jeudi 4 décembre 2014

Faut-il expliquer les poèmes ?

Temps pluvieux, brumeux. Pas de doute c’est bien l’automne. A chaque saison ses traditions et ses plaisirs.  C’est aujourd’hui la Sainte Barbe. N’oubliez pas de planter votre blé dans trois coupelles en rappel de la trinité.

                                        Le blé de la Sainte Barbe

A chaque saison ses traditions mais aussi ses poèmes. Les éditions Moudarren ont eu l’excellente idée de publier un recueil de poèmes chinois pour chaque saison (On peut les trouver à l’Alcazar). Ces poèmes sont illustrés de belles calligraphies. Le poème chinois que je vous présente aujourd’hui est de Yang Wan Li, un poète de la dynaste des Song. Comme poème français j’ai choisi Les colchiques de Guillaume Apollinaire car il contient une petite énigme qui nous conduira à nous poser cette question : faut-il expliquer un poème ?

Le poème chinois



Le bananier de Yang Wan Li
Quand le bananier rencontre la pluie aussitôt il se réjouit
Toute la nuit il produit un son clair, joli de surcroît
Les notes aigües imitent ingénieusement les mouches heurtant le papier
Les notes graves résonnent comme une source descendant la montagne
Trois gouttes, cinq gouttes, je les entends toutes distinctement
Les dix mille bruits se sont tus, cette nuit d’automne est tranquille
Le bananier seul se réjouit, l’homme seul s’attriste
Je préférerai que le vent d’ouest cesse et que la pluie cesse aussi
Traduit par Cheng Wing fun et Hervé Collet


Le poème français

On pourrait surnommer Guillaume Apollinaire "le poète de l’automne".
Dans Signe, il déclare être soumis au signe de cette saison :

Mon Automne éternelle ô ma saison mentale

Dans Automne malade il écrit :

Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille.

Aujourd’hui  pour illustrer l'automne, j’ai choisi Les colchiques un poème très connu qui contient dans ses vers 10 et 11 une petite énigme mythico-littéraire :


Les colchiques
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement

Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

Guillaume Apollinaire « Alcools » 1913

Apollinaire déclare que les colchiques sont comme des « mères filles de leurs filles ». Que signifie cette expression ? S’agit-il d’une licence poétique ? Ou peut-on l’expliquer par des considérations botaniques, historiques, mystiques ou mythologiques. Si oui ces explications renforcent-elles l’émotion esthétique que nous ressentons en lisant ce poème ?
Je vous propose d'aborder ces questions dans un prochain article.

Jean-Louis

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