mercredi 1 octobre 2014

Rêves d'hiver

C’est bien connu, la meilleure façon d’apprendre est de partager ses connaissances. En  partageant notre patrimoine culturel (paysage, chansons ….) avec nos jeunes amis chinois nous le découvrons.
Ainsi ce dimanche, j’ai découvert les beaux paysages que l’on peut admirer en allant au refuge de Roquefort La Bédoule, j’ai découvert le hameau de Roquefort et la fête des vendanges célébrée à l’occasion de la Saint Vincent. Il en va de même pour les chansons de la chorale. Je connaissais Belle Ile en Mer de Laurent Voulzy, mais je n’avais jamais fait vraiment attention aux belles paroles qui parlent d’isolement, de solitude et du racisme ordinaire.

Peut-être, notre blog peut-il compléter cette démarche en proposant de découvrir ou de redécouvrir quelques poèmes français et chinois. Bien sûr, il est plus facile pour nous Français d’apprécier les poèmes écrits dans notre langue. Il nous manque les références culturelles qui nous permettraient de ressentir à leur juste valeur les poèmes chinois. Il serait donc souhaitable de compléter ces quelques articles par des échanges plus approfondis. Peut-être un jour …Oremus.

Faisant suite à un précédent article, je vous propose aujourd’hui deux nouveaux poèmes sur le thème du rêve inspiré par l’être aimé. Le poème chinois est de Jiang Kui (1155-1221). Le poème français est d’Artur Rimbaud (1854-1891). Les deux poètes rêvent, dehors c'est l'hiver.

Le poème chinois



Un rêve à la fête des lanternes  Sur l’air du « Ciel de perdrix » (1)

Un rêve à la fête des lanternes
Le fleuve coule à l’est sans trêve ;
Le flot n’emporte pas les graines d’amour semées
Dans nos cœurs.
Son visage paraissait vague dans mon rêve,
Mais le cri de l’oiseau m’a soudain réveillé,
Tout en pleurs. 

Le printemps pas verdi
Mes cheveux déjà gris,
Séparés si longtemps
Nous ne sentons plus le chagrin intense.
Mais quand la fête vient an par an,
Chacun de nous sait ce que l’autre pense.
 
Le 15 du premier mois lunaire 1197, le poète rêva de sa bien-aimée dont il était séparé depuis 20 ans.

J’ai trouvé ce poème dans une anthologie de 300 poèmes chinois classiques parue aux Editions de l’Université de Pékin. Cette anthologie comporte malheureusement peu de commentaires.

- Qui était Jiang Kui ?
- Quel est le symbole attaché à l’image du fleuve qui coule à l’est ?
- Que signifie "sur l’air du Ciel de perdrix" ?
- Et bien d’autres questions que j’aimerais poser…

Le poème français
Un train file dans l’hiver. Au dehors, le froid, la neige, la barbarie de la guerre (le poème a été écrit en 1870). A l’intérieur du wagon, un cocon douillet abrite les jeux amoureux de deux adolescents.
                                                          Claude Monet 1875

Ce poème a fait l’objet de très nombreuses analyses. Vous en trouverez une excellente en suivant le lien :

J’en cite un court extrait : «  les deux quatrains marquent la rupture avec le sonnet traditionnel. Il s’agit d’un sonnet hétérométrique (alternance entre les alexandrins et les hexasyllabes) et les rimes sont croisées et non pas embrassées. Peut-être pouvons-nous y voir le désir de reproduire le mouvement saccadé d’un train ? »

Voici le poème :

Rêvé pour l'hiver
A... Elle
L'Hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
 
Tu fermeras l'œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
 
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
 
Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...
            Arthur Rimbaud, Poésies Rêvé pour l’hiver (7 octobre 1870)


 


Ce poème me touche par la mise en perspective de l'intérieur et de l'extérieur et puis surtout
le  deuxième quatrin :
      Tu fermeras l'œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

qui me rappelle l'attitude de ceux, qui comme moi, n'écoutent plus les informations pour ne pas entendre les atrocités déversées par les radios et la télé.


 Jean-Louis

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Jean-Louis de publier ces poèmes. Sur l’air du « Ciel de perdrix » : J'ai trouvé cette explication : C'est parce que c'est un poèmes à chanter,  Cí 词. Le Ci, est une forme poétique constituée de vers de longueur irrégulière, qui suit un schéma prosodique fondé sur les tons et issu d’un morceau de musique particulier, sur lequel l’ode pouvait en principe être chantée. C’est aussi l’air sur lequel le poème était composé qui en donnait le titre ». « Cet air musical fournissait donc les strophes, le nombre et la longueur des vers, ainsi que l’emplacement et la nature des rimes, mais aussi les tons des mots-syllabes à l’intérieur de chaque vers. Chaque caractère est en effet monosyllabique et en chinois classique correspond à un mot. » 

Sur ce site il y a de très nombreux poèmes chinois avec une proposition de traduction et aussi la possibilité d'avoir le pinyin de chaque caractères... http://www.ventdusoir-poesie.fr

Philippe

Jean-Louis a dit…

Merci Philippe pour ces explications très claires.

Merci également pour l'adresse du site de poésie chinoise.
Cela donnera certainement des idées pour continuer cette lecture comparée des poèmes chinois et français.
Jean-Louis

Anonyme a dit…

Je précise que ces explications sont de Bertrand Goujard, un passionné de la littérature classique chinoise...
Philippe

Françoise a dit…

Que de lettrés! C'est passionnant et mériterait une plus grande diffusion