Voici
un poème de Li Po extrait de l’anthologie Trésor de la poésie chinoise de Claude Roy.
S’éveillant
de l’ivresse un matin de printemps
Puisque
vivre en ce monde est le songe d’un songe
Ni
souci, ni travail ne me le gâcheront.
Et
du matin au soir je bois et je m’enivre
Endormi,
allongé sur le pas de ma porte.
Lorsque
je me réveille, il y a le jardin,
Un
seul oiseau qui chante au milieu des fleurs
Je
ne sais plus le jour, la saison, ni le temps.
Un
loriot sans repos bavarde dans le vent.
Tant
me touche son chant que je pousse un soupir.
Le
vin est devant moi. Je m’en verse une coupe,
Puis
j’attends en chantant que la lune se lève,
Et
ma chanson finie je retourne à l’oubli.
Li
Po
Ce poème est intéressant à plus d’un titre. Tout
d’abord car il contient les principaux thèmes de la poésie chinoise ensuite car
sa « traduction » est proposée par Claude Roy qui ne savait pas le
chinois.
Les thèmes du
poème :
- - La vie est « le songe d’un
songe ». Il s’agit bien évidemment d’une allusion au « songe du
papillon » de Zhuangzi. Li Po en tire une conclusion optimiste. Si la vie
est le songe d’un songe, il ne faut pas prendre les choses trop au sérieux.
- - le jardin, la lune et surtout :
- - le vin et l’ivresse « Pour le poète de
jadis, le vin est aussi important que l’encre ou le pinceau. L’ivresse qu’il
procure permet de s’accorder au cours naturel des choses (tao), d’entrer en
communion avec les circonstances, d’être en phase avec les flux de l’instant
éternellement présent » (In l’art de vivre du Tao, Albin Michel).
La
« traduction » de Claude Roy
Claude
Roy était un passionné de culture chinoise. Il a écrit un beau livre sur Su
Dongpo dont j’ai souvent parlé Cet ami
qui nous vient de l’an Mi. Ce fut aussi comme le dit Serge Koster « un
pilleur d’épaves lointaines », c'est-à-dire de poésies chinoises réunies
et traduites par lui dans Trésor de la poésie chinoise (1967)
Poésies
traduites ou plutôt interprétées par Claude Roy car il ne savait pas le
chinois. Peut-on interpréter une poésie chinoise sans connaître le
chinois ? Ecoutons l’avis d’un sinologue : Jacques Dars dans les Carnets secrets de Li Yu . Je cite de mémoire « l’interprétation des
poésies chinoises par Claude Roy est bien meilleure que celle de certains
sinologues car si Claude Roy ne savait pas le chinois, il savait la poésie
alors que les seconds connaissent le chinois mais ne savent pas la
poésie ».
L’entreprise
de Claude Roy pose le problème de la traduction et particulièrement de la
traduction des poésies chinoises. Il me semble qu’il faudrait toujours proposer
une traduction mot à mot (pour permettre au lecteur de se faire un avis) et
une interprétation. Je ne sais pas si l’interprétation de Claude Roy s’éloigne
du mot à mot du poème chinois, mais je rejoins l’avis de Jacques Dars : elle est très
élégante.
Jean-Louis
2 commentaires:
Quelle joie de découvrir cet article pour débuter une semaine dans les meilleures conditions
Nicole
Merci Jean-Louis pour ces explications toujours appréciées.Annie
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