samedi 22 novembre 2014

Sainte Cécile, musicienne du silence


Pour toutes les Cécile et les musiciens que nous connaissons, un poème de Stéphane Mallarmé dédié à Sainte Cécile.

Le caractère énigmatique, voire hermétique de ce poème, l’oxymore du dernier vers « musicienne du silence » ont de quoi surprendre. Ils raviraient pourtant un lettré chinois.

Dans les deux premiers quatrains Sainte Cécile est entourée de livres anciens et d’instruments qui composent un orchestre Renaissance : viole, flute, mandore. Ces instruments terrestres font place dans les deux derniers quatrains à un instrument céleste : une harpe formée par les ailes d’un ange. Les éléments matériels : vieux livres, instruments anciens sont remplacés par des gestes presque imperceptibles. La présence est sentie seulement par le mouvement : le vol de l’ange. La délicate phalange de la Sainte effleure le plumage instrumental. La musique devient de plus en plus éthérée pour aboutir au silence. Dans sa quête d’absolu, Mallarmé a la même intuition que les penseurs chinois. C’est le Vide, le silence qui contient tous les possibles.

Le poème se présente comme un diptyque où s’opposent passé (jadis deux fois) et présent, situation figée et mouvement, musique et silence. Mais dans la pensée chinoise les opposés Plein et Vide, musique et silence sont complémentaires et c’est de leur mise en perspective que naît leur valeur réciproque. Il en va pour moi ainsi dans ce poème.

Sainte a été mis en musique par Maurice Ravel.

Bonne fête aux Cécile, aux Célia. A nos amies, à nos cousines.
Jean-Louis

Sainte
A la fenêtre recélant (1)
Le santal vieux qui se dédore (2)
De sa viole étincelant
Jadis avec flûte ou mandore (3) ,

Est la Sainte (4) pâle, étalant
Le livre vieux qui se déplie
Du Magnificat ruisselant
Jadis selon vêpre et complie :

A ce vitrage d’ostensoir
Que frôle une harpe par l’Ange
Formée par son vol du soir
Pour la délicate phalange

Du doigt que, sans le vieux santal
Ni le vieux livre, elle balance
Sur le plumage instrumental,
Musicienne du silence.

1 Cacher et contenir
2 Perd son placage d’or, ses incrustations dorées, pour l’instrument de musique
3 Ancien instrument de musique à cordes, proche du luth
4 Sainte Cécile, patronne des musiciens






Pour aller plus loin : http://philo-lettres.fr/litterature_francaise/mallarme.html

2 commentaires:

Françoise a dit…

J'en connais une qui n'est peut-être pas une sainte mais la muse d'un musicien. Lisent-ils le blog? Nous n'allons pas tarder à le savoir...
C'est un très beau poème que je ne connaissais pas.

Cécile a dit…

Bravo Jean-Louis,
Je viens de lire ton exposé sur Sainte Cécile, ravie de découvrir cette belle peinture et ce délicat poème chanté !
Merci pour ce plaisir offert particulièrement aux Cécile dont je fais partie !