dimanche 19 juillet 2015

Surprise

                                                                         Li Po

Voici un poème de Li Po extrait de l’anthologie  Trésor de la poésie chinoise de Claude Roy.

S’éveillant de l’ivresse un matin de printemps
Puisque vivre en ce monde est le songe d’un songe
Ni souci, ni travail ne me le gâcheront.
Et du matin au soir je bois et je m’enivre
Endormi, allongé sur le pas de ma porte.

Lorsque je me réveille, il y a le jardin,
Un seul oiseau qui chante au milieu des fleurs
Je ne sais plus le jour, la saison, ni le temps.
Un loriot sans repos bavarde dans le vent.

Tant me touche son chant que je pousse un soupir.
Le vin est devant moi. Je m’en verse une coupe,
Puis j’attends en chantant que la lune se lève,
Et ma chanson finie je retourne à l’oubli.
Li Po

Ce  poème est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord car il contient les principaux thèmes de la poésie chinoise ensuite car sa « traduction » est proposée par Claude Roy qui ne savait pas le chinois.

Les thèmes du poème :
-       -      La vie est « le songe d’un songe ». Il s’agit bien évidemment d’une allusion au « songe du papillon » de Zhuangzi. Li Po en tire une conclusion optimiste. Si la vie est le songe d’un songe, il ne faut pas prendre les choses trop au sérieux.
-        -              le jardin, la lune et surtout :
-     -        le vin et l’ivresse « Pour le poète de jadis, le vin est aussi important que l’encre ou le pinceau. L’ivresse qu’il procure permet de s’accorder au cours naturel des choses (tao), d’entrer en communion avec les circonstances, d’être en phase avec les flux de l’instant éternellement présent » (In l’art de vivre du Tao, Albin Michel).

La « traduction » de Claude Roy
Claude Roy était un passionné de culture chinoise. Il a écrit un beau livre sur Su Dongpo dont j’ai souvent parlé Cet ami qui nous vient de l’an Mi. Ce fut aussi comme le dit Serge Koster « un pilleur d’épaves lointaines », c'est-à-dire de poésies chinoises réunies et traduites par lui dans Trésor de la poésie chinoise (1967)
Poésies traduites ou plutôt interprétées par Claude Roy car il ne savait pas le chinois. Peut-on interpréter une poésie chinoise sans connaître le chinois ? Ecoutons l’avis d’un sinologue : Jacques Dars dans les Carnets secrets de  Li Yu .  Je cite de mémoire « l’interprétation des poésies chinoises par Claude Roy est bien meilleure que celle de certains sinologues car si Claude Roy ne savait pas le chinois, il savait la poésie alors que les seconds connaissent le chinois mais ne savent pas la poésie ».

L’entreprise de Claude Roy pose le problème de la traduction et particulièrement de la traduction des poésies chinoises. Il me semble qu’il faudrait toujours proposer une traduction mot à mot (pour permettre au lecteur de se faire un avis) et une interprétation. Je ne sais pas si l’interprétation de Claude Roy s’éloigne du mot à mot du poème chinois, mais je rejoins l’avis de Jacques Dars : elle est très élégante.

Jean-Louis

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelle joie de découvrir cet article pour débuter une semaine dans les meilleures conditions
Nicole

bzh a dit…

Merci Jean-Louis pour ces explications toujours appréciées.Annie