Sengaï : Crapaud en méditation
On a vu l’importance accordée à la méditation par le zen. Le zen aspire, par l’éveil, à un état où les distinctions s’abolissent entre la vacuité et la plénitude, le moi et l’autre, le beau et le laid. Tous les moyens sont bons pour atteindre cet état et le zen n’établit aucune hiérarchie entre la méditation transcendantale, le calembour et la dérision.
L’humour bien compris commence par soi-même comme on peut le voir sur cette peinture de Sengaï représentant un crapaud en méditation. La calligraphie nous dit : « Si on peut devenir Boudhha grâce à la méditation assise…Moi (crapaud) qui suis assis toujours…"
Ce dessin m’a fait penser à ma devise préférée : « Heureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de s’amuser ».
Voici une autre peinture représentant avec humour la maxime chinoise : « les trois enseignements ne font qu’un ». Bouddha, Confucius et Lao-Tseu dégustent ensemble le vin des fleurs de pêcher acides. Tous trois, comme des hommes ordinaires, ont les mêmes réactions et froncent les sourcils à cause de l’acidité, symbole de l’unité des trois enseignements.
Sengaï : Trois sages dégustant l'acidité
La littérature zen abonde en historiettes comiques. En voici une que j’aime bien. Elle est évoquée par la peinture ci-dessous. Un aveugle s’éclaire la nuit avec une lanterne, on s’en étonne : « c’est pour qu’on ne me bouscule pas », explique-t-il. Pourtant il l’est. On lui dit que sa lanterne était éteinte, il la rallume. A nouveau bousculé, il gourmande le coupable. « Mais », répond celui-ci, « je suis aveugle ».
Un moyen de nous dire que la vie empirique nous enferme dans des contradictions et qu’il est vain de croire qu’on pourra y échapper en multipliant les précautions.
Sengaï : l'aveugle
Ainsi la sagesse zen nous enseigne qu’il faut savoir se déprendre de nos précautions qui ne servent à rien, de nos questionnements sans réponse pour accueillir la vie comme elle vient. Claude Lévi-Strauss rapproche cette sagesse des écrits de Montaigne. Elle conduit à atteindre « l’état qui convient le mieux au sage pour vivre sereinement parmi ses semblables, partager leurs petites joies, compatir à leur tristesses et, pour s’accommoder du monde. »
J’ai beaucoup évoqué l’influence de la culture chinoise sur le Japon. On connait également l’influence de la civilisation occidentale sur ce pays depuis l’ère Meiji.
Réciproquement le japonisme qui commença en France (les premières expositions d’estampes japonaises eurent lieu à Paris) influença les artistes européens : les Nabis mais aussi Manet, Renoir, Pissaro, Van Gogh et tant d’autres. Regardez le visage de l’aveugle, ne dirait-on pas certains visages peints par Picasso. En littérature : Pierre Loti, Mallarmé, Baudelaire, Marguerite Yourcenar …
Plus récemment s’est développée au Japon une pop culture que j’ai pu rencontrée en se promenant dans des quartiers comme Harajuku. Cette pop culture contrebalance l’image d’un Japon productiviste et homogène. Elle rencontre un écho important dans la jeunesse asiatique. Tingting me disait récemment en avoir constaté les effets sur le campus de l’université du Yunnan. Elle se traduit par un rapprochement entre l’archipel et ses voisins. Puisse cela constituer un message d’espoir.
Jean-Louis
samedi 7 septembre 2013
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5 commentaires:
J'adore cet aspect du zen, l'humour qui n'a rien à voir avec l'ironie est pour moi une qualité essentielle.
J’ai oublié de préciser que pour le bouddhisme zen, particulièrement pour sa branche renzaï, l’humour n’est pas seulement un moyen qui nous permet d’affronter certaines difficultés de la vie. Il fait partie de cette pédagogie oblique dont l’origine remonterait au Bouddha.
Par la surprise, le recul, le changement de registre qu’il suppose il peut provoquer une secousse mentale qui met l’auditeur sur la voie de l’Eveil.
Il en va de même de cet autre moyen de la pédagogie oblique que sont les kôan, questions ou énigmes posées en termes contradictoires – exemple classique : « quel bruit fait une seule main qui claque ? » qui bloque l’esprit dans une impasse et l’oblige à chercher une issue hors de ses cadres de référence habituels.
CLS fait remarquer "que la tradition universitaire n’ignore pas le kôan. A un étudiant, plus tard écrivain renommé l’examinateur posa abruptement la question « qui a fait quoi où et quand ? » Sans se laisser démonter, le candidat répondit d’un trait : « En 410, Alaric prt Rome et la mit à sac », et fut brillamment reçu."
Mais il y aurait tant à dire. De quoi faire une conférence …
Jean-Louis
Tout à fait d'accord avec toi mais tu l'exprimes si bien. OK pour la conférence, on t'attend!
tres bonne idee!
Bonjour Nicole,
J'ai vu que tu as consulté le blog d'Oaxaca, ville dont je garde un excellent souvenir comme de San Cristobal de Las Casas et d'une manière généralr du Mexique.
Décidemment le blog nous fait voyager : la Chine, le Japon, le Mexique...
Bonne continuation. Tu nous raconteras ton voyage à ton retour.
Jean-Louis
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