jeudi 8 janvier 2009

Xue



« Le lendemain matin, dés le lever du jour, le frérot Jade qui, toute la nuit, obsédé par la pensée de la petite fête, n’avait pu dormir d’un sommeil vraiment calme, se souleva sur sa couche, écarta les courtines, et jeta un premier coup d’œil sur la porte et les croisées de son alcôve.
Bien que ces dernières fussent encore entièrement voilées, il les vit pénétrées d’une clarté qui attirait le regard. Un soupçon lui vint aussitôt ; il se dit, avec rancœur, que le temps devait réellement s’être éclairci, et que c’était sûrement la lumière du soleil qui commençait à poindre. Il se leva précipitamment, couru dévoiler une de ses croisées, et, d’un regard au-dehors, à travers le carreau de vitre central, découvrit que ce n’était nullement l’éclat du soleil mais de la neige qui, au cours de la nuit, s’était amassée au point de former sur le sol une couche d’un pied d’épaisseur.
Des hauteurs du ciel, continuaient de s’éparpiller dans l’air des flocons qu’on eût dit d’ouate ou de bourre de soie. Particulièrement pris de joie … »
Extrait du Récit XLIX du Rêve dans le Pavillon Rouge.
On ne peut tout citer, mais s’en suit de magnifiques descriptions des vêtements de neige.
Jade Magique sort de son enclos « Il embrassa du regard les quatre directions de l’espace. Partout s’étendait la même blancheur sur laquelle ne tranchaient, au loin, que le vert sombre des pins et le bleu céruléen des bambous. » Sur son chemin il croise la jeune prieure Jade mystique dont le rouge à lèvres brille du même incarnat que les fleurs des pruniers des frimas et offre un contraste saisissant avec la neige.
Il s’empresse de rejoindre les jeunes demoiselles qui ont décidé de faire des grillades c'est-à-dire, comble de l’horreur pour un chinois, de manger de la viande presque crue.
La veuve Li de commenter « …pour ma part je ne crois pas qu’on puisse manger de la chair crue », « Quelle saleté ! » renchérit la petite sœur Cithare.

Cela me rappelle une anecdote. Je mangeais un soir, au restaurant, avec une amie chinoise. J’avais pris une anchoïade. J’invite mon amie, habituellement très curieuse des coutumes européennes à goûter les légumes crus. « Mais je ne suis pas un lapin ! » me dit-elle en riant.

Le premier tome des Mythologiques de Claude Lévi-Strauss s’intitule « Le cru et le cuit ». L’auteur y montre que, pour les amérindiens, le passage de la nourriture crue à la nourriture cuite est le signe, par excellence, du passage de la nature à la culture et de l’accès à la condition d’homme. J’ai trouvé le rapprochement amusant.

Les photos illustrant cet article ont été prises le 7 janvier sur l’esplanade de Saint Victor. Il y régnait la même excitation qu’éprouve Jade Magique. Au travail, on nous avait demandé de rentrer chez nous et pour un temps nous avons retrouvé notre âme d’enfant.
Chers amis chinafiens vous avez certainement pris des photos de cette journée mémorable. Et si nous les échangions sur le blog…
Jean-Louis

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