lundi 8 septembre 2008

Ji Zu, Le Culte des Ancêtres

On pourrait, sans doute, à partir de n’importe que sujet, aborder la plupart des aspects de la culture chinoise.
En croisant différents textes consacrés au Culte des Ancêtres, on s’aperçoit que cette pratique religieuse nous permet de mieux comprendre :
- l’importance de la piété filiale et de la structure familiale qui va servir de modèle d’organisation à la société et à la vie politique.
- la perméabilité entre la sphère du monde naturel et le surnaturel, mais aussi entre le religieux et le politique.
- les raisons de l’absence de véritable mythologie dans la culture chinoise
- pourquoi la notion de création qui tient une place si importante dans la pensée occidentale est remplacée par celle de processus dans la culture chinoise
- l’importance des rites et les différences d’interprétation que l’on peut en avoir qui fut à l’origine de la fameuse querelle des rites entre les jésuites et la papauté.

Cet article trouve ses sources dans :
- Introduction à la pensée chinoise de Nicolas Zufferey
- L’article de C.J.D. Javary dans le monde des religions
- Histoire de la pensée chinoise d’Anne Cheng
- Procès et création de François Jullien
- Le Rêve dans le Pavillon Rouge

Le Culte des Ancêtres : un prolongement de la piété filiale.
Il est intéressant de constater que l’on assiste, au cours des âges, à un renversement complet dans la conception des rapports entre les vivants et les défunts.
Dans la Haute Antiquité, les défunts sont perçus comme des « esprits » de nature analogue aux divinités animistes qui président aux différents phénomènes naturels. Les hommes sont à leur merci.
Plus tard, la civilisation chinoise s’organise selon une structure familiale et féodale. Le Culte des Ancêtres devient un prolongement de la piété filiale et le fondement spirituel de la morale d’Etat. Désormais ce sont les défunts qui dépendent des vivants et non le contraire. Le devoir premier de la piété filiale consiste à nourrir et entretenir ses parents devenus trop vieux pour y pourvoir par eux-mêmes. Et cette obligation se poursuit au-delà de leur vivant. Il faut d’abord leur donner au moins un descendant qui va poursuivre à son tour le rituel, mais aussi contribuer à assurer leur bien être dans le monde invisible où ils demeurent après la mort.
Dans cette optique, le Culte des Ancêtres se fait sous forme d’offrandes dont ils ne goûtent que la part subtile (la part matérielle est ensuite dégustée en famille) et de substituts en papier d’objets et d’argents factices que l’on fait brûler, puisque le feu a le pouvoir de traverser les mondes sans altérer la substance des choses.

L’absence de frontière entre le monde naturel et le surnaturel.
Les Ancêtres maintiennent onc un lien organique avec leur descendance vivante.
En tant que membre d’une communauté familiale et par delà la frontière entre la vie et la mort, ils continuent à jouer un rôle au sein de cette communauté, et leur statut dans la parenté garde toute son importance.
Comme la divination, le Culte des Ancêtres présuppose qu’il n’existe pas de coupure essentielle entre le monde des vivants et le monde surnaturel : les Ancêtres servent de lien entre les deux ordres, par exemple en intervenant pour les vivants auprès des forces surnaturelles.

L’autel ancestral et les tablettes ne symbolisent pas seulement les Ancêtres, ils signalent également que ces derniers appartiennent encore à la famille.
On retrouve ici, la défiance de la pensée chinoise envers les oppositions tranchées, défiance qui est un corollaire de la conception des contraires complémentaires.

L’importance de la structure familiale.
Le culte n’est pas dirigé par un prêtre mais par le chef de famille qui exprime ainsi son pouvoir et sa légitimité.
En temps même que phénomène religieux, le Culte des Ancêtres manifeste le groupe de parenté comme paradigme de l’organisation sociale, et c’est sans doute pour cette raison que, au-delà, de sa fonction proprement religieuse, il a contribué à l’laboration de l’ordre sociopolitique en Chine.
On se souvient qu’en chinois, pays se dit « guo jia », pays famille et que, même si l’n a pas de lien de parenté, on se salue par « oncle », « petit frère », « grande sœur ».

Pas de véritable mythologie.
Plus qu’un esprit de l’au-delà, l’Ancêtre représente d’abord un statut, un rôle familial dans lequel il se fond presque au point de perdre toute histoire personnelle, tout destin individuel. Il se trouve donc doté d’un potentiel mythique assez réduit, et la relative pauvreté des mythes dans la culture chinoise pourrait bien s’expliquer par la nature même du culte ancestral.

La place centrale de l’harmonie.
Au lieu d’être doués d’une volonté arbitraire, voire capricieuse, l’Ancêtre est donc d’emblé perçu à travers son statut et intégré dans la vision d’un ordre familial fondé sur l’harmonie.
On se souvient que la notion d’harmonie, dans la culture chinoise, tient la place centrale occupée par la liberté dans la notre, au moins depuis le siècle des Lumières.
Les Chinois, peuples de cultivateurs et non d’éleveurs auraient été plus attentifs à l’influence diffuse qui émane du cycle des saisons. L’intervention de l’homme - commandement et contrainte – serait au contraire indispensable dans le rapport de l’homme avec l’animal, tel que l’on vécu les anciennes civilisations pastorales. Comme le rappelle Jacques Gernet en résumant la thèse d’Haudricourt : le Dieu des Juifs et des Chrétiens est un Dieu de pasteurs qui parle, commande, exige. Le Ciel des Chinois ne parle pas. Il se contente de produire les saisons et d’agir de façon continue par ses influx saisonniers.

Procès et Création.
La prédominance du Culte des Ancêtres dans la Chine antique a donné lieu à une représentation cosmogonique fondée sur un modèle organique d’engendrement bien plus que sur celui d’une création ex nihilo par une puissance transcendante. L’Ancêtre n’apparaît pas comme une toute puissance créatrice mais comme une instance d’ordre jouant un rôle axial entre le monde cosmique constitué d’énergies en interaction harmonieuse et le monde sociopolitique humain régit par des relations de type familial et par des codes de comportement rituel.

L’importance des rites, le religieux au service du politique.
En tant que cérémonial, le Culte des Ancêtres obéit à une organisation, une distribution des rôles. Bien effectué, le rite possède une harmonie et une efficace considérée comme fondamentale pour ses effets positifs. Le rite contribue à l’harmonie de la famille, de la société et du monde. (Voir article sur les deux homophones Li).

La querelle des rites.
Elle traduit un des malentendus les plus flagrants entre chrétiens européens et lettrés chinois.
Il s’agit de savoir si les rites sont d’ordre religieux ou non. Si oui, ils ne peuvent être aux yeux de la papauté que superstitions et partant incompatibles avec le christianisme ; dans le cas contraire, ils sont compatibles avec la foi chrétienne.
Pour les Chinois la question n’a pas grand sens du fait de l’absence de distinction dans la tradition chinoise entre religieux et civil, sacré et profane, spirituel et temporel.
Au XVIII° la papauté estimera le Culte des Ancêtres incompatible avec le catholicisme, les jésuites au contraire conseilleront de le tolérer. Cette intransigeance de la papauté fut sans doute un frein à l’expansion du christianisme en Chine.

Le Rêve dans le Pavillon Rouge nous fournit un bel exemple de l’ordonnancement des rites lors d’une cérémonie consacrée au Culte des Ancêtres. Je ne peux en citer qu’un court extrait. Je renvoie le lecteur qui souhaiterait lire ce très beau texte à l’édition de la Pléiade, pages 1241 à 1245.
« Le rôle du maître officiant était tenu par Jia le Déférent. Jia le Clément l’assistait. Jia Joyau de Jade présentait les coupes. Jia Vase de Jade et Jia Jade d’Oblation présentaient les rouleaux de soie. Le frérot Jade présentait les faisceaux de baguettes d’encens. Jia l’Acore et Jia la Corniole étendaient les tapis de prière et veillaient sur le brasier. Soudain, les musiciens vêtus de robes vertes commencèrent à jouer. Trois fois fut faite l’offrande des coupes, trois fois suivies des salutations rituelles. Les rouleaux de soie furent consumés, et les libations offertes. Les rites ainsi dûment accomplis, la musique cessa, toute l’assemblée se retira et fit cortège à l’Aïeule jusqu’à la salle de cérémonie du logis principal, pour la présentation des offrandes aux portraits des Ancêtres. »

A suivre,

Jean-Louis

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Aller ouste, Nicole au boulot. Tu vas arriver en retard si tu t'attardes trop sur le blog.
Jean-Louis

Anonyme a dit…

cherchant JI ZU dans 1 dico je suis tombée sur
机组 équipage d'avion et non
祭祖culte des ancêtres
c'est trop marrant car je m'en vais de ce pas prendre mon avion pour la Chine si chère aux fidèle de ce blog.
bon je me dépèche comme conseillé + haut