samedi 23 août 2014

Verlaine poète chinois ?

Coin de table, Henri Fantin-Latour (On reconnait Verlaine et Rimbaud)

Jean-Pierre Richard a consacré un essai à Verlaine intitulé Fadeur de Verlaine (In Poésie et profondeur, Points, essai). Ce titre a certainement de quoi surprendre un lecteur français habitué à considérer la fadeur comme une qualité plutôt négative. Il éveillera, au contraire, la curiosité du lecteur ayant quelques notions de culture chinoise, ayant contemplé les tableaux chinois qui se caractérisent par le monochrome, le flou, le fade, leur aspect dépouillé et qui sait, comme l’écrit Nicolas Zufferey (Introduction à la pensée chinoise), que dans la Chine ancienne : « la fadeur n’a rien de péjoratif, au contraire : c’est plus précisément l’absence de saveur qui recèle toutes les saveurs possibles et semble infiniment plus riche qu’une saveur particulière , qui s’est en quelque sorte actualisée au détriment des autres. ».

L’essai de Jean-Pierre Richard a été publié en 1955 et ne fait pas référence à la culture chinoise ni bien entendu aux textes français bien postérieurs évoquant la notion de fadeur en Chine (Voir par exemple : Nicolas Zufferey déjà cité ou encore Eloge de la fadeur de François Jullien).

Les premiers recueils de Verlaine nous transportent dans des paysages saisis à la lueur du crépuscule ou du clair de lune parfois plongés dans le brouillard et où dominent les notations : pâle, blême, atmosphère qui évoque celle des tableaux chinois. Mais la ressemblance entre Verlaine et les artistes chinois s’arrête t-elle là ? Dans la culture chinoise, la notion de fadeur est inséparable des notions de Vide, d’effacement du moi. Retrouve t-on cette cohérence chez Verlaine ? Fadeur, vacuité du cœur, effacement de l’ego sont un idéal à atteindre pour le Sage et l’artiste chinois. Verlaine a-t-il vécu cette aventure de la même manière ? C’est ce que je vous propose d’examiner avec l’aide de Jean-Pierre Richard, dans quelques articles à venir.
A suivre,
Jean-Louis

Le Mont Hua, Wang Lü (né en 1332)
En Chine ancienne, l'art du paysage frappe par son caractère presque monochrome; comparé aux tableaux colorés des paysagistes occidentaux les oeuvres chinoises paraissent pâles ou fades. Nicolas Zufferey Introduction à la pensée chinoise

2 commentaires:

Françoise a dit…

Toujours très intéressants ces rapprochements.
Cela éclaire cette "langueur monotone" de Verlaine, loin du romantisme ou de la violence baudelairienne.
Fadeur, vide, extinction de l'ego participent sans doute d'une même démarche.
On attend la suite avec impatience...

Nicole a dit…

Le dépouillement en peinture ou en décoration peut s'apparenter à ces propos. Ici les notions de positif ou négatif sont toutefois absentes. Oui nous attendons la suite.