jour, et l’éveil spirituel, l’éveil à la connaissance (comme dans 晓得)
Je vois dans ce poème une nostalgie, celle d’un homme empêtré dans son passé (la nuit de l’hiver) plutôt agité (pluie et vent). Les choses changent autour de lui, mais il ne s’y éveille pas (le terme signifie aussi “inconscient”), et se rend compte trop tard qu’il a manqué la beauté d’un instant fugace. »


Dans le blog La pierre à encre j’ai trouvé la traduction suivante due à Paul Demiévelle

Au printemps le dormeur, surpris par l'aube,
Entend partout gazouiller les oiseaux.
Toute la nuit, bruit de vent et de pluie.
Qui sait combien de fleurs ont dû tomber!

L’auteur du blog ajoute et nous rejoignons ici la calligraphie transmise par Yves:
« C'est également une chorégraphie à laquelle nous assistons par le jeu des composants graphiques. Avec quelle élégante sobriété, la forme et le fond s'enlacent. Les images,
très symboliques, nous invitent à d'autres lectures où le paysage extérieur reflète le paysage
intérieur ou encore évoque une situation politique... »

On aperçoit ici les discussions passionnantes que pourraient ouvrir la traduction et l’interprétation des  poèmes chinois.

Mais ce n’est pas tout. Grâce aux références fournies par Xiaojing, j’ai appris et ce fut une surprise que Gustav Mahler avait composé une symphonie Das Lied von der Erde à partir de six poèmes chinois.

Pour ceux qui veulent en savoir plus voici quelques références :


 Le dernier poème de la symhonie L’adieu a été composé par Meng Haoran et Wang Wei et librement adapté par Mahler.

Une traduction du poème
« Je n'irai plus errer au loin,
Mon pas est las, mon âme est lasse.
La terre est la même partout,
Éternels sont les blancs nuages,
Éternellement… »

et l’adaptation de Mahler :
« Où je vais ? Je vais, je vagabonde dans les montagnes.
Où trouver la paix pour mon cœur seul ?
Je cherche ma patrie, ma demeure !
Je n'irai plus jamais errer au loin.
Mon cœur est calme et attend son heure.
La terre bien-aimée fleurit partout au printemps et reverdit…
Partout et éternellement bleuit l'horizon lointain,
Éternellement, éternellement… »

Notez le mot Ewig (éternellement) sept fois répété à la fin du morceau.

Voici un exemple du travail passionnant qui, je l’espère, pourra être continué.
Bonne écoute.




Jean-Louis

1 commentaire:

Françoise a dit…

Au risque de me répéter, c'est vraiment très intéressant et cela donne envie de travailler ces poèmes.
Pour ma part et sans avoir eu la possibilité d'étudier les caractères chinois, j'aime bien la dernière traduction (celle de Paul Demiéville) et aussi celle de notre chère Xiaojing dont j'aime la concision, la sobriété qui font presque penser à un haiku.
Merci aussi à Yves pour ce partage qui donne une dimension personnelle et familiale à ce poème.
A suivre...