mercredi 29 janvier 2014

Apparition

Calligraphie partielle du poème chinois par Shain Jye Mong

Il pleut. La pluie, la lune deux éléments Yin qui ont souvent inspiré les poètes ou, si l’on est pas poète, qui incitent à lire leurs œuvres pour les suivre dans leur rêverie.

Cette rêverie a souvent pour thème l’apparition de l’être que l’on aime ou que l’on aurait pu aimer. Pour l’illustrer j’ai choisi deux poèmes. Le premier est chinois, le second français.

Le poème chinois est de Dai Wangshu (1905-1935) qui séjourna à Lyon de 1932 à 1935. Il a traduit plusieurs auteurs français et ses poèmes reflètent l’influence des symbolistes et de Françis Jammes.

La ruelle sous la pluie
Avec un parapluie en papier huilé, seul
Je déambule dans une longue et longue
Ruelle solitaire, sous la pluie
Et j’espère rencontrer
Une jeune fille aussi triste
Qu’une fleur de lilas.

Elle aura
La couleur du lilas
Elle soupirera sa plainte sous la pluie,
Triste et mélancolique,

Elle déambulera dans cette ruelle solitaire
Avec comme moi
Un parapluie en papier huilé
Et comme moi elle marchera en silence
Froide, seule et triste.

Elle s’approchera sans bruit
Et à cet instant me jettera
Un regard qui soupire
Puis elle passera comme un rêve
Un rêve vague et triste

Comme un lilas
Qui passe, fugitif dans un rêve
Cette jeune fille me croisera
Et s’éloignera en silence
Dépassant la haie délabrée
Pour disparaître au bout de la ruelle, sous la pluie.

Dans l’air mélancolique de la pluie
Se retrouveront sa couleur
Eclipsé son parfum
Disparu son regard
Qui soupire
Et sa tristesse de lilas.

Avec un parapluie en papier huilé, seul
Je déambule dans la longue et longue
Ruelle solitaire, sous la pluie
Et j’espère rencontrer
Une jeune fille aussi triste
Qu’une fleur de lilas.

Les poèmes français ayant pour thème l’apparition de l’être aimé ou que l’on aurait pu aimer sont nombreux.
On pense à Verlaine : « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant… »
A Nerval : « Il est un air pour qui je donnerai… ».
A Baudelaire : « …Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ! »

Celui que j’ai choisi est, peut-être moins connu, mais tout aussi beau. Il est de Stéphane Mallarmé qui fut un des chefs de file des symbolistes et que devait particulièrement aimé le poète chinois.

Apparition
La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
- C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un rêve au cœur qui l’a cueilli.
J’errai donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes sommeils d’enfants gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.


Je regarde par la fenêtre, il pleut toujours…
Jean-Louis

1 commentaire:

Nicole a dit…

Merci pour ces beaux poèmes...je regarde par la fenêtre, le soleil est revenu!!!

PS : j'ai relu à plusieurs reprises et à haute voix celui de Mallarmé car il n'est pas des + simples, il est au contraire très riche.