Bouddha assis, dynastie Tang
Fillette Caduveo au visage peint
La
phrase d’Arthur Rimbaud : « Je est un autre » est bien connue. Personnellement,
je n’en ai compris toute la portée qu’en la retrouvant sous d’autres formes
dans des textes consacrés au bouddhisme ou à l’ethnologie.
Emmanuelle
Loyer vient de publier une biographie de Claude Lévi-Strauss qui a reçu le prix
Femina de l’essai. Ce livre se lit comme
un roman d’aventures, une aventure de l’esprit. Que peut-on apprendre en
suivant cette aventure ? Entre autres choses à réfléchir sur la notion de
décentrement. L’ethnologie suppose le décentrement par rapport à sa propre
société, il faut quitter le proche, le familier. Elle suppose également de la
part de l’ethnologue un décentrement par rapport à son propre moi. C’est en s’éprouvant comme étranger à soi
même, comme un « il » que l’ethnologue peut comprendre l’autre comme
un « je ».(Emmanuelle Loyer
P. 423). Une caractéristique de la personnalité de Claude Lévi-Strauss a certainement
favorisé sa vocation d’ethnologue. Il a souvent indiqué ne pas avoir le
sentiment de l’identité personnelle, du moi. Ainsi déclare t-il dans une interview :
Je n’arrive pas ou très difficilement à
me percevoir comme un individu, comme une personne, comme un moi, mais bien plutôt
comme un lieu où de façon transitoire se passent certaines choses.
Cette
disposition n’est pas sans rappeler le bouddhisme. Dans
son Histoire de la pensée chinoise
Anne Cheng écrit Notre plus grande
illusion – et c’est l’intuition centrale du bouddhisme – est la conviction que
nous avons de constituer chacun un « moi » permanent : là réside
l’obstacle majeur à l’atteinte de l’Absolu. Et l’on pourrait ajouter
concernant l’ethnologie : là réside l’obstacle majeur à la connaissance de
l’autre, là réside l’obstacle majeur à la sérénité.
Comment cette notion de décentrement peut conduire à la sérénité et justifier
ainsi le titre de cet article ? Il peut arriver que l’on soit en
délicatesse avec son propre moi. Si l’on parvient par un exercice de
décentrement à prendre du recul par rapport à soi, à se voir regardant, à se voir comme un autre,
à se connaitre soi-même comme objet, à se savoir objet, on parviendra par cette objectivation de la subjectivité à gagner en
lucidité et en sérénité (Voir Yves-Jean Harder, les cahiers de l’Herne). Et
peut-être aussi à gagner en humour : Heureux
ceux qui savent rire d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de s’amuser.
Jean-Louis
1 commentaire:
Ce rapprochement du bouddhisme et de l'ethnologie me semble ouvrir de très intéressantes perspectives
Enregistrer un commentaire