mercredi 23 février 2011
Genèse
Anonyme (XIII° siècle) , Dieu, architecte de l’univers
Dong Yuan (X° siècle) Bois hivernaux et berges étagées
Que ce soit dans la Bible ou chez les auteurs gréco-latins, la Genèse est décrite comme une victoire du « distinct sur l’indistinct » pour reprendre les termes employés par Nadeije Laneyrie-Dagen dans son livre L’invention de la nature.
Au commencement, Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres, la terre d’avec le ciel, le jour d’avec la nuit. Le verbe séparer figure cinq fois dans les premières lignes du livre de la Genèse. Une autre caractéristique de cette Genèse c’est qu’elle s'est produite une fois pour toute. Le septième jour « ainsi furent achevés les cieux, la terre et toute leur armée. ». Les artistes ont transcrit visuellement ces conceptions. Ainsi dans le tableau ci-dessus, Dieu a la figure d’un architecte. Un compas à la main, il trace un grand cercle qui contient tous les éléments de la Création.
La conception chinoise est différente. L’apparition des dix mille êtres ne se traduit pas par une victoire définitive du distinct sur l’indistinct, mais par un passage momentané et toujours recommencé de l’indéterminé au déterminé. On peut le voir à l’œuvre dans la nature. Mais il apparait aussi sous le pinceau du peintre et du calligraphe qui, chaque fois qu’ils écrivent un caractère ou un paysage, « retrouvent le processus de la nature et manifestent le réel, le donne à voir dans on fonctionnement actif ». Il n’y a pas de différence entre la nature, une peinture et une calligraphie. Tous trois possèdent le même degré de réalité.
Anne Cheng : un caractère « se perçoit comme une chose parmi les choses …de par la spécificité de son écriture, la pensée chinoise peut se figurer qu’elle s’inscrit dans le réel au lieu de s’y superposer ». Et Yolaine Escande : « la peinture ne se superpose pas à la réalité, elle en fait partie ; c’est pourquoi les annales rapportent fréquemment que les artistes disparaissent en entrant dans leur propre tableau ou que …les dragons s’envolent une fois la peinture achevée ». Cela induit ce qu’Anne Cheng nomme une pensée de plain-pied qui, « au lieu d’élaborer des objets dans la distance critique, tend au contraire à rester immergée dans le réel pour mieux en ressentir et en préserver l’harmonie ».
On comprend que la peinture chinoise, au lieu de la perspective linéaire qui privilégie le regard d’un observateur extérieur au tableau, ait préféré la perspective cavalière qui invite le spectateur à rejoindre le peintre pour voyager au cœur de son tableau.
Jean-Louis
Les sources de cet article sont :
- L’invention de la nature, Nadeije Laneyrie-Dagen, Flammarion,
- Histoire de la pensée chinoise, Anne Cheng, Seuil,
- La culture du shanshui, Yolaine Escande, Hermann
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1 commentaire:
"perspective cavalière"! C'est du joli!
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