Dans
le cadre du jumelage Marseille/Shanghai, les bibliothèques des deux villes ont
échangé un certain nombre d’ouvrages. Shanghai vient ainsi de donner à la
bibliothèque de l’Alcazar plus de 700 livres qui seront au terme de deux ans
récupérés et gérés par Chinafi. Pendant ces deux années auront lieu à la
bibliothèque mais aussi dans des lieux comme le jardin chinois du parc Borely,
un certain nombre d’évènements centrés sur la culture chinoise. Cette opération
se nomme : « Fenêtre sur Shanghai » et nous assistons ce soir à
son lancement marqué par l’inauguration du fonds de livres qui est désormais à
la disposition du public et par une conférence sur le cinéma chinois donnée par
Luisa Prudentino et intitulée : « Shanghai, ville cinéma : cent
ans de représentation à l’écran ».
Luisa
Prudentino a, d’une manière très claire, résumé les grandes étapes historiques
de Shanghai « ville cinéma » dans le cinéma mondial et chinois. Cette
histoire débute dès le début du XX° siècle par l’engouement des cinéastes
américains et du public pour cette ville. Le simple fait de mettre le nom de
Shanghai dans le titre d’un film était la garantie d’attirer un public à la
recherche d’exotisme. Réciproquement, les cinéastes de Shanghai se sont passionnés
pour le cinéma occidental et l’on a vu des répliques chinoises des grands types
américains. Il y a eu, par exemple, un Charlot chinois. Cet âge d’or du cinéma
shanghaien se poursuit pendant les années 30. A la fin de cette décennie, le
cinéma est marqué par la guerre civile et le conflit avec le Japon et se tourne
vers des thèmes patriotiques. A partir de 1949 Shanghai va connaître une
éclipse dans l’histoire du cinéma, le nouveau pouvoir souhaitant éradiquer le
cinéma urbain. Cette éclipse va se transformer en véritable traversée du désert
pendant la révolution culturelle avec la volonté de Jiang Qing de régler ses
comptes avec les cinéastes qui n’avaient pas voulu d’elle. Cette traversée du
désert verra un terme à la fin des années 80 avec le retour des cinéastes américains
à Shanghai et notamment de Spielberg avec son film L’Empire du Soleil. Ce renouveau se poursuit de nos jours et
Shanghai est en passe de supplanter Hong Kong dans le monde du cinéma.
Comme
toujours, Luisa Prudentino ne s’est pas contentée d’évoquer les aspects historiques.
Elle a également su nous faire percevoir les problématiques auxquelles a été confrontée
l’image de Shanghai dans le cinéma. Dès l’apparition du cinéma, Shanghai a été
pris entre l’imaginaire et un souci de réalisme d’une part et d’autre part
entre l’image d’une ville à la réputation sulfureuse et un désir de réhabiliter
cette image.
La
Chine est certainement le pays qui a le plus fait fantasmer les Occidentaux comme
le montre Jonathan D. Spence dans son livre La Chine imaginaire. Et de toutes
les villes chinoises, Shanghai est certainement celle qui a le plus alimenté l’imaginaire
des cinéastes et du public. Ainsi Shanghai express (1932) avec Marlène Dietrich
qui reposait bien plus sur l’imagination que sur une étude sur le terrain
puisque son réalisateur Josef von Sternberg n’est jamais allé en Chine. Imaginaire
qui peut être fait de crainte comme avec Terreur à Shanghai, tourné en plein
maccarthysme ou au contraire d’admiration voir, par exemple, Comment Yukong déplaça les montagnes. On découvre
une image plus réaliste de la ville avec notamment, La Rose sauvage de Sun Yu qui
montre le clivage des classes sociales, avec L’Aube décrivant l’enfer urbain
que pouvait représenter Shanghai pour les ouvriers, avec le film de Spielberg
dont nous parlions plus haut. Les films des années 2000 nous montrent Shanghai
comme la vitrine de la Chine engagée dans la modernité : Welcome to
Shanghai, L’Etre et le néant ….Pour Luisa Prudentino, on assiste maintenant à
une réconciliation entre mythe et réalité.
Par
ailleurs, l’image de Shanghai-ville cinéma a toujours été prise entre une
réputation de ville sulfureuse et un désir de racheter cette réputation. Il
faut ici parler des extraits de film très bien choisis qui jalonnaient l’exposé.
On connait le thème de l’ascension de la montagne, fréquent dans les peintures
de paysage, qui symbolise un désir d’élévation spirituelle, d’accession à la
pureté. Dans les années 34/39 marquées par la guerre civile et l’invasion
japonaise, ce thème a été transposé à l’écran. Presque tous les films de l’époque
avaient le même générique : la caméra balayait les grattes ciel de haut en bas comme pour nous inviter à une
ascension et à retrouver la dignité perdue de Shanghai. La conférencière nous
en a montré un exemple fort impressionnant. Dans le même ordre d’idées, je
crois que certains films chinois ont tenté une transposition de la poésie à l’écran.
Voilà un thème qui serait extrêmement passionnant à explorer. Mais avant la
conférencière a promis de nous parler de l’image de la femme dans le cinéma chinois,
image qui, il faut bien le reconnaître, a nourri notre imaginaire.
Voilà
un bref aperçu d’une excellente conférence. Un grand merci à Luisa
Prudentino pour cette intervention et à Françoise pour en avoir facilité l’organisation
matérielle. Un grand merci aux villes et aux bibliothèques de Shanghai et
Marseille pour nous ouvrir pendant deux ans une fenêtre sur Shanghai.
Jean-Louis
2 commentaires:
Merci pour ce compte rendu détaillé et fidèle. Je crois que tous les participants ont été conquis et que le projet d'une prochaine conférence sera soutenu. C'est un bon départ pour ces 2 ans qui devraient aider à une meilleure connaissance du monde chinois.
TOURNE TOURNE PETIT MOULIN
et à nous d'applaudir une excellente conférencière!!!
TAPE TAPE PETITES MAINS
Nicole nounou
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