Lors de la rédaction de nos articles sur la « culture de soi » nous avons eu un échange intéressant dont le point de départ était la fin du texte de Su Dongpo déjà cité: « Dans l’Antiquité, les compositeurs ne devaient-ils pas se tenir dans le silence ? »
Nombreux sont les textes chinois exprimant cette nostalgie du silence, « nostalgie de l’adéquation originelle de l’aventure humaine au cours naturel des choses où le Dao se manifestait naturellement, sans avoir à être explicité en discours et en principes ». Anne Cheng dans Histoire de la pensée chinoise cite, par exemple, ce dialogue célèbre de Confucius :
« Le Maître dit : « J’aimerais tant me passer de la parole. »
Zigong lui objecte : « Mais si vous ne parliez pas, qu’aurions nous, humbles disciples à transmettre ? »
Le Maître : « Le Ciel lui-même parle t-il jamais, les quatre saisons se succèdent, les cent créatures prolifèrent : qu’est-il besoin au Ciel de parler ? » ».
Ce dialogue me semblait faire un contraste saisissant avec la Bible : « Je suis le Verbe », « Et le Verbe s’est fait chair ». D’un coté un Ciel qui est muet, de l’autre un Dieu qui est Parole.
Ce week-end, j’ai retrouvé un livre de François Jullien : La Chaîne et la trame qui apporte un éclairage au débat : « La Chine est une civilisation, non de la parole délivrant un Sens (la Bible) ; ni non plus du discours (logos)…Elle est fondamentalement une civilisation du texte… dont l’opération est un continu tissage. »
Le texte chinois n’est pas une Ecriture Sainte délivrant une Vérité révélée dans la parole d’un Dieu transcendant le monde, archétype du Sujet parlant. Le texte chinois nous dit Anne Cheng « comme texture se contente de faire apparaître les motifs fondamentaux de l’univers, il ne s’y superpose pas comme un discours sur l’univers ». Texte contenu dans l’univers (voir Le Clézio), longuement tissé (mais on est au pays de la soie) dans les classiques, Jing. On reconnaît dans le caractère Jing la clef de la soie et la chaîne d’un tissu.
Les philosophes parleraient d’immanence et de transcendance, deux perspectives pour concevoir le monde. Pour résumer d'une façon sans doute très schématique mais qui pourrait ouvrir un débat ou une recherche : d'un côté une Parole transcendante, de l'autre un texte immanent.
JING
Puisque nous parlons de caractères chinois, j’ai suivi le conseil que Françoise donnait dans un de ses commentaires et je suis allé lire un article intéressant du blog « Pérégrinations vers l’Est » intitulé « Romaniser la langue chinoise : est ce possible et souhaitable ? » ;
J’ai également consulté le blog de Pierre Kaiser, toujours passionnant ; vous y trouverez, par exemple, de beaux articles sur l’année du bœuf vu du Vietnam.
Les liens de ces blogs figurent dans la rubrique « liens amis » du notre.
Jean-Louis
dimanche 1 février 2009
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