samedi 28 septembre 2013

Musique chinoise



Corinne commence sa conférence en faisant vibrer un bol cérémoniel. Elle est accompagnée d’Olivier qui fait résonner un poisson chinois en bois. Merveilleuse introduction pour nous dire que la musique chinoise est avant tout vibration, résonance. Les mots sont complétés par la musique et par la vue de ces beaux instruments. Les notions évoquées ne sont pas accessibles seulement par l’esprit. Elles s’adressent à tous les organes de notre corps. Elles peuvent être ressenties, elles peuvent être vécues autant qu’elles peuvent être comprises.

Vibration, résonance. Quelle est l’origine de ces notions ? Quelle est l’origine de la musique ? Corinne nous raconte le mythe selon lequel le monde était à l’origine un œuf qui s’est un jour cassé et séparé en plusieurs éléments entrainant la nostalgie de l’unité première. Cette nostalgie se retrouve certainement dans toutes les cultures mais elle est particulièrement forte dans la culture chinoise. La civilisation chinoise va s’efforcer de retrouver cette unité première en mettant en résonance, en correspondance les différents éléments du monde, de la pensée et des arts. Vibration, résonance, harmonie ces notions, à la base de la pensée chinoise, sont musicales. La musique aura donc un rôle central dans la recherche de cette unité.

La conférencière nous montre la photo de l’un des plus vieux instruments de musique chinois retrouvé par les archéologues. Il s’agit d’un xun vieux de 7000 ans. Corinne nous explique la belle étymologie du caractère xun : la clef de la terre, une bouche qui surmonte un coquillage. De fait ces instruments sont façonnés en argile et leur son évoque parfois le bruit de la mer comme les coquillages. Olivier joue un air très ancien au xun qui évoque la séparation de deux personnes. Car la nostalgie de l’unité originelle trouve aussi son expression dans la séparation des êtres qui s’aiment. La plupart des poèmes ou des chansons chinoises que je connais évoquent ce thème. Olivier nous rappelle que nous avons vécu, il y a quelques jours, cette séparation en disant « au revoir » à nos amis qui rentraient en Chine.

Corinne projette ensuite de belles diapositives montrant les instruments chinois à différentes époques. Les carillons de pierre retrouvés dans la tombe du Marquis Yi (433 av. JC), une fresque représentant les 100 divertissements musiques et danse (dynastie des Han), un orchestre de femmes de la dynastie Tang où l’on retrouve les instruments que nous connaissons : xiao, pipa …Ces séquences sont merveilleusement illustrées musicalement par Olivier.

Parmi les photos qui m’ont le plus marqué, je voudrais citer ce musicien jouant du xin. L’artiste n’a pas sculpté les cordes du xin. Cette petite statue m’a rappelé certains tableaux chinois évoquant la musique où les instruments ne sont pas représentés. La musique se lit dans l’expression des visages. C’est dire que la musique ne s’adresse pas seulement à l’oreille mais au corps entier. Elle ne s’écoute pas seulement elle se vit dans l’auditeur. C’est déjà ce que disait Zhuangzi : « la musique ne s’écoute pas par l’oreille mais par l’esprit. Elle ne s’écoute pas par l’esprit mais par le souffle ».
Une autre photo qui explique beaucoup. Il s’agit d’un diapason. A chaque début de règne le diapason qui, si j’ose dire allait donner le « la » aux musiques de l’époque, était réglé sur la voix de l’empereur. L’empereur était garant de l’harmonie de son empire.

Corinne nous montre ensuite comment la musique chinoise est en résonance avec la poésie, la calligraphie, la peinture, la nature.

Vibration dans une calligraphie de Fabienne Verdier répétant le vers de Bashô « le son des cloches du monastère éveille en mon cœur des résonances ».
Correspondance de la musique et de la peinture. Zhang Bing accordait son instrument au son d’une cascade avant de rentrer chez lui pour la peindre. Les peintres chinois, comme les peintres japonais ne peignent pas, en principe, sur le motif. La peinture est précédée d’une période de concentration où le sujet est intériorisé avant d’être projeté sur le support (voir article sur Sengaï.). Corinne projette ensuite de beaux tableaux de Shitao accompagnés de calligraphies de l’artiste. Celle-ci par exemple : « accéder au chant par le silence » qui nous rappelle que tout vient du Vide.

Corinne termine en indiquant que, s’il est difficile de reconstituer la musique des temps antiques, on peut constater la pérennité des instruments. Pérennité que l’on retrouve dans la langue et l’écriture chinoises. Elle souligne enfin que la musique chinoise n’est pas seulement la musique savante. C’est aussi la musique populaire, la musique des campagnes et des minorités que sait si bien jouer Olivier sur son hulusi dont la forme évoque peut-être celle de l'oeuf primordial.

La conférence est suivie d'une dégustation de thé et de gâteaux qui permet de continuer les échanges. Merci à ceux qui l'ont organisée.

Nous avons vécu, cet après-midi, un grand moment de bonheur. Merci à Corinne. Merci à Olivier. C’était un plaisir de voir leur complicité ou, pour utiliser le vocabulaire chinois, de ressentir, dans la résonance des mots et de la musique, l’harmonie qui régnait entre eux.
Jean-Louis

4 commentaires:

Françoise a dit…

C'était une très bonne conférence, Corinne sait nous faire entrer dans cette harmonie de la musique tout en donnant beaucoup d'éléments historiques, philosophiques...
Et Olivier a fait preuve une fois de plus de son grand talent et d'un ressenti musical qu'il nous fait partager, c'est toujours trop court!
Un grand merci à eux deux!
Je n'ai pas noté les références du 1er livre cité par Corinne, Jean-Louis, tu as dû le faire, peux-tu les communiquer?
Ce thème d'unité perdue qui va avec celui de correspondances est en effet aussi présent dans les cultures occidentales (Platon, Baudelaire etc.)mais c'est peut-être le génie de la culture chinoise et ce qui nous attire que de le rendre aussi vivant, enraciné dans le corps et dans la nature que ce soit exprimé par la peinture ou l'élaboration des jardins par exemple.

Jean-Louis a dit…

Le 1er livre cité par Corinne se nomme « Les trois rois », Éditions de l'Aube, 1994 d'A. Cheng (pseudonyme de Zhong Ahcheng) traduction Noël Dutrait.
Jean-Louis

Nicole a dit…

Une excellente conférence
Merci à Corinne et Olivier!

Olivier a dit…

Merci chers amis de votre présence et de vos compliments et bravo à Jean Louis à qui rien n'échappe.
Olivier