dimanche 16 mai 2010
Baoyu ou le désir d'aimer
Jia Baoyu
Voilà bien longtemps que nous n’avons pas parlé du Rêve dans le Pavillon Rouge. Cela ne pouvait plus durer !
On sait l’importance que la pensée chinoise accorde à l’indistinction, à l’indifférenciation, cet état de virtualité où les choix n’ont pas été encore faits, où tous les possibles sont encore possibles.
Cette notion est présente dans la conception du monde : les dix mille être naissent de l'indifférencié. Elle inspire l'esthétique : regardez sur cette gravure comme les arbres, les rochers, les plis de la robe du personnage se confondent.
En amour, cet état d’indistinction s’appelle le désir d’aimer. Il y a, là-dessus, de belles pages dans La Recherche du Temps perdu. : « au commencement d’un amour comme à sa fin, nous ne sommes pas exclusivement attachés à l’objet de cet amour, mais plutôt le désir d’aimer dont il va procéder …erre voluptueusement dans une zone de charmes interchangeables… »
Jia Baoyu, le héros du Rêve dans le Pavillon Rouge, comme le narrateur de La Recherche du Temps Perdu sont dans le désir d’aimer toutes les jeunes filles qui les entourent : « Tel pour moi cet état amoureux divisé simultanément entre plusieurs jeunes filles. Divisé ou plutôt indivis, car le plus souvent ce qui m’était délicieux…c’était tout le groupe de ces jeunes filles, prises dans l’ensemble de ces après-midi sur la falaise … »
Je ne pense pas que Baoyu soit infidèle à Lin Daiyu. Seulement, il est encore dans le désir d’aimer et n’a pas encore franchit le pas de l’amour comme l’a fait Lin (mais c’est normal, elle est plus avancée : c’est une fille !).
Baoyu ou le désir d’aimer, Baoyu ou le refus de grandir. Comme Peter Pan, il refuse de quitter l’enfance, ce monde où les choix ne sont pas fait, où tout est encore possible. Car quitter l’enfance, c’est quitter le paradis, hors du temps, de l’indetermination, c’est entrer dans le monde des adultes, des choix, de la renonciation et du temps qui passe.
Jean-Louis
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7 commentaires:
Merci, Jean-Louis. Au risque de me répéter, cela donne de plus en plus envie de lire cette oeuvre, ça viendra!
Merci à Jean Louis pour cet article sur "Le Rêve" qui est un sujet inépuisable
Puisqu'on est dans le sujet, j'ai appris ce week-end un joli chengyu :
红杏出墙 (Hong xing chu xiang): l'abricot mûr qui dépasse du mur
;-)
Cher Jean-louis
Je suis toujours admirative de tes articles, riches et attrayants comme le dit Françoise..
A mon humble niveau,je me contente de glisser sur ce blog quelque vidéo nous rappelant les bons moments passés
Quel hasard ! Ce chengyu devrait intéresser Françoise qui est précisemment à la recherche de ces petits textes dans le cadre de son cours.
Et merci à Annie pour ses vidéo,
Jean-Louis
Quelqu'un pourrait-il m'éclairer sur le sens de ce chengyu qui m'apparaît un peu abscons, à moins que cet abricôt mûr ne soit un peu vert ?
Jean-Louis
L'abricot mûr représente le désir d'aimer.
Le mur a le même sens que "la forteresse assiégée".
L'abricot mur qui dépasse le mur représente donc un désir coupable. (Se dit pour une femme).
A rapprocher de l'expression "绿 帽子".
En bref un homme aura un 绿 帽子 lorsque sa femme sera du genre 红杏出墙.
Olivier
je tiens à la disposition de Francesca un 汉语成语小词典 ou petit "dico" de CHENG YU
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