C'est vrai qu'elle est jolie cette chanson de notre ami Brassens. Merci à Jean Louis de me l'avoir fait connaître. Le panthéon qu'il décrit, avec ses mots et sa musique bien à lui, avec ses dieux débonnaires et protégeant les humbles de la société (les ivrognes...), a une « p'tite gueule bien sympathique ». Cela me rappelle mes premiers voyages en Inde où je ne me lassais pas d'écouter les vieux indiens me raconter les histoires et les anecdotes de cette multitude de dieux et de déesses que recèle le panthéon hindouiste. Et à force d'écouter, je me disais qu'ils ressemblent finalement davantage à des humains qu'à des dieux. J'imagine que le monde de dieux issus des mythologies étudiées par Levi Strauss possède les mêmes qualités de grandeur, de beauté, de poésie et d'humanité. J'ai parfois la nostalgie de cette vision de ce monde de dieux que tôt ou tard, on irait tous rejoindre.
Pourtant, c'en est fini ! Je ne peux plus m'extasier devant les histoires mythologiques. C'est un peu comme si on me demandait de m'extasier devant la beauté sauvage d'un incendie ou d'une inondation qui est en train de ravager un village, ou comme si l'on me demandait de trouver quelque beauté ou grandeur à l'Allemagne du 3ème Reich, qui a « sacrifié » 6 millions de juifs. La cause de ce basculement s'appelle « René Girard » et de ses théories sur les mythologies notamment. Je me dois de prévenir Jean Louis, s'il était tenté, que la lecture de ce philosophe n'est pas anodine car lire Girard, c'est faire un chemin sans retour... La vision qu'on a des mythes et du christianisme en est profondément changée. C'est s'interdire de s'extasier sur les histoires de dieux antiques. Ce n'est pas s'interdire la beauté de certaines chansons, histoires, contes, musiques, poèmes, mais dès qu'on touche au domaine des dieux il en va tout autrement. Car pour Girard tout mythe prend naissance dans une violence de nature sacrificielle (« La violence et le sacré » de R. Girard). Sans refaire toute sa théorie sur le mimétisme et le mécanisme du bouc émissaire (« Le bouc émissaire » de R. Girard), on peut résumer le rapport entre sacrifice et sacré en s'aidant de l'étymologie : sacrifier = sacrum facere (en latin) donc sacrifier, c'est faire du sacré. Le mythe est la narration par les sacrificateurs eux-mêmes de cet acte violent (narration qui ne reflète que leur point de vue) et qui masque par conséquent ce sacrifice d'une victime innocente (« Des choses cachées depuis la fondation du monde » de R. Girard). Et Girard a le mérite de prendre un nombre incalculable de mythes de toutes les civilisations et, en nous les faisant lire « entre les lignes », de nous montrer l'invariable histoire violente qui se cache derrière la « poésie » et la « jolie prose » du mythe. Alors Girard, à descendre les dieux antiques de leur piédestal, est-il le professeur Nimbus ? Dans la bande certes mais pas le professeur lui-même. Et c'est là la seconde originalité de sa théorie. Tout ce discours sur les mythes, Girard nous dit qu'il est inscrit dans la parole évangélique. Le professeur Nimbus, c'est donc le Christ lui même ! (on en revient à la chanson de Brassens) Certes le discours évangélique n'est pas facile à décrypter car il est essentiellement parabolique, et d'ailleurs même l'Église s'y est trompée, mais le discours de Jésus colle parfaitement avec la dénonciation du sacrifice et l'histoire de la passion du Christ, c'est l'histoire cachée des mythes racontée en clair cette fois. Et cela, parce que le discours n'est pas celui des sacrificateurs mais celui de la victime elle- même qui crie son innocence : « ils ne savent pas ce qu'ils font », « je suis l'agneau de Dieu » etc.
La lecture de Girard et la relecture des Évangiles qui va avec, nous font sortir du monde de « l'innocence des dieux » pour nous faire entrer dans celui de « l'innocence des victimes des dieux » et on ne peut qu'être frappé par le poids qu'a pris de nos jours « le souci des victimes ». Certes il y a toujours de nombreux sacrifices de victimes innocentes et autres bouc émissaires mais cela ne génère plus de mythe. Les Évangiles ont cassé en quelque sorte le mécanisme de génération mythologique. Mais alors, cette nouvelle vision du christianisme ne fait elle que casser des mécanismes anciens et détruire les anciens dieux ? Que propose-t-elle en remplacement ? Là encore, Girard nous montre que le Dieu proposé par le Christ est un Dieu « défenseur » et non « accusateur ». Toute victime de ses congénères sait que le Dieu du Christ est un Dieu de défense et de compassion. « Mon défenseur est vivant » disait Job dans l'ancien testament (« La route antique des hommes pervers » de R. Girard) alors qu'il est persécuté par ses propres amis. Ce Dieu ne hurle pas avec les loups pour accuser, il n'est pas avec « les croquantes et les croquants », il n'applaudit pas de voir un homme emmené par les gendarmes, il peut même défendre les gens de « mauvaise réputation ». Brassens sans nul doute a eu cette intuition et a propagé ̶ oh! combien subtilement ̶ cette vision d'un Dieu défenseur.
Mon problème avec Girard, c'est que sa théorie est tellement belle et complète qu'elle vous envahit et qu'il est difficile d'en sortir. Il devient un maître à penser, ce dont je me méfie. Mais remettre sa théorie en cause n'est pas à la portée du premier venu. Cependant, il est sans doute bien d'autres esprits aussi brillants que Girard capables de lui porter la contradiction. Aussi, si jamais vous (et Jean Louis en particulier) entendez parler d'un contradicteur (*) qui écrirait un livre du style « Contre René Girard », n'oubliez pas de me faire signe, c'est la seule chance pour moi de retrouver le chemin perdu de l'innocence des dieux des mythologies.
Olivier.
(*) Régis Debray s'y est bien essayé mais sans succès à mon avis et la réponse que Girard lui avait fait m'avait convaincu.
Nicole a raison. Quel bel article ! On voit qu’il a été écrit avec passion et conviction et il constitue certainement une excellente introduction à l’œuvre de René Girard. Je ne doute pas que cet auteur apporte un éclairage intéressant sur la mythologie grecque et sur la lecture des Evangiles. Et il faudra effectivement que je le lise pour mieux connaître son point de vue. Mais épuise t-il la réalité ? Tous les dieux de la mythologie ne sont des dieux assoiffés de sang. Dans les religions panthéistes (le Grand Pan), les hommes voyaient des divinités dans les sources, les montagnes, les forêts ce qui impliquait un respect de la Nature que nous avons bien du mal à retrouver. Ces divinités entouraient les être et les choses du coussin amortisseur des rêves, du merveilleux dont nous avons autant besoin que de l’air que nous respirons. Il y a dans le dernier voyage du juge Feng une scène qui m’a particulièrement touché. Vous vous en souvenez, sans doute. Une nuit, dans un village, le cheval portant le précieux emblème de la République Populaire a été volé. Catastrophe. Heureusement l’emblème est aperçu flottant dans un marais. Le juge veut se précipiter pour le repêcher, mais il en est empêché par les villageois car la manœuvre est dangereuse. Ceux-ci font preuve de peu d’empressement pour aller le chercher, malgré les exhortations du juge Feng. A bout d’arguments celui leur dit « mais cet emblème est comme votre Bouddha ». Aussitôt une chaîne s’organise pour récupérer l’emblème. Et le soir, un feu de camp est allumé autour de l’emblème de la République Populaire et les villageois le touchent et le vénèrent comme une nouvelle divinité. Bien sûr, le jeune juge, fraîchement sorti de l’université qui accompagne Feng aura considéré cette danse comme une survivance des superstitions qu’il faut combattre. Il a tort. Cette scène, particulièrement émouvante, montre le besoin de merveilleux inhérent à tous les hommes. Et si ce merveilleux devait disparaître, alors oui, comme le dit le Christ « la fin du monde serait bien triste ».
Je vois que dans sa conclusion Olivier voudrait retrouver « le chemin perdu de l’innocence ». Je ne sais si cela pourra l’aider mais je voudrai lui faire cadeau de deux citations. La première, de Claude Lévi-Strauss, a été écrite en 1943. Elle fait référence à l’American Museum Of Natural History qui est consacré aux tribus indiennes de la côte Nord du Pacifique. Elle nous rappelle que les mythes amérindiens racontent tous la même histoire celle d’un temps où la communication entre l’homme et les autres espèces n’était pas encore coupée : « Il est à New York un lieu magique où les rêves de l’enfance se sont donné rendez vous ; où des troncs séculaires chantent et parlent ; où des objets indéfinissables guettent le visiteur avec l’anxieuse fixité des visages ; où des animaux d’une gentillesse surhumaine joignent comme des mains leurs petites pattes, priant pour le privilège de construire à l’élu le palais du castor, de lui servir de guide au royaume des phoques, ou de lui enseigner dans un baiser mystique le langage de la grenouille ou du martin pécheur. »
La seconde est de Zhang Xu, un des grands maîtres de la cursive folle sous les Tang. « C’est en voyant une princesse et un porteur se disputer le passage, puis en entendant jouer des tambours et des instruments à vent que j’ai compris l’art du pinceau. C’est en regardant la danseuse Gongsun danser la danse de l’épée que j’ai saisi son pouvoir merveilleux … » Et si l’on regarde bien les calligraphies de Zhang Xu, on peut certainement voir dans les arabesques de sa cursive évoluer la belle danseuse. Je me demande d’ailleurs, si la culture chinoise et notamment son écriture ne sont pas une invitation à regarder derrière le miroir. Les plus belles calligraphies comme l’écrit JF Billeter « nous donnent le sentiment que la nature est devenue éloquente, qu’elle nous parle et que nous la comprenons. » C’est peut-être en prenant le temps de regarder derrière le miroir que l’on peut retrouver le chemin perdu de l’innocence. Jean-Louis
Encore un petit mot, car décidemment l'article d'Olivier me pousse à réagir. Je voudrais revenir sur ce jeune juge "en bois brut" qui accompagne Feng. Que trimbale t-il sur le cheval à côté du précieux emblème de la République Populaire ? Un poste de télévision. Tout un symbole. A coup sûr, ce jeune juge fait partie de la bande au professeur Nimbus. Car bientôt, les Yi abrutis par quelques Arthur ou Foucault locaux, n'auront plus l'idée d'honorer de nouvelles divinités, le soir, autour d'un feu de bois. Et lorsque Feng repasse devant le lieu où a disparu son ami, qu'il honore chaque année de libations, que voit-il : des vallées magifiques bientôt éventrées par des routes, des montagnes bientôt couvertes de paraboles et de signaux pour les téléphones portables qui auront chassés à jamais les dieux des forêts et des montagnes. Alors craignant que la fin du monde soit bien triste, il appelle son ami, il appelle les dieux. Mais les dieux ne répondent plus et il en tire les conclusions que l'on sait.
Cela dit Olivier, je pense que tu me fais marcher car il suffit de t'entendre jouer de la musique pour savoir que tu n'as jamais perdu les chemins de l'innocence. Jean-Louis
6 commentaires:
C'est vrai qu'elle est jolie cette chanson de notre ami Brassens. Merci à Jean Louis de me l'avoir fait connaître.
Le panthéon qu'il décrit, avec ses mots et sa musique bien à lui, avec ses dieux débonnaires et protégeant les humbles de la société (les ivrognes...), a une « p'tite gueule bien sympathique ». Cela me rappelle mes premiers voyages en Inde où je ne me lassais pas d'écouter les vieux indiens me raconter les histoires et les anecdotes de cette multitude de dieux et de déesses que recèle le panthéon hindouiste. Et à force d'écouter, je me disais qu'ils ressemblent finalement davantage à des humains qu'à des dieux.
J'imagine que le monde de dieux issus des mythologies étudiées par Levi Strauss possède les mêmes qualités de grandeur, de beauté, de poésie et d'humanité.
J'ai parfois la nostalgie de cette vision de ce monde de dieux que tôt ou tard, on irait tous rejoindre.
Pourtant, c'en est fini ! Je ne peux plus m'extasier devant les histoires mythologiques. C'est un peu comme si on me demandait de m'extasier devant la beauté sauvage d'un incendie ou d'une inondation qui est en train de ravager un village, ou comme si l'on me demandait de trouver quelque beauté ou grandeur à l'Allemagne du 3ème Reich, qui a « sacrifié » 6 millions de juifs.
La cause de ce basculement s'appelle « René Girard » et de ses théories sur les mythologies notamment. Je me dois de prévenir Jean Louis, s'il était tenté, que la lecture de ce philosophe n'est pas anodine car lire Girard, c'est faire un chemin sans retour... La vision qu'on a des mythes et du christianisme en est profondément changée. C'est s'interdire de s'extasier sur les histoires de dieux antiques. Ce n'est pas s'interdire la beauté de certaines chansons, histoires, contes, musiques, poèmes, mais dès qu'on touche au domaine des dieux il en va tout autrement.
Car pour Girard tout mythe prend naissance dans une violence de nature sacrificielle (« La violence et le sacré » de R. Girard). Sans refaire toute sa théorie sur le mimétisme et le mécanisme du bouc émissaire (« Le bouc émissaire » de R. Girard), on peut résumer le rapport entre sacrifice et sacré en s'aidant de l'étymologie : sacrifier = sacrum facere (en latin) donc sacrifier, c'est faire du sacré. Le mythe est la narration par les sacrificateurs eux-mêmes de cet acte violent (narration qui ne reflète que leur point de vue) et qui masque par conséquent ce sacrifice d'une victime innocente (« Des choses cachées depuis la fondation du monde » de R. Girard). Et Girard a le mérite de prendre un nombre incalculable de mythes de toutes les civilisations et, en nous les faisant lire « entre les lignes », de nous montrer l'invariable histoire violente qui se cache derrière la « poésie » et la « jolie prose » du mythe.
Alors Girard, à descendre les dieux antiques de leur piédestal, est-il le professeur Nimbus ? Dans la bande certes mais pas le professeur lui-même. Et c'est là la seconde originalité de sa théorie. Tout ce discours sur les mythes, Girard nous dit qu'il est inscrit dans la parole évangélique. Le professeur Nimbus, c'est donc le Christ lui même ! (on en revient à la chanson de Brassens) Certes le discours évangélique n'est pas facile à décrypter car il est essentiellement parabolique, et d'ailleurs même l'Église s'y est trompée, mais le discours de Jésus colle parfaitement avec la dénonciation du sacrifice et l'histoire de la passion du Christ, c'est l'histoire cachée des mythes racontée en clair cette fois. Et cela, parce que le discours n'est pas celui des sacrificateurs mais celui de la victime elle- même qui crie son innocence : « ils ne savent pas ce qu'ils font », « je suis l'agneau de Dieu » etc.
La lecture de Girard et la relecture des Évangiles qui va avec, nous font sortir du monde de « l'innocence des dieux » pour nous faire entrer dans celui de « l'innocence des victimes des dieux » et on ne peut qu'être frappé par le poids qu'a pris de nos jours « le souci des victimes ». Certes il y a toujours de nombreux sacrifices de victimes innocentes et autres bouc émissaires mais cela ne génère plus de mythe. Les Évangiles ont cassé en quelque sorte le mécanisme de génération mythologique.
Mais alors, cette nouvelle vision du christianisme ne fait elle que casser des mécanismes anciens et détruire les anciens dieux ? Que propose-t-elle en remplacement ? Là encore, Girard nous montre que le Dieu proposé par le Christ est un Dieu « défenseur » et non « accusateur ». Toute victime de ses congénères sait que le Dieu du Christ est un Dieu de défense et de compassion. « Mon défenseur est vivant » disait Job dans l'ancien testament (« La route antique des hommes pervers » de R. Girard) alors qu'il est persécuté par ses propres amis. Ce Dieu ne hurle pas avec les loups pour accuser, il n'est pas avec « les croquantes et les croquants », il n'applaudit pas de voir un homme emmené par les gendarmes, il peut même défendre les gens de « mauvaise réputation ». Brassens sans nul doute a eu cette intuition et a propagé ̶ oh! combien subtilement ̶ cette vision d'un Dieu défenseur.
Mon problème avec Girard, c'est que sa théorie est tellement belle et complète qu'elle vous envahit et qu'il est difficile d'en sortir. Il devient un maître à penser, ce dont je me méfie. Mais remettre sa théorie en cause n'est pas à la portée du premier venu. Cependant, il est sans doute bien d'autres esprits aussi brillants que Girard capables de lui porter la contradiction. Aussi, si jamais vous (et Jean Louis en particulier) entendez parler d'un contradicteur (*) qui écrirait un livre du style « Contre René Girard », n'oubliez pas de me faire signe, c'est la seule chance pour moi de retrouver le chemin perdu de l'innocence des dieux des mythologies.
Olivier.
(*) Régis Debray s'y est bien essayé mais sans succès à mon avis et la réponse que Girard lui avait fait m'avait convaincu.
"sacré" Olivier, tu m'épateras toujours!!!!!!
Bravo
à+
Nicole
Nicole a raison. Quel bel article ! On voit qu’il a été écrit avec passion et conviction et il constitue certainement une excellente introduction à l’œuvre de René Girard.
Je ne doute pas que cet auteur apporte un éclairage intéressant sur la mythologie grecque et sur la lecture des Evangiles. Et il faudra effectivement que je le lise pour mieux connaître son point de vue.
Mais épuise t-il la réalité ? Tous les dieux de la mythologie ne sont des dieux assoiffés de sang. Dans les religions panthéistes (le Grand Pan), les hommes voyaient des divinités dans les sources, les montagnes, les forêts ce qui impliquait un respect de la Nature que nous avons bien du mal à retrouver. Ces divinités entouraient les être et les choses du coussin amortisseur des rêves, du merveilleux dont nous avons autant besoin que de l’air que nous respirons.
Il y a dans le dernier voyage du juge Feng une scène qui m’a particulièrement touché. Vous vous en souvenez, sans doute. Une nuit, dans un village, le cheval portant le précieux emblème de la République Populaire a été volé. Catastrophe. Heureusement l’emblème est aperçu flottant dans un marais. Le juge veut se précipiter pour le repêcher, mais il en est empêché par les villageois car la manœuvre est dangereuse. Ceux-ci font preuve de peu d’empressement pour aller le chercher, malgré les exhortations du juge Feng. A bout d’arguments celui leur dit « mais cet emblème est comme votre Bouddha ». Aussitôt une chaîne s’organise pour récupérer l’emblème. Et le soir, un feu de camp est allumé autour de l’emblème de la République Populaire et les villageois le touchent et le vénèrent comme une nouvelle divinité. Bien sûr, le jeune juge, fraîchement sorti de l’université qui accompagne Feng aura considéré cette danse comme une survivance des superstitions qu’il faut combattre.
Il a tort. Cette scène, particulièrement émouvante, montre le besoin de merveilleux inhérent à tous les hommes. Et si ce merveilleux devait disparaître, alors oui, comme le dit le Christ « la fin du monde serait bien triste ».
Je vois que dans sa conclusion Olivier voudrait retrouver « le chemin perdu de l’innocence ».
Je ne sais si cela pourra l’aider mais je voudrai lui faire cadeau de deux citations.
La première, de Claude Lévi-Strauss, a été écrite en 1943. Elle fait référence à l’American Museum Of Natural History qui est consacré aux tribus indiennes de la côte Nord du Pacifique. Elle nous rappelle que les mythes amérindiens racontent tous la même histoire celle d’un temps où la communication entre l’homme et les autres espèces n’était pas encore coupée : « Il est à New York un lieu magique où les rêves de l’enfance se sont donné rendez vous ; où des troncs séculaires chantent et parlent ; où des objets indéfinissables guettent le visiteur avec l’anxieuse fixité des visages ; où des animaux d’une gentillesse surhumaine joignent comme des mains leurs petites pattes, priant pour le privilège de construire à l’élu le palais du castor, de lui servir de guide au royaume des phoques, ou de lui enseigner dans un baiser mystique le langage de la grenouille ou du martin pécheur. »
La seconde est de Zhang Xu, un des grands maîtres de la cursive folle sous les Tang. « C’est en voyant une princesse et un porteur se disputer le passage, puis en entendant jouer des tambours et des instruments à vent que j’ai compris l’art du pinceau. C’est en regardant la danseuse Gongsun danser la danse de l’épée que j’ai saisi son pouvoir merveilleux … » Et si l’on regarde bien les calligraphies de Zhang Xu, on peut certainement voir dans les arabesques de sa cursive évoluer la belle danseuse.
Je me demande d’ailleurs, si la culture chinoise et notamment son écriture ne sont pas une invitation à regarder derrière le miroir. Les plus belles calligraphies comme l’écrit JF Billeter « nous donnent le sentiment que la nature est devenue éloquente, qu’elle nous parle et que nous la comprenons. »
C’est peut-être en prenant le temps de regarder derrière le miroir que l’on peut retrouver le chemin perdu de l’innocence.
Jean-Louis
il me semble que sur le blog on n'a pas la même possibilité que sur le forum de mise en avant d'un sujet
dommage !!!
Encore un petit mot, car décidemment l'article d'Olivier me pousse à réagir.
Je voudrais revenir sur ce jeune juge "en bois brut" qui accompagne Feng. Que trimbale t-il sur le cheval à côté du précieux emblème de la République Populaire ? Un poste de télévision. Tout un symbole. A coup sûr, ce jeune juge fait partie de la bande au professeur Nimbus. Car bientôt, les Yi abrutis par quelques Arthur ou Foucault locaux, n'auront plus l'idée d'honorer de nouvelles divinités, le soir, autour d'un feu de bois.
Et lorsque Feng repasse devant le lieu où a disparu son ami, qu'il honore chaque année de libations, que voit-il : des vallées magifiques bientôt éventrées par des routes, des montagnes bientôt couvertes de paraboles et de signaux pour les téléphones portables qui auront chassés à jamais les dieux des forêts et des montagnes.
Alors craignant que la fin du monde soit bien triste, il appelle son ami, il appelle les dieux. Mais les dieux ne répondent plus et il en tire les conclusions que l'on sait.
Cela dit Olivier, je pense que tu me fais marcher car il suffit de t'entendre jouer de la musique pour savoir que tu n'as jamais perdu les chemins de l'innocence.
Jean-Louis
De quel Foucault parles tu ?
Est ce Michel ?
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