mardi 24 décembre 2013
mercredi 18 décembre 2013
dimanche 15 décembre 2013
mercredi 11 décembre 2013
Touch of Sin (天注定)
C’est la
sortie aujourd’hui du film de 贾樟柯 (Jia Zhangke) intitulé 天注定 (A touch of sin), un film sur le pourquoi de la violence en
Chine.
A voir en VO dans les bonnes
salles de cinéma comme au cinéma le Prado à Marseille par exemple ;-)
Cécile et Olivier
dimanche 1 décembre 2013
Confucius et les Papous ou les jeux et les rites
Les Papous de Nouvelle Guinée avaient-ils la même conception des rites que Confucius ? Il semble que oui, au moins dans une certaine mesure.
Les rites, les rituels ont fait l’objet de nombreuses études de spécialistes venant de domaines aussi divers que la sinologie, la psychologie (ou la psychiatrie) ou encore l’ethnologie. Quelles fonctions remplissent les rites qui les rendent si importants ? Ces fonctions sont-elles décrites de la même manière par les différents spécialistes que je viens d’évoquer ? Trouve-t-on, en tout cas, des points communs dans ces approches diverses qui expliquent le rôle central qu’ils tiennent dans les relations humaines ?
Béatrice L’Haridon, dans sa conférence sur Confucius, a signalé le rôle des rites pour canaliser la violence, leur fonction de régulation et de maintien d’un équilibre entre les humains. On en trouve un exemple dans les règles de politesse et de bienséance sur lesquelles insiste Confucius : « Les grands sages …ont formulé des règles de bienséance …pour aider (les hommes) à se distinguer des animaux par l’observation des rites ». (Liji, traité des Rites). Harmonie et élégance dans les relations humaines, beauté des cérémonies confèrent aux rites une dimension esthétique qui a conduit Confucius à associer les rites et la musique.
Approfondissant le rôle des rites, Anne Cheng, dans son Histoire de la pensée chinoise, précise que le rite « est ce qui fait l’humanité d’un groupe humain et de chaque homme dans ce groupe ». En effet, le constat des scientifiques contemporains est que la nature humaine n’existe pas. Notre « humanité » n’est pas un donné, elle se construit à travers notre éducation, notre socialisation, l’apprentissage des rites (Voir P. Picq, M. Serres, J.D Vincent, Qu’est ce que l’humain ? Editions Le Pommier, 2003, notamment p ; 9, voir aussi les travaux de Jean Itard sur Victor de l’Aveyron qui a inspiré L’enfant sauvage , le beau film de François Truffaut.) « Les sentiments les plus instinctifs (attirance, répulsion, souffrance, etc) ne deviennent proprement humains que lorsque les hommes leur donnent un certain sens, autrement dit les ritualisent ». C’est ce qu’ont observé les psychologues de l’enfance : « pour un petit enfant, un acte prend sens à partir du moment où il est ritualisé. »
Et les Papous dans tout ça, me direz-vous ? J’y viens.
Bien sûr, le contenu des rites observés par Confucius était certainement différent de celui des indigènes de Nouvelle Guinée, pourtant il est intéressant de constater que ceux-ci ont abordé le jeu du football, lorsqu'ils l'ont découvert, avec un esprit rituel qui n'est pas sans rappeler celui qui vient d'être décrit (canalisation de la violence, maintien d'un équilibre entre les membres du groupe).
Dans un entretien accordé à Jean José Marchand en juillet 1972, Claude Lévi-Strauss établit un parallèle entre les jeux et les rites. Les jeux et les rites ont ceci en commun qu’ils obéissent à des règles, à des codes que les participants doivent suivre scrupuleusement. En revanche, ils fonctionnent à l’inverse l’un de l’autre. Le jeu part d’un certain état d’équilibre. Les joueurs, au départ, sont supposés être à égalité et le jeu consistera à déterminer entre eux une inégalité, un déséquilibre de manière à ce qu’il y ait à l’arrivée un gagnant et un perdant. Ainsi, dans un jeu comme le football, on a même prévu des prolongations pour qu’un vainqueur puisse se dégager si ce n’est pas le cas au terme du temps réglementaire. Tandis que dans le rite c’est exactement le contraire. Il s'agit non pas de créer une inégalité, qui est d'une façon ou de l'autre un désordre, mais de créer, de rétablir, de maintenir un ordre, un équilibre dans les relations entre les participants. En ce sens, un rite se déroule comme un jeu mais dans l'autre sens. Pour illustrer son propos, Lévi-Strauss cite l’exemple de la modification des règles du football apportée par les tribus de l’intérieur de la Nouvelle Guinée. Ces population sont restées à l’écart de la civilisation occidentale jusqu’au milieu du XX° siècle. Lorsque les missionnaires sont entrés en contact avec elles, ils leur ont appris des jeux comme le football. Il a été très frappant de constater que les Papous se mettaient à jouer au football autant de parties qu'il était nécessaire pour qu'il n'y ait ni gagnant ni perdant, que chacun ait été à son tour gagnant ou perdant un certain nombre de fois. Ici les prolongations servaient à maintenir l’équilibre, l’harmonie dans les relations entre les membres de la tribu. Le jeu avait été transformé en rite.
Jean-Louis
Voici quelques pistes de documents écrits ou audio-visuels pour ceux qui voudraient approfondir les thèmes évoqués dans cet article.
- Le site des grands entretiens de l’INA
http://grands-entretiens.ina.fr/consulter/HorsSerie/Levistrauss/
On trouvera à cette adresse plus de 5 heures d’entretien entre Claude Lévi-Strauss et Jean José Marchand. C'est un grand plaisir de découvrir la personnalité de l’ethnologue et de le voir et l'entendre exposer les grands thèmes de son œuvre d’une manière très accessible. Il me semble qu’il est toujours très éclairant de lire en parallèle les écrits des sinologues et des ethnologues lorsque leurs recherches se croisent.
- L’Histoire de la Pensée chinoise d’Anne Cheng, particulièrement les pages 73-75 où est traité l’esprit rituel chez Confucius
- La plaquette : Comment devient-on universel ? paru chez l’Harmattan où Anne Cheng montre comment les intuitions de Confucius rejoignent le constat des scientifiques modernes sur l’inexistence d’une nature humaine
- Le site « fait religieux »
http://www.fait-religieux.com/beatrice-l-u2019haridon-l-u2019economie-est-a-la-charniere-du-perfectionnement-personnel-et-des-rapports-entre-humains-
On trouvera à cette adresse un entretien où Béatrice L’Haridon évoque la dimension économique dans la pensée de Confucius et où elle aborde également la question de l’esprit rituel.
- Le film L’enfant sauvage de François Truffaut et le livre éponyme de TC Boyle.
dimanche 24 novembre 2013
lundi 18 novembre 2013
Chanson du Yunnan
Lorsque nos amis de la chorale (promotion 2012-2013) sont rentrés en Chine nous nous sommes promis de rester en contact. Ils tiennent leur promesse et nous recevons de temps en temps de leurs nouvelles. Hier, Ludivine nous a transmis une magnifique chanson. Je pense qu'il était important de vous la faire partager car elle permet de découvrir par la même occasion une interprète exceptionnelle que, pour ma part, je ne connaissais pas : Gong Linna.
Ludivine ne reculant devant aucun effort nous a transmis les paroles et même les partitions pour nos talentueux musiciens.
Merci Ludivine,
Jean-Louis
"Bonjour,
Aujourd'hui je vous propose la chanson "Le ruisseau clair coule". c'est un chant floklorique du Yunnan interprétée par Gong Linna, Une excellente chanteuse chinoise qui combine la musique floklorique et la musique moderne .(Son mari Robert Zollitsch est Allemand.Il est aussi un musicien )
Je vous également envoie la partition de musique de cette chanson.Cordialement,
Ludivine
月亮出来亮汪汪 亮汪汪
yue liang chu lai liang wang wang, liang wang wang
想起我的阿哥在深山
xiang qi wo de a ge zai shen shan
哥像月亮天上走 天上走
ge xiang yue liang tian shang zou, tian shang zou
哥啊哥啊哥啊
ge a ge a ge a
山下小河淌水
shan xia xiao he tang shui
清悠悠
qing you you
月亮出来照半坡 照半坡
yue liang chu lai zhao ban po, zhao ban po
望见月亮想起我阿哥
wang jian yue liang xiang qi wo a ge
一阵清风吹上坡 吹上坡
yi zhen qing feng chui shang po, chui shang po
哥啊哥啊哥啊
ge a ge a ge a
你可听见阿妹
ni ke ting jian a mei
叫阿哥
jian a ge
Il marche au ciel comme la lune
La lune émerge, en éclairant la montagne.
Je pense à mon amoureux quand je regarde la lune.
Une légère brise passe.
Mon amoureux,mon amoureux,
Est-ce que tu m’entends ?
Je t ‘appelle dans mon cœur .
vendredi 15 novembre 2013
"Ailleurs, autrefois" versus "Ici, maintenant" ?
Françoise Héritier
écrit qu’à l’origine de sa vocation d’ethnologue il y a certainement une
préférence pour « l’ailleurs, autrefois » par rapport à « l’ici,
maintenant ».
L’étude de cet
« ailleurs, autrefois » qui peut sembler gratuit au premier abord ne
l’est pas s’il peut fournir des points
de comparaison, des ressemblances, des écarts, des repères, des interrogations,
un miroir permettant de mieux comprendre notre « ici, maintenant ». Pour comprendre, pour connaître ne faut-il pas des repères, des points de
comparaison ? La grandeur, la vitesse, par exemple, ne peuvent s’apprécier
que par rapport à une référence.
On se souvient que Joël
Bellassen, dans sa conférence, parlait de cet ailleurs, de ce dépaysement, de
cette distance offerts par la langue, l’écriture, la culture chinoises qui nous
permettent d’interroger ce qui nous semble évident dans notre culture.
Le dernier livre de Françoise Héritier s'intitule "Le goût des mots". Il m'a semblé intéressant de le lire en le mettant en relation avec quelques éléments de culture chinoise.Dès le titre, l'auteur introduit une correspondance entre les mots et les saveurs. Déjà Paul Claudel disait que les vers d'Aragon se sucent comme des bonbons. Comme le faisaient Rimbaud ou Baudelaire, Françoise Héritier montrent que ces correspondances peuvent s'étendre aux couleurs, aux sons, au toucher. Elles peuvent même concerner les valeurs morales et traduire la position d'une culture dans certains domaines.
L'ethnologue évoque, par
exemple, la notion de blanc associée dans notre culture à celle de pureté, de
virginité. Elle détaille une série d’associations liées à la notion de blancheur qui dénotent une certaine attitude
vis-à-vis de la sexualité :
-
propre versus sale
-
pur vs impur
-
limpide vs trouble
-
virginité vs exercice de la sexualité
-
transparent vs opaque. La vie d’une
jeune fille pure est transparente. Un diamant pur diffracte la lumière sans
ombre. Sinon il y a une impureté, un « crapaud » comme disent les
joaillers. Un crapaud est sale et gluant. C’est l’antonyme de la princesse et
du prince charmant de nos contes de fées.
Je me souviens, pour
avoir, participer à des noces de villages dans l’Isère combien ces notions d’impureté,
de « saleté » liées à la sexualité étaient présentes notamment à
travers des rites scatologiques.Or, on le sait, le blanc, en Chine, est la couleur du deuil. Il serait intéressant de savoir quelles associations d’idées conduisent à ce rapprochement, et d’une manière plus générale à quelles associations d’idées conduisent le fait de penser en chinois.
L’étudiante qui m’a transmis
les pictogrammes de l’article précédant m’écrivait, dans des termes très beaux, très poétiques une chose fort intéressante :
« la culture dongba est une sorte de nourriture ou de musique autour de
moi. Je la connais sans en avoir conscience.
Je vis dans une société naxi. Ne pensez vous pas que la culture est
quelque chose qui agit sur l’homme d’une manière invisible ? » On ne
saurait mieux décrire l’action d’une culture sur ses membres et la nécessité de
prendre du recul pour percevoir l’originalité de notions qui nous semblent naturelles et comme allant de soi parce qu'on les a assimilées avec l'air que l'on respire alors qu'elles sont le produit d'une éducation, d'une socialisation.
Plus loin, Françoise
Héritier évoque le goût des enfants, des poètes, son propre goût pour donner
créer un langage particulier, pour donner aux mots une acception différente de
celle communément admise. Cela suppose de savoir conserver aux mots une
certaine opacité, un certain secret à découvrir dans lesquels se glisse l’espace
du jeu que l’on peut avoir avec eux. « Trop de compréhension immédiate serait-il nuisible ? »
nous dit Françoise Héritier. Il semble que la langue chinoise refuse ce « trop
de compréhension immédiate » préférant conserver, comme nous l’a expliqué
Joël Bellassen, un certain flou : un caractère ne renvoyant pas à un sens
précis mais plutôt à une idée (voir compte rendu de la conférence).Nous lisons certainement tous les livres à travers nos propres références. Il me semble que quelques éléments de culture chinoise offre un prisme de lecture particulièrement riche. N’est- ce pas une bonne raison de s’y intéresser ?
Jean-Louis
Françoise Héritier est professeur honoraire au Collège de France où elle a succédé à Claude Lévi-Strauss.
lundi 4 novembre 2013
Ecriture dongba
"Amour" en écriture dongba
Livre dongba
Les Naxi forment l'une des minorités chinoises. Au nombre d’environ 300 000, ils vivent aux confins du Yunnan, du Sichuan et du Tibet. Ils ont développé une culture très riche souvent appelée culture dongba (du nom de leurs prêtres) qui comporte des aspects religieux, une tradition littéraire et musicale, une langue et ce qui est plus rare une écriture.
L’écriture dongba est une écriture pictographique, probablement la dernière existante dans le monde. Elle comporte environ 2000 caractères permettant de transcrire certains aspects de la langue naxi.
Quelques pictogrammes m’ont été transmis par une étudiante en ethnologie de l’université de Kunming. Je trouve particulièrement sympathique le caractère signifiant « amour » que j’ai voulu vous faire partager.
Il est intéressant de noter que les Naxi de la région de Yongning ont une société matriarcale et matrilinéaire.
Seul un petit nombre de personnes peuvent encore comprendre cette écriture. La sauvegarde de ce patrimoine rare et non reproductible de l’humanité est devenu une priorité car comme l’écrivait Claude Lévi-Strauss : « les cultures indigènes se désintègrent plus vite que les corps radioactifs, et la lune, Mars et Vénus seront toujours à la même distance de la terre quand ce miroir que d’autres civilisations nous tendent se sera tellement éloigné de nos yeux qu’aucun instrument, si complexe et coûteux soit-il, dont nous pourrions disposer, ne nous permettra plus d’inspecter ni même d’apercevoir cette image de nous-mêmes, pour un temps offerte à notre regard et qui nous aura fuis à jamais. »
Jean-Louis
Livre dongba
Les Naxi forment l'une des minorités chinoises. Au nombre d’environ 300 000, ils vivent aux confins du Yunnan, du Sichuan et du Tibet. Ils ont développé une culture très riche souvent appelée culture dongba (du nom de leurs prêtres) qui comporte des aspects religieux, une tradition littéraire et musicale, une langue et ce qui est plus rare une écriture.
L’écriture dongba est une écriture pictographique, probablement la dernière existante dans le monde. Elle comporte environ 2000 caractères permettant de transcrire certains aspects de la langue naxi.
Quelques pictogrammes m’ont été transmis par une étudiante en ethnologie de l’université de Kunming. Je trouve particulièrement sympathique le caractère signifiant « amour » que j’ai voulu vous faire partager.
Il est intéressant de noter que les Naxi de la région de Yongning ont une société matriarcale et matrilinéaire.
Seul un petit nombre de personnes peuvent encore comprendre cette écriture. La sauvegarde de ce patrimoine rare et non reproductible de l’humanité est devenu une priorité car comme l’écrivait Claude Lévi-Strauss : « les cultures indigènes se désintègrent plus vite que les corps radioactifs, et la lune, Mars et Vénus seront toujours à la même distance de la terre quand ce miroir que d’autres civilisations nous tendent se sera tellement éloigné de nos yeux qu’aucun instrument, si complexe et coûteux soit-il, dont nous pourrions disposer, ne nous permettra plus d’inspecter ni même d’apercevoir cette image de nous-mêmes, pour un temps offerte à notre regard et qui nous aura fuis à jamais. »
Jean-Louis
dimanche 20 octobre 2013
lundi 14 octobre 2013
une conférencière avertie,
Le jardin permet l'évasion, la sérénité, il est omniprésent .
C'est un paradis, symbole de l'immortalité.
Le jardin permet l'évasion, la sérénité, il est omniprésent .
C'est un paradis, symbole de l'immortalité.
Comment fabrique t'on un jardin ?
Il faut creuser une pièce d'eau, avec la terre récupérée on crée des îles montagnes;
l'eau représente le sang de l'être cosmique, quant aux montagnes elles représentent le squelette de ce même être cosmique. Il existe au Japon des jardins secs avec du gravier blanc qui représente l'eau.
Autre élément essentiel : les rochers (+ travaillés en Chine) qui transportent l'énergie vitale (force tellurique)
Les rochers sont des êtres vivants, des catalyseurs d'énergie.
Remarquons qu'on trouvera toujours une cabane à thé dans le jardin japonais.
Les arbres sont symboles d'immortalité.
L'homme est toujours relativisé dans les jardins.
lundi 7 octobre 2013
Les Jardins de sagesse en Chine et au Japon
Jardin japonais à Kyoto
5, rue Vincent Courdouan 13006 Marseille
à hauteur du 132 rue Paradis, métro Estrangin
parking : impasse Montevidéo, 129 rue Breteuil
04 91 50 00 00 www.leclere-mdv.com Entrée libre
Jardin chinois à .....?
conférence de
Yolaine Escande
présentation et signature de son ouvrage paru aux éditions du Seuil
LUNDI 14 OCTOBRE 2013 à 18h
Espaces de recueillement, de culture de soi autant que d’ouverture au monde, les jardins chinois et japonais
sont par excellence le lieu de la sagesse. De même que la sagesse est décrite comme un cheminement, le jardin, en un parcours à la fois physique, sensoriel et spirituel, guide l’homme vers un état de disponibilité intérieure et de non-attachement. Comme le montre l’iconographie inédite de ce livre, tous les éléments de l’esthétique des jardins chinois et japonais intègrent l’homme au sein du tout et le conduisent sur le chemin de la sagesse.
Yolaine Escande est sinologue, directrice de recherche au CNRS et présidente de la Société internationale de philosophie chinoise.
Présentation Jean-Noël Bret
Proposition AEPHAE association euroméditerranéenne
pour l’histoire de l’art et l’esthétique acc.marseille@free.fr
LECLERE
Maison de vente aux enchères5, rue Vincent Courdouan 13006 Marseille
à hauteur du 132 rue Paradis, métro Estrangin
parking : impasse Montevidéo, 129 rue Breteuil
04 91 50 00 00 www.leclere-mdv.com Entrée libre
samedi 5 octobre 2013
Si proche et si distante...
Joël Bellassen donnait hier soir, dans l’auditorium de la bibliothèque de l’Alcazar, une conférence présentant la langue et l’écriture chinoises : "Le chinois tel qu'il est, le chinois tel qu'il va".
Ce fut une conférence véritablement passionnante, par son sujet bien sûr et surtout par le talent du conférencier qui a su nous rendre proche la langue chinoise tout en en respectant la distance.
Rendre compte de cette conférence est donc un exercice difficile et qui serait vite présomptueux. Aussi, nous avons décidé (Françoise et Jean-louis) de le faire en commun en évoquant quelques points choisis subjectivement.
Pour ma part (Françoise), j'ai retenu cette 1ère diapositive nous montrant un Chinois traçant dans la rue des caractères avec un pinceau trempé dans l'eau, c'est une scène qui n'est pas rare en Chine et que l'on appelle une "calligraphie serpillère", il me semble que l'on a là une image très parlante : la calligraphie comme art à part entière mais aussi comme art de rue, le travail de l'énergie comme la pratique du Taijiquan, de la danse, du chant... dans les parcs et j'ajouterai la dimension d'impermanence de la réalisation.
barque = 舟 (zhou,1)
Voici maintenant une peinture nous donnant à voir la dimension esthétique d'un caractère chinois (désolée, je n'ai pas noté le nom du peintre)
Jean-Louis :
Cette conférence m’a touché car
elle rejoignait mes principaux centres d’intérêt : l’ethnologie, les
voyages, l’Histoire. Le vocabulaire employé par Joël Bellassen à propos de la
langue chinoise est le même que celui employé par l’ethnologue, le voyageur, l’historien :
dépaysement, distance. Pourquoi apprendre le chinois ? pourquoi
voyager ? pourquoi s’intéresser à l’ethnologie, à l’Histoire ? Pour apprendre des choses nouvelles,
découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles civilisations et au bout du compte
pour mieux comprendre sa propre culture, pour mieux se comprendre. C’est ce que
disait Fernand Braudel : « Face à l’actuel, le passé, lui aussi est
dépaysement…La surprise, le dépaysement, l’éloignement – ces grands moyens de
connaissance – ne sont pas moins nécessaires pour comprendre ce qui vous
entoure…une semaine à Londres pour un Français ne lui fera peut-être pas mieux
comprendre l’Angleterre, mais il ne verra plus la France de la même
manière » (Ecrits sur l’histoire).
Alors que devient le dépaysement,
la distance dans une période de mondialisation ? Joël Bellassen a laissé cette question ouverte...Il
faudra qu’il revienne ! Il est intéressant de noter que Claude
Lévi-Strauss s’est posé la même question notamment dans la conférence Race et culture.
La langue et l’écriture chinoises
offrent donc un dépaysement linguistique. Selon l’expression du conférencier, le
chinois est une langue distante. En quoi consiste ce dépaysement, cette
distance ? L’écriture chinoise est une écriture non alphabétique et non
phonétique. Un caractère chinois ne renvoie pas à un phonème mais à une unité
de sens. Joël Bellassen a précisé, et cela m’a paru particulièrement
intéressant, que le sens d’un caractère est le plus souvent flou. Plutôt qu’un
sens précis un caractère évoque une idée. Il demande à être précisé par un
contexte. Ainsi le caractère 日
évoque l’idée du soleil. Il peut signifier
« soleil » mais aussi, selon le contexte, il peut signifier
« jour ». Le caractère 月 peut
signifier « lune », mais
aussi « mois ».
Autre élément de dépaysement :
l’écriture chinoise est selon l’expression de Léon Vandermeersch une écriture
graphique que l’on peut rapprocher de la peinture. Pour illustrer cette
caractéristique Joël Bellassen nous a montré le caractère évoquant l’idée de
« barque » avec au dessous un beau tableau de facture impressionniste
où le caractère était devenu une barque. L’écriture chinoise revêt parfois un
caractère magique. Ainsi le caractère 福 peut
non seulement évoquer l’idée du bonheur mais peut constituer un talisman
apportant le bonheur. La langue chinoise ne se contente pas de nommer les
choses, dans une certaine mesure elle les fait exister.
L’écriture chinoise possède une
proximité avec la peinture. De la même manière on peut dire que la
langue chinoise possède une proximité avec la
musique. En effet, la langue chinoise est une langue tonale. Et certainement
une des plus grandes difficultés pour les apprenants du chinois c’est de
prononcer un caractère avec le bon ton surtout s’ils n’ont pas l’oreille
musicale. En réponse à une question d’Olivier, Joël Bellassen nous a raconté
une anecdote. Il enseignait le chinois dans le secondaire. Pendant son cours,
il voit une jeune fille regarder à travers la fenêtre. Loin d’être inattentive
cette élève écoutait la musique du
chinois comme elle écoutait la musique d’un violoncelle dont elle savait jouer.
Une autre particularité de la
langue chinoise c’est qu’elle est, dans une certaine mesure une langue sans
sujet. J’aurais bien voulu voir développer ce point surprenant au premier
abord. Joël Bellassen a souligné que la pensée était structurée par la langue. Cette
absence du sujet dans la langue a-t-elle freiné l’émergence du couple
sujet/objet sur lequel repose la démarche analytique ? Voir Anne Cheng Histoire de la pensée chinoise. De la
même manière la peinture lettrée chinoise suppose une fusion du peintre et de
son modèle (Voir Su Shi : le peintre doit intérioriser les bambous et les
paysages avant de les peindre). Elle n’a pas souhaité constituer le peintre en
sujet séparé de son modèle, comme l'ont fait, le plus souvent les artistes occidentaux.
Françoise :
Voici maintenant l'illustration de la dimension "magique" du caractère : ici, le caractère du bonheur que l'on offre et affiche pour que ce souhait de bonheur se réalise.
C'est l'écriture la plus transparente au niveau du sens, où l'étymologie apparait le plus clairement, d'où l'importance d'un apprentissage raisonné des caractères en fonction de leur fréquence et de leur potentiel combinatoire. Trouverez-vous le mot "psychologie"?
Quelques médiateurs chinois, à partir du règne de Louis XIV pour le premier.
Ce que nous pouvons dire pour terminer ce long et néanmoins très partiel compte rendu, c'est que nous sommes vraiment désolés que de nombreuses personnes n'aient pas pu rentrer faute de places : le lieu avait été proposé par la Bibliothèque
de Marseille dans le cadre du jumelage Marseille / Shanghaï et il est vrai qu'un tel succès était difficile à prévoir.
M. Bellassen, il faudra que vous
reveniez pour développer ces points ou d’autres, nous aurons une plus grande salle ! Encore un grand merci à vous. Nous attendons
avec impatience votre prochaine conférence.
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