jeudi 28 février 2008

Qi, 3ème partie


Qi, Le Souffle calligraphié en cursive

Dans une interview donnée à Tokyo il y a dix ans, François Jullien fournit quelques définitions qui me semblent très intéressantes. Je voudrais vous les faire partager parce qu’elles invitent à la réflexion et permettent de préciser certaines notions de la pensée chinoise que nous avons abordées dans des messages précédents mais aussi par effet miroir de mieux comprendre certaines conceptions qui ont fondées notre civilisation.

Attardons nous, aujourd’hui, sur la différence entre la notion de métaphysique qui occupe depuis Platon une place importante dans la philosophie occidentale et celle de souffle Qi, propre à la pensée chinoise.

Pour François Jullien, la Chine est passée à côté de la métaphysique, c’est-à-dire du dédoublement du monde. « La métaphysique dédouble le monde entre deux plans, deux ordres du réel : le sensible et l’intelligible, ou le sensible et le spirituel comme étant deux ordres incommensurables. »

Ce qui parait intéressant à François Jullien c’est qu’en Chine, par différence, il n’y a qu’un seul ordre de réalité à différents niveaux. « Cet ordre commun de réalité, c’est ce que l’on appelle le Qi : souffle énergie. Soit l’énergie, disons coagule, se rigidifie, se densifie, ça fait des choses ; soit elle s’anime, elle reste fluide, communicante, ça forme l’esprit. Vous n’avez pas cette sorte de clivage initial, radical, entre un monde de la chose, du concret, et puis un monde de l’esprit, du spirituel ou de l’intelligible. Il y a bien l’idée que le réel est à différents niveaux, et que l’un est plus précieux que l’autre, mais il y a transition du concret au spirituel. »

Bien sûr, cette distinction entre métaphysique et souffle Qi peut paraître bien abstraite.
Pourtant nous verrons, dans les prochains messages, qu’elle nous permet de mieux comprendre l’apparition de notions comme vérité, idéal, qui sont au cœur de notre pensée et qui fondent la distinction entre le Philosophe et le Sage, entre l’Intellectuel occidental et le Lettré chinois.

A suivre,
Jean-Louis

Shaolin Kung Fu

La fête de Nouvel An m'ayant donné l'occasion de présenter un aperçu du travail de l'Association Shaolin Kung Fu, je me permets de fournir un peu plus d'informations :
Nous fonctionnons en école d'arts martiaux et énergétiques, sous la coordination d'un enseignant principal : Max Turpin qui a été formé depuis son plus jeune âge à ces disciplines. Il assure - par une transmission traditionnelle - la formation continue des enseignants afin que leur pratique puisse évoluer et s'approfondir.
Nous sommes en tout 5 enseignants - répartis entre Aubagne et Marseille - pour le Kung Fu, le Tai Ji Quan et le Qi Gong (environ 500 pratiquants, toutes disciplines et âges confondus).
Pour ceux qui veulent plus de détails, ainsi que des photos, vidéos, etc. sur nos activités, nous avons un site : www.shaolin-kung-fu.asso.fr
J'essaierai de développer prochainement les notions autour de la transmission.
Merci encore pour l'accueil chaleureux prodigué à Cédric et Yohann et surtout à leur magnifique "Danse du Lion".
J'espère que ce n'est que le début d'un long et enrichissant partenariat.
Françoise

mercredi 27 février 2008

"Chemin faisant" de F. Jullien

4. Du droit au concept

Selon Jullien, un texte est philosophique dans la mesure où il est capable d'élaborer des questions d'une part et de produire des concepts d'autre part. Après avoir analysé la traduction en chinois de mots importants en philosophie : vie, nature, monde, matière, temps, Jullien dit qu'il ne faut pas en rester au niveau du «mot» mais utiliser le «concept» qui est à la fois l'outil et le produit de la philosophie. Sa vocation est d'unifier et clarifier sous une même «unité d'intellection» un «divers d'expériences». Par exemple Jullien précise qu'il a traduit le mot «势 shi» par plusieurs termes ou expressions comme potentiel de situation, position, tension, lignes de forces, tendance, cours des choses, mais que toutes ces traductions relèvent d'un même concept qu'il appelle «propension». De même pour «淡 dan» qu'il a traduit par clairsemé, épars, pâle, dilué, terne, subtil relevant selon lui du concept qu'il appelle «fadeur». De même encore pour le mot «道 dao».

Jullien répond à la critique de Billeter selon laquelle il ne donne pas d'éléments biographiques des auteurs chinois qu'il cite. La vocation de la philosophie, dit Jullien est bien d'abstraire l'intellectuel de l'individuel. Il relève d'autre part la contradiction qu'il y aurait entre s'abstraire des commentaires et en même temps donner un contexte biographique. Par ailleurs, se demande Jullien, pourquoi peut on se dispenser de le faire pour les auteurs occidentaux et pourquoi doit on le faire pour les auteurs chinois ? Billeter n'introduit il pas «par la bande» une altérité de principe ?

NOTRE FETE DE NOUVEL AN DANS "LA PROVENCE"

lundi 25 février 2008

"Chemin faisant" de F. Jullien

3. Entrer dans la langue ou l’exigence philologique

Jullien se définit donc à la fois comme sinologue et philosophe. Cela lui impose de lire les textes chinois à la fois «de près» et «de loin».

Le point de départ d’une étude sur la spécificité chinoise doit être la langue et à ce sujet il rappelle deux choses. La première est que, quand il parle de la pensée chinoise, c’est la pensée qui s’est exprimée en chinois en ne présupposant pas d’essence particulière. La seconde, c'est que la langue chinoise «prédispose» à la pensée chinoise. Ce qu'il pose comme principe de départ de son travail, c'est le suivant : penser c’est d’abord exploiter les ressources de la langue dans laquelle on pense. Par exemple «chose» en chinois se dit «东西dongxi» (mot à mot est-ouest) ce qui fait apparaître une polarité et non pas une substance.

Pour ne pas effacer ce rôle de la langue, Jullien respecte les consignes importantes suivantes.
Il élabore son questionnement à partir d’un corpus de textes linguistiquement cohérents et défini.
Ensuite, il passe toujours par les commentaires chinois dont le rôle, selon Jullien est moins d'apporter leurs points de vue propres sur le texte que de l'expliciter en le développant, car la langue classique chinoise rend l'expression de départ très concise. Passer par les commentaires permet non seulement de ne pas projeter trop allègrement son phantasme, mais aussi d'entrer dans les jeux et les tensions sémantiques du texte.
Par ailleurs, comme on ne peut entrer dans un texte chinois que lorsqu'on l'apprend par coeur, Jullien respecte cette consigne.
Enfin, on ne peut isoler un texte de tout son contexte, même si l'on se sent une grande proximité avec lui.

Dongxi


Dongxi, Chose

Plusieurs caractères nous ont permis de constater l’importance de la notion de relation dans la pensée chinoise.
Le caractère ren, par exemple, une des idées essentielles de Confucius, qui s’écrit avec la clef de l’homme et le signe deux et dont la graphie suggère que l’homme ne devient homme que dans sa relation à autrui.

François Jullien nous rappelle que pour dire en chinois, par exemple : « Qu’est ce que c’est que cette chose ?», shi shenme dongxi, on dit mot à mot : « Qu’est-ce que c’est que cet est-ouet ? ».

François Jullien continue : « Et ça, je trouve philosophiquement c’est fantastique. Puisque, pour nous, « chose », c’est un terme individualisant. « Chose », « cause » c’est un terme isolant. Alors que pour dire la même chose, si je puis dire, en chinois …vous dites « Qu’est-ce que c’est cet est-ouest ? ». Vous dites une relation. La pensée chinoise est une pensée essentiellement relationnelle. Pour dire paysage, on dit « montagne et eau », shanshui ou shanchuan…. »

« Un des aspects essentiels de la pensée chinoise classique, c’est la pensée par polarité. C’est très intéressant parce que notre pensée par rapport à cela paraît très isolante ou monopolisante. On a pensé l’être, on a pensé l’atome, on a pensé Dieu, donc des instances isolées, alors que la pensée chinoise, elle, pense par relations, c'est-à-dire par polarités : chaud et froid, haut et bas, ciel et terre, yin et yang, etc. Et donc toujours pas couplage. Qu’est ce qu’une polarité ? C’est quand on a à la fois des termes opposés et complémentaires, donc une interaction. Et c’est pour ça que la pensée chinoise pense en terme de processus. Processus par interaction entre deux pôles. »

A un travail d’abstraction qui va permettre l’émergence des concepts, les définitions précises, les contours précis et tranchés, la culture chinoise a préféré peindre les relations, les correspondances, les mutations et les transformations

Toutefois, en Occident également certains courants de pensée on mis l’accent sur la relation plus que sur l’analyse par concepts. Je pense par exemple au structuralisme. Dans « Regarder, écouter, lire », Lévi-Strauss prend l’exemple de la musique. Ce sont les relations, les écarts entre les notes qui créent la mélodie : « Les termes ne valent pas par eux-mêmes, seules importent les relations. »

L'importance de la relation, on peut la découvrir dans notre expérience personnelle. Parfois, à la fin d’un amour, on prend conscience que les qualités que l’on trouvaient dans la personne aimée ne sont en fait qu’une projection de nos sentiments. Ces qualités existent moins en elles-mêmes que dans l’alchimie de la relation amoureuse. Lorsque l’amour cesse, l’être aimé n’a pas changé. Pourtant, à nos yeux, les qualités qu’ont lui prêtaient ont disparues car elles ne tenaient que dans la relation amoureuse. C’est ce que fait dire Proust à Swann à la fin de son amour pour Odette : « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! »

A suivre,
Jean-Louis

Fête du 23 février suite


Nous avons également pu apprécié la très belle prestation de Jacqueline et Chantal, merci à toutes les 2

Nicole

dimanche 24 février 2008

Bonne Année du Rat



Vidéo : Danse classique chinoise



Vidéo : Weiyi : Calligraphie

Une belle fête


Bientôt beaucoup de photos et de vidéos de cette bien belle fête. Mais d'abord un grand merci à celles qui n'étaient pas sur le devant de la scène.
Jean-Louis

samedi 23 février 2008



jeudi 21 février 2008

Chuan Tong



Chuan tong, Tradition

On oppose souvent modernité et tradition.
On se doute que la pensée classique chinoise qui, aux termes qui s’excluent, préfère les opposés complémentaires n’a pas cette conception.
François Cheng nous dit à propos de Shitao : «L’antique tradition du Tao rejoint la pointe extrême de toute modernité. Si l’on veut bien admettre ce paradoxe, qui fonde peut-être l’art de Shitao : que la tradition authentique contient, elle-même, toutes les modernités possibles. »

Jean-François Billeter nous décrit la circularité de l’apprentissage du calligraphe. L’apprenti calligraphe commence par copier les maîtres, s’en imprègne pour éprouver ce qu’ils ont pu ressentir. Il s’en affranchit par la suite pour de livrer à la plus extrême hardiesse comme, par exemple avec la Huaisu, maître de la cursive folle. Mais le calligraphe, nous dit Sun Guoting, « lorsqu’il aura fait l’expérience de toutes les audaces, reviendra à l’équilibre et à la régularité…l’homme et son écriture auront vieilli de concert. » Ils auront atteint l’ultime noblesse. Et Billeter de poursuivre : « Beaucoup de calligraphes, comme beaucoup de peintres chinois ont donné tard le meilleur d’eux même, lorsque leur audace fut non point diminuée mais intériorisée et transfigurée. »

Au niveau de la pensée Anne Cheng précise que les idées, au lieu de se construire en concepts, se développent dans un grand jeu de renvois, de dialogues internes entre les générations qui ne sont autres que la tradition. La pensée chinoise « ne procède pas tant de manière linéaire ou dialectique qu’en spirale. Elle cerne son propos, non pas une fois pour toutes par un ensemble de définitions, mais en décrivant autour de lui des cercles de plus en plus serrés. Il n’y a pas là le signe d’une pensée indécise ou imprécise, mais bien plutôt d’une volonté d’approfondir un sens plutôt que de clarifier un concept ou un objet de pensée. Approfondir, c'est-à-dire laisser descendre toujours plus profond en soi, dans son existence, le sens d’une leçon (tirée de la fréquentation assidue des Classiques), d’un enseignement (prodigué par un maître), d’une expérience (du vécu personnel). »

Dans les conceptions exposées par les différents auteurs, je trouve intéressant cette notion de dialogues internes entre générations qui assurent un lien entre celles-ci et la réflexion menée sur le paradoxe de ces opposés complémentaires que sont tradition et modernité, réflexion que l’on pourrait étendre aux termes contrainte et liberté, vérité et erreur…

A suivre,
Jean-Louis

mercredi 20 février 2008

"Chemin faisant" de F. Jullien

2. Chemin chantier

La démarche de Jullien consiste donc, sans préjugés posés au départ, à regarder la philosophie occidentale à partir du « dehors » chinois. Cette démarche n’est pas seulement une démarche interne à la philosophie, elle impose de se déplacer en Chine. Jullien raconte alors toute son expérience de vie chinoise commencée à la fin des années 70 à Pékin, Shanghaï, Hong Kong, Tokyo, et se poursuivant encore de nos jours avec de nombreux voyages. Selon lui, il ne se définit pas seulement comme philosophe mais aussi comme sinologue.

Jullien répond alors à Pierre Ryckmans. Pour ce dernier, il y a altérité de la Chine comme il y a altérité des sexes, on doit l’aimer comme on aime l’autre sexe et Jullien « n'aime pas assez la Chine pour la connaître ».
Pour Jullien il ne faut pas aimer une chose par admiration béate, mais aimer la découverte de cette chose. La passion de la Chine reste stérile et l'érudition reste informe s’il n’y a pas un travail de questionnement. Sans ce questionnement, cette différence culturelle «hypostasiée» devient illusoire et fait tomber dans les inepties de la séduction exotique.

C'est donc par ces travaux de questionnement sur divers champs de la philosophie et d'incessants allers et retours entre la Grèce et la Chine, que Jullien a pu aborder de nombreux points. Ces divers points abordés ont fini par tisser un « filet » qui a pris forme et qui constitue son oeuvre. Ce filet problématique, qui comprend les concepts d’allusion (« La valeur allusive »), de stratégies d’obliquité (commentateurs classiques chinois), de potentiel de situation (les arts de la guerre), de transformation silencieuse et de régulation (Classique du changement) permet de mieux connaître la Chine, y compris celle d’aujourd’hui.

Mais, selon Jullien, la sinologie n’aime pas le questionnement. Si elle condescend à vulgariser, elle est réfractaire au théorique, et notamment à tout ce qui peut permettre de revenir sur notre propre «impensé».

mardi 19 février 2008

Développement sur le travail de F. Jullien et sur la Chine d'aujourd'hui.

Les analyses de Jullien sont souvent fines et d’un point de vue méthodologique il n’est pas l’idéologue fumeux tel que le présentent certains de ses plus vifs détracteurs. Jullien a une connaissance approfondie, bien plus que moi évidemment, des textes fondamentaux de la pensée chinoise. Mais cela ne m’enlève pas de l’idée que l’utilisation qu’il fait parfois et même souvent de certaines de ses analyses des principales notions de la pensée chinoise telle que celle de régulation, propension, Tao, peuvent prêter à confusion et à extrapolation. Tant qu’il s’agit de mettre en vis à vis des penseurs chinois et européens de l’antiquité ou même un peu plus proches de nous, sa méthode (cf l’excellent exposé de sa méthode écrit en réponse à ses détracteurs intitulé) fonctionne et même produit des analyses éclairantes. Ainsi je dirais même que lire Jullien peut être une façon de s’initier à la philosophie occidentale, car nombre de ses concepts fondamentaux y sont appréhendés sous un jour nouveau, qui les font approcher parfois de façon plus directe, justement parce qu’il y a ce détour par la pensée chinoise, laquelle par contraste permet de tracer de façon plus nette les contours d’une pensée qui aurait dû nous être plus proche — la notre — mais qui en réalité était souvent impensée dans ses fondements. Par exemple la question de l’être, si centrale dans la philosophie occidentale, n’a pas presque pas lieu d’être dans l’histoire de la philosophie chinoise. La Chine s’est attachée au contraire au procés — ou processus — des choses. L’ordre dynamique y est la question centrale et ce aussi bien d’un point de vue cosmique que des points de vue politique, sociaux, et même moraux et éthiques. Le bien est l’adaptation optimale à l’ordre dynamique des choses ce qui a fait dire à beaucoup que la pensée chinoise n’est pas finaliste mais purement adaptative. Pour agir ce n’est pas l’idéalité — de quelque projet à accomplir en temps et en heure selon un plan déterminé– qui est visée mais tout le parti que l’on peut prendre d’une situation et de son évolution entrevue, estimée. Le résultat final n’est plus alors celui d’une action planifiée, mais d’un processus où compte principalement la saisie des situations et l’influence. Relire ou lire l’Art de la guerre de Sun T”sseu, où le général victorieux est celui qui n’a pas eu besoin de faire la guerre pour vaincre l’ennemi. Le succès vient comme un fruit mûr, il vient quand son heure est arrivée, mais il ne se commande pas.

Et c’est ici que Jullien peut prêter à une utilisation idéologique de ses recherches, y compris par lui-même lorsqu’il commente l’actualité chinoise ou qu’il se fait, ou faisait conférencier ou conseiller, le cas échéant, pour grand groupe industriel. Jullien, de philosophe, devient acteur pour un public ciblé lequel a souvent une préoccupation : vendre, faire des affaires avec la Chine et ses capitalistes et autres bureaucrates capitalistes. Je précise l’activité principale de Jullien est tout de même de réfléchir, de faire de la sinologie et d’écrire des livres, il m’empêche qu’il prête sa voix, sa notoriété pour des entreprises parfois peu philosophiques. Mais c’est vrai, il y a une certaine vogue actuelle qui consiste à faire des “expériences de philosophie” Il se publie même des livres à ce sujet. La philosophie ne s’expérimente pas, elle se pense. Ensuite qu’avec cette pensée on agisse d’une façon ou d’une autre c’est en effet du domaine de l’expérience, mais il ne s’agit plus alors de philosophie ou de pensée à proprement parler. Mais d’utilisation de la philosophie ou de la pensée.

Certes, le stratège chinois n’est pas finaliste au sens de Jullien, ni l’artiste chinois, ni l’homme d’affaires aujourd’hui qui peut faire traîner en longueur la négociation d’un contrat ou bien revenir sur certaines clauses passées inaperçues ou floues pour reprendre l’initiative à son avantage. Mais, et ceci est crucial, si il n’y a pas de finalité qui soit attachée à une méthode planifiée il n’en reste pas moins que tout chinois, quel qu’il soit, philosophe, artiste, général, commerçant, industriel, politique, poursuit un but, des buts, et ceci est encore crucial pour le raisonnement, des buts parfois divergents, au point même qu’ils impliquent des luttes, d’ailleurs aussi bien au sein de leurs domaines respectifs, qu’entre les différents domaines précités. Ceci est valable d’ailleurs aussi bien pour l’antiquité chinoise que pour la Chine actuelle, laquelle n’est donc pas donnée toute d’un bloc, dont il s’agirait simplement de prendre les dimensions et de peser pour s’en faire une idée précise sur laquelle on puisse baser dans l’absolu une action. La Chine ce sont des centaines de millions d’êtres humains qui interagissent en de nombreux domaines, domaines qui eux-mêmes changent de définition et évoluent, voire se créent, comme l’Internet dont le développement en Chine a été très rapide. Ce qui, au passage, a valu a quelques chinois utilisateurs d’Internet et simplement désireux de relever et informer le public de quelques violations de la constitution chinoise, la prison !! Entre parenthèses, est-ce ainsi que l’on nourrit la Chine ? J’en doute fort. La Chine évitera le chaos social, surtout s’il advenait une crise économique mondiale, de plus en plus probable, en permettant un peu plus de transparence dans le fonctionnement de son système politique et en générant moins d’inégalités. L’argument pourrait d’ailleurs, s’appliquer à nous français et européens. Si la démocratie était plus représentative, moins guidée par les intérêts des puissants, nous nous éviterions beaucoup de déboires. La Chine maintient actuellement un niveau de croissance époustouflant, mais cela va-t-il durer encore longtemps ? Que se passera-t-il si subitement un frein est mis au développement basé sur l’exportation ? La réalité est que la situation chinoise actuelle est très dépendante du contexte mondial. L’inverse est aussi vrai d’ailleurs.

Aussi bien, dire que la Chine s’adapte au monde capitaliste et néo-libéral n’est pas dire : “La Chine s’adapte”, mais une certaine Chine, une part des chinois qui contraint la plus grande part de ses compatriotes, souvent en la privant des moyens de simplement penser, s’adapte. Ici, en France même, la logique des choses est la même. Sous couvert de “modernisation”, d’adaptation à la mondialisation, on nous fait passer un processus déclenché après certaines décisions politiques au niveau national, européen et international, pour un processus inexorable et nécessaire historiquement, comme s’il était dans la nature des choses que les choses se développassent ainsi ! En réalité, nous assistons à une dissolution du politique dans le tout économique. Or, en vulgarisant des concepts tels que celui de propension des choses, de régulation, comme le fait Chieng, mais aussi Jullien lui-même lorsqu’il omet ou fait passer au second plan la question des buts, pour des domaines particuliers et parfois antagoniques, ces auteurs contribuent à cet état de choses en avalisant l’idée que la saisie des linéaments de l’évolution du monde, de l’humanité, sont liés au monde économique que nous connaissons, ce monde pourtant tout récent au regard de l’histoire humaine, mais qui n’en a pas moins produit de nombreux dégâts.

En conclusion, j’ajouterai que le régime chinois actuel prône le retour aux valeurs confucéennes d’antan l’idéologie marxiste n’étant plus qu’un vernis écaillé en voie de disparition complète. Le problème c’est qu’il ne garde de ces valeurs confucéennes que ce qui le sert politiquement, pour se maintenir au pouvoir, ce qui favorise les inégalités par ailleurs. On y insiste donc beaucoup sur le respect de la hiérarchie, de toute hiérarchie, bref sur la loyauté 忠 , laquelle est bien utile pour se faire commander dans le monde de l’entreprise capitaliste où l’on développe le paternalisme, utile à une certaine productivité. Mais point trop d’insistance, sinon pas du tout, sur les valeurs éducatives, sur le nécessaire dialogue entre maître et disciple, sur la lente maturation et individualisation des parcours d’appropriation de la culture nécessaire à l”‘homme de bien” 君子 (lire Les entretiens de Confucius). De même, sont oubliées les leçons subversives du taoïsme, lequel d’ailleurs a souvent cohabité avec le confucianisme, et ce chez les mêmes personnes. La “Chine” d’aujourd’hui c’est donc l’association d’un confucianisme dévoyé, ou alors revu et corrigé par le régime, réducteur, et de l’utilitarisme, lequel représenta un courant de pensée sous l’antiquité chinoise et fut mis en pratique avec l’efficacité terrifiante que l’on sait par le Premier empereur chinois, exemple historique de totalitarisme accompli. Bref, comme je le disais dans mon précédent message, les notions philosophiques ne sont pas des atomes de pensée qui se transmettent de générations en générations. Leur destin réel est toujours congruent à une évolution historique. C’est pourquoi Confucius, dans le texte, appartient aussi bien aux chinois, qu’à nous, français, européens, qui le lisons aujourd’hui en traduction ou pas. De même, Rousseau, appartient aussi bien aux chinois lorsqu’ils veulent se référer aux droits de l’homme par exemple. Evidemment la pensée de Confucius n’a pas les mêmes effets ni ne suscite — nécessairement — les mêmes débats d’idées ici et là-bas. Mais qu’importe, ce qui compte c’est que les oeuvres vivent, et qu’elles ont toujours quelque chose à dire du monde où nous vivons, aujourd’hui. Il en est de même des valeurs et des concepts. Ils ont tous une vie, souvent semblables, mais en réalité toujours singulières, car ce sont des êtres humains subjectifs et insubstituables qui se les approprient hic et nunc.

Pierre-Yves DAMBRINE

lundi 18 février 2008

tao ye



Tao ye : Perfectionnement

Il n’est pas un ouvrage traitant des arts chinois (calligraphie, poésie, peinture, musique) qui n’insistent sur le fait qu’ils sont « une méthode de perfectionnement de soi tout autant qu’un moyen d’expression. » Billeter.
Ainsi l’art pictural chinois, nous dit François Cheng, est « une école de vie, un exercice de réalisation intime…il s’agit comme toujours d’aider l’âme à monter. »
Ce désir de perfectionnement est souvent représenté par l’image du sage qui gravit la montagne ou par la contemplation des lointains qui nous font prendre conscience que « le monde et l’homme adviennent l’un par l’autre. »
Yolaine Escande précise : « l’essentiel n’est pas le but mais le parcours, le cheminement ; c’est pourquoi les lointains ou les distances à parcourir occupent une pace si importante dans la théorie et la composition picturale. »
« Aller me suffit » écrivait René Char. Aller au bout de soi, donner tout ce que l’on a en soi malgré les difficultés et les embûches du chemin. C’est ce que nous dit le très beau poème de Li Shangyin :
« …La bougie ne tarit ses pleurs
que brûlée et réduite en cendres.
Dans le miroir du matin pâlissent
Les nuages de la chevelure.
Au chant de la nuit répond l’écho
Fraîchi sous la clarté lunaire.
D’ici jusqu’au mont Peng
La route n’est pas si longue.
Diligent Oiseau vert,
Veille sur nos traversées ! »

Gravir la montagne pour accéder au lointain, « désir d’abolir les horizons, d’accéder coûte que coûte au lointain comme Schumann en musique…Peinture et musique à cette altitude ne se peuvent plus distinguer l’une de l’autre… »

A suivre,
Jean-Louis

Shitao L'instant de partir, gravir la montagne


Shitao Dernière randonnée, observer les lointains


Robert Schumann : concerto pour piano écrit pour sa femme Clara

dimanche 17 février 2008

"Chemin faisant" de F.Jullien

1. D’une façon de s’orienter dans la pensée

Pour répondre à cette question de l'orientation dans la pensée, Jullien commence par remarquer que pour ne pas s’enfermer dans des impasses philosophiques, se redonner de l’initiative et trouver un chemin personnel, il est nécessaire de dégager des espaces de pensée. Or ce sont les confrontations qui permettent de libérer des espaces. Pour faire avancer la pensée et ne pas rester tributaire d’un débat intra occidental, il choisit de prendre du recul et de trouver un espace en dehors de la philosophie elle-même. Jeune philosophe en début de carrière, il va chercher ce «dehors» dans l’orientalisme. Il choisit la Chine pour des raisons d’extériorité : extériorité du langage, extériorité de l’histoire.

Au début de son travail, Jullien constate donc l’extériorité de la Chine, mais ne préjuge pas d’une altérité qui si elle existe, reste à construire.

Jullien ne prend donc pas position au départ : ni « altérité » ni «fonds commun». Par ailleurs, il n’envisage pas son travail comme un long voyage en Chine, suivi ensuite d’un retour après lequel il pourra tirer des conclusions. C’est plutôt en route, «chemin faisant» et après d’incessants allers-retours qu’il verra petit à petit ce qu’il en est de la communauté ou de la différence de pensée. Chaque retour permettra de s’interroger sur les partis pris de la raison européenne à partir du dehors chinois. Ainsi quand il prend position, ce n’est qu’après un travail d’analyse et non pas suite à un principe posé au départ.

Niolon Rando du 9 Mars 2008



C'est une rando assez sportive car le terrain est accidentée mais cela confère à notre ballade un caractère authentique car dans un cadre resté assez sauvage.
Le dénivelé est faible mais déconseillé aux personnes qui ont le vertige.


Alors rendez vous dimanche 9 mars.
1er tour des élections municipales, alors RV à 10 heures à La Rose ou à 11 heures au parking à l'entrée de Niolon avant la barrière et juste avant le panneau "NIOLON commune du Rove (il s'agit du 1er parking et non de celui situé après la gare)

Dans un 1er temps visite de Niolon puis on longera la mer, c'est superbe !!!!

Nicole

jeudi 14 février 2008

En attendant notre grande fête du 23 ...




Quelques photos de la journée du 9
Bonne nouvelle pour notre sortie du 6 avril à la vallée de St Pons, le conseil général m'a répondu affirmativement pour la visite de l'Abbaye
Et d'avance je les en remercie
Nicole

mercredi 13 février 2008

En passant par Taiwan et HongKong

Voici quelques images rapportées de l'autre bout du monde.
Il y a vraiment beaucoup de paysages à découvrir dans cette si petite ile, du bleu turquoise de la mer à Kenting (que je n'ai malheureusement pas eu le temps d'aller visiter) à la capitale moderne et vivante en passant par la chaine de montagne qui sépare l'ile en deux parties. Je ne m'attendais pas à autant de diversité.

J'ai trouvé l'acceuil à Taiwan chaleureux, les regards qui se posent sur nous (étrangers) dans la rue sont à la fois étonnés et chaleureux. Bizarrement je me suis senti moins "observé" qu'à Nanjing. On semble lire dans le regard : "Mais que fais tu dans un si petit endroit toi qui vient de loin ? quoiqu'il en soit je suis flatté que tu prennes un peu de temps pour découvrir ma ville ou ma région". Quelques mots en chinois vous propulsent au rang de star :)

La cuisine est délicieuse. J'ai l'impression que tout ce que j'ai gouté, je l'ai adoré...il reste encore tant de plats à découvrir ! Vous trouverez sur mon blog un grand nombre de photos au restaurant ou de petits plats achetés dans les marchés de nuit : un régal, on aurait envie de tout essayer.

Hong Kong est impressionnante par son rythme. A n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit, les rues sont bondées. On comprend peut être pourquoi les Honkonguais parlent si fort...il faut couvrir le bruit de la rue. En prenant le taxi, vous aurez l'impression de vous retrouver dans un film hongkonguais de mafia. Dès que j'entendais quelqu'un parler en cantonais, je m'attendais à voir Jacky Chan débarquer ou bien la police anti gang :)
Les gens vous aident beaucoup dans la rue quand ils voient que êtes perdu. Il suffit d'ouvrir sa carte et quelqu'un vient vous mettre sur le bon chemin ou vous aide à trouver la meilleure ligne de bus pour vous rendre à l'endroit désiré.
L'anglais est indispensable, le mandarin pratiquement d'aucune aide...le cantonais, si vous pouvez ! mais pour moi c'est impossible, ça me donne envie de rire (j'ai trop regardé de films débiles en cantonais).

Voici donc quelques photos


Plus de photos sont disponibles sur notre blog à cette adresse :
http://2voyageurs1sac.blogspot.com

Xiao Zhu (ou JM)

mardi 12 février 2008

Yu zhuo




Yu Zhuo, Cosmologie

Dans son article consacré au Tai Ji Quan Françoise nous montrait comment l’on retrouve dans les arts martiaux l’application des principes de la pensée chinoise. Elle nous indiquait également la similitude entre la calligraphie et le Tai Ji Quan qui « est lui-même une calligraphie tracée dans l’espace par notre corps dans un jeu de courbes et de lignes, dans une alternance yin / yang ».
De la même manière, François Cheng nous montre qu’avant de rechercher le Beau, les peintres chinois visent au perfectionnement de la personnalité, ce qui fait dire à Simon Leys que l’esthétique est une éthique. La peinture rejoint la morale. Lorsque nous entendons nos amis chinois parler de cuisine, la première qualité d’un plat à laquelle ils font référence n’est pas sa saveur mais le fait qu’il soit bon pour la santé. La cuisine rejoint la médecine.
Shitao et le moine Citrouille-amère nous ont montré comment l'unique trait du pinceau reliait la calligraphie et la peinture. billeter nous a démontré la proximité de la danse et de la calligraphie. Su Dongpo était peintre, poète, "philosophe" ...mais aussi cuisinier. Le lettré fonctionnaire, peintre, poéte, calligraphe, homme d'Etat était une figure emblématique de la Chine ancienne.

Dans le numéro spécial du Point déjà cité Simon Leys nous explique : « Dans la culture chinoise traditionnelle, tout se tient, chaque discipline spécialisée peut apporter des lumières sur chaque autre, si éloignée que puisse paraître leur objectif traditionnel : philosophie, médecine art de la guerre, urbanisme, philologie, musique, gymnastique, art des jardins, poésie, que sais je ? Ce qui forme la trame commune de ces entreprises disparates, c’est qu’elles participent toutes à une même vision du monde du monde. Une seule et même cosmologie sous tend toutes les démarches de l’esprit chinois. »

Cette vision du monde repose sur les trois entités : Ciel, Terre et Homme. Le Ciel couvre, la Terre porte, l’homme favorise leur interaction réciproque. « Dans toutes ses manifestations, la culture chinoise cherche avant tout à atteindre l’harmonie… »

Ne peut-on pas dire que cette notion d’harmonie tient, dans la culture chinoise, la place centrale qu’occupent chez nous la notion laïque de liberté ou la notion religieuse d’Amour ?
Mais Jean-François Billeter et Olivier nous invitent à pousser plus loin la réflexion. Cette notion d’harmonie peut être ambivalente dans la mesure où le Pouvoir peut s’en servir pour asseoir son emprise en se déclarant garant de l’harmonie.
Merci à toutes les personnes citées pour ces invitations à la réflexion et à toujours savoir conserver le sens critique.

A suivre,
Jean-Louis

lundi 11 février 2008

Ne zai



Ne zai : immanence

Pour tenter de répondre à une interrogation de Nicole faisant suite à un article d’Olivier, voici un petit développement sur l’immanence.
Le petit Larousse en donne la définition suivante : « dont l’être s’identifie à un autre être ». Ainsi dans la philosophie de Spinoza, Dieu est immanent au monde.

Cette définition fait, bien sûr, écho à un article précédant traitant de l’identification du peintre chinois avec la chose représentée, alors que le regard du peintre occidental saisit le monde de l’extérieur, le transcende.
Très schématiquement le couple immanence / transcendance recouvre le couple intérieur / extérieur.
Dans la peinture chinoise, il y a recherche d’une fusion entre l’artiste et la chose représentée, le peintre voulant saisir l’essence des choses de l’intérieur. La peinture occidentale repose sur une distance entre le peintre sujet et l’objet représenté, entre le sujet et l’objet. Dans la première il y a fusion entre le Sujet et l’Objet. A l’inverse nous dit J-F Billeter, « jusque dans un passé récent, les peintres occidentaux ont tout fait pour objectiver l’espace, c'est-à-dire pour le représenter comme détaché de nous, existant en soi ». Cette conception favorise l’apparition du couple Sujet/Objet.
On comprend mieux, dès lors, que la peinture chinoise n’ait pas eu la même notion de la perspective que la peinture occidentale. Anne Cheng : « Il en est de la pensée en Chine comme de la peinture de paysage : les Chinois n’ont jamais éprouvé le besoin de reconstituer la vision en perspective qui suppose un point de vue idéal. Ils lui ont toujours préféré une « perspective cavalière où l’œil qui regarde fait partie du paysage (lui est immanent) et évolue avec lui. »
Yolaine Escande nous signale que « l’étude du monde en tant qu’objet n’a pas intéressé les Chinois, puisque leur but est de parvenir à vivre en harmonie avec le monde et d’abolir toute distance entre l’humain et le cosmos pour que le dernier ressource perpétuellement le premier. »
Anne Cheng qualifie la pensée chinoise de pensée de plain-pied « qui peut se figurer qu’elle s’inscrit dans le réel au lieu de s’y superposer. » Elle tire cette caractéristique de la spécificité de son écriture où chaque caractère « constitue une entité porteuse de sens et se perçoit comme une chose parmi les choses …Cette proximité ou fusion avec les choses relève sans doute elle-même de la représentation, mais elle n’en détermine pas moins une forme de pensée qui, au lieu d’élaborer des objets dans la distance critique, tend au contraire à rester immergée dans le réel pour mieux en ressentir et en préserver l’harmonie …La démarche analytique commence par une mise à distance critique, constitutive aussi bien du sujet que de l’objet. La pensée chinoise, elle, apparaît totalement immergée dans la réalité : il n’y a pas de raison hors du monde. »

Les articles d’Olivier nous amènent à nous interroger et pourraient fournir matière à de nombreux développements ultérieurs sur la cosmologie, la recherche du perfectionnement pour vivre en harmonie avec le monde, mais aussi sur la distance critique, l’esprit critique que nous devons conserver pour faire la part entre ce qui relève de la récupération politique et ce qui peut nous enrichir.

A suivre…
Jean-Louis


"
"Au dessus du fleuve" de Chu Ta.
François Cheng commente :"La perpective, comme toujours en Chine, est celle du point de vue "cavalier" ... aucune distance entre l'oeil invité à fureter à loisir dans chaque coin et recoin, et la réalité proposée à son admiration..."

dimanche 10 février 2008

NOUVEL AN CHINOIS A MARSEILLE



CHINAFI a participé au premier défilé des associations chinoises de Marseille.

jeudi 7 février 2008

La question de l'altérité chinoise.

Avec ce dernier chapitre se termine le résumé de l’ouvrage de Billeter « Contre François Jullien ».
La prochaine série de message fera le résumé de la réponse de François Jullien à son contradicteur.

Olivier

Contre François Jullien de J.F. Billeter

4. Il faut choisir

Billeter relève que les sinologues qui traduisent des textes philosophiques posent à priori que la pensée chinoise est différente de la nôtre. Il pense que l’on peut faire d’autres choix. Et qu’il faut poser d’emblée l’unité foncière de l’expérience humaine et de chercher à partir de là le texte qu’on a sous les yeux. Il faut davantage s’attacher à traduire la phrase plutôt que les mots.
Il en va de la même façon pour notre rapport à la Chine. Il faut poser d’emblée l’unité foncière de l’expérience humaine et chercher à comprendre à partir de là, la réalité chinoise. On pourra mettre en évidence ce qu’elle a de commun et ce qu’elle a de différent avec la nôtre. Si l’on pose à priori la différence, on perd de vue le fond commun alors que quand on part du fond commun, les différences apparaissent d’elle mêmes.

Si effectivement, Européens et Chinois ont vécu dans des mondes séparés dans le passé, ce n’est plus vrai aujourd’hui. Les Chinois doivent maintenant dominer leur passé au lieu de se laisser dominer par lui. Européens et Chinois, en tant que personnes, doivent affirmer leurs droits de juger le passé comme ils jugent le présent.

Pour Billeter, il n’y a rien au dessus de deux personnes qui s’entendent par l’usage de la parole et de la raison. Par exemple Billeter se sent une grande proximité avec Zhuangzi car il l’a relu d’un regard neuf en écartant les commentaires de l’époque impériale. Pour Billeter, la « civilisation chinoise » est intimement liée au despotisme impérial et a été conçue pour empêcher l’émergence de la personne. Cette civilisation ne doit pas être niée, mais reconnue pour ce qu’elle fut. Elle est maintenant appelée à être transformée et dépassée par l’affirmation de la personne et des droits politiques.

Billeter pense que l’important travail de reconstruction de la pensée chinoise de Mou Zongsan restera stérile car il est centré sur la notion de sagesse qui est tributaire de l’idéologie impériale. En effet les actes des sages sont d’une part le fait d’une réalité qui les dépasse et ils n’émanent pas de leur personne. La pensée de Mou Zongsan révèle une faiblesse majeure du confucianisme, celle qui prescrit à l’homme ce qu’il doit être mais ne lui dit rien sur ce qu’il est, sur sa faiblesse, sur le mal.
Billeter termine son pamphlet en disant que ces jugements sur le passé et de présent dont il a été question ci-dessus doivent exprimer à la fois ce que quelqu’un voit et ce que quelqu’un veut.

Dans le complément sur le Huainanzi de la fin du livre Billeter écrit ce paragraphe :
« Les sinologues devraient combattre ce mythe de la Chine « autre » parce qu’il est en lui-même une régression intellectuelle et parce qu’il menace les études chinoises. L’étude du passé chinois est en train de tomber en déshérence dans nos meilleures institutions parce qu’elle apparaît de plus en plus comme une occupation dénuée de sens pour les étudiants. Pour renverser cette tendance, il faut que les sinologues cessent de faire de l’étude de la Chine une fin en soi. Au lieu de justifier l’intérêt d’un ouvrage par le seul fait qu’il est chinois, ils doivent le présenter comme un élément important de l’histoire humaine, saisie dans son unité. Pour cela ils doivent renouveler leur façon de traduire ces œuvres»

Francoise a Taiwan

Bonjour de Taiwan avec mon premier essai de publications de photos
Et avec un minuscule Asus tt en chinois !


Annee du rat










Entree d'un college











Hotel des impots










Theiers dams la brume










Decos de nouvel an : branches de saule













Port de Sua O














Xin nian kuai le et a bientot.
Francoise

mercredi 6 février 2008

Contre François Jullien de J.F. Billeter

3. L’immanence

Selon la théorie de F.Jullien, les deux maîtres mots qui caractérisent les pensées chinoise et occidentale sont l’immanence et la transcendance. Billeter pense qu’il n’est pas faux de dire que la pensée chinoise est une pensée de l’immanence, mais il reproche à F. Jullien de ne pas avoir dit que cette pensée de l’immanence, le confucianisme, est congénitalement liée à l’ordre impérial dans lequel la question des « fins » ne peut être posée et dans lequel l’intelligence ne peut s’appliquer qu’aux « moyens » de s’adapter à ce qui est. Des sources montrent que cela a été fait de manière délibérée et c’est dans ce cadre d’une justification dissimulée de l’exercice du pouvoir que s’est développée la pensée chinoise. Les penseurs dont F. Jullien s’est inspiré sont des penseurs non critiques qui ne connaissent de moralité que soumise au système.

Les conséquences de cette absence de critique en sont les affinités de F.Jullien avec les hommes d’affaire (théorie de l’efficacité) qui voient une parenté entre la pensée chinoise de l’adaptation incessante aux situations et leur pratique.
Billeter relève toutefois une interrogation de F. Jullien qu’il juge intéressante, celle où il se pose la question : « La Chine a pensé le pouvoir (ou la morale) mais pas le droit, elle a pensé la machine à obéissance mais pas la transcendance de la loi et de la justice. Elle ne pourra pas toujours se tenir à l’écart de la pensée de la finalité ». En fait ce ne sont pas, comme le dit Jullien la Chine et l’Europe qui s’opposent mais le pouvoir impérial et le principe démocratique.

F. Jullien prétend que la Chine est indifférente à la psychanalyse. En fait la Chine connaît encore peu la psychanalyse car elle s’oppose de front à la piété filiale, vertu que le pouvoir a inculqué à ses sujets afin d’ancrer en eux la soumission à l’autorité.
F. Jullien est insensible à ce que la société chinoise a caché dans le passé. Il ne parle que de « la pensée lettrée » mais pas des lettrés en eux mêmes et de ce qu’ils vivaient. Pourtant l’historien Si Ma Jian ou les écrits de Li Zhi nous apprennent que les lettrés « parlaient beaucoup et agissaient peu », et que leurs discours de « sage prudence » ou de « préservation de soi » leur évitait d’avoir des ennuis. On sait aussi grâce à Li Zhi les terribles contraintes qu’ils subissaient.

F. Jullien fonde sur le seul héritage grec toutes les oppositions entre les deux pensées. Or il y a eu en Europe des monarchies, des tyrannies, des dictatures, des totalitarismes, tantôt justifiées, tantôt critiquées et qui ont joué un rôle notable dans l’histoire. En Europe, ce sont les aristocrates et les religieux, du fait de leur autonomie, qui se sont fait moralistes, ont démonté les rouages du pouvoir et mis à nu les passions qui en forment le ressort. Le progrès qu’ils ont fait faire à la connaissance du cœur humain n’a pas eu d’équivalent en Chine.

Pour Billeter, F. Jullien est embarrassé sur le problème de la démocratie en Chine car les chinois devraient pour cela convertir leur pensée de l’immanence en pensée de la transcendance, ce qui lui parait improbable, voire impossible. Billeter reproche à Jullien de ne pas avoir fait de rapprochements avec l’histoire de la démocratie en Europe. Tout comme il a fallu du temps pour qu’elle s’impose en Europe (et sans doute en faut il encore !) il semble que ce processus long de démocratisation soit en cours en Chine.

mardi 5 février 2008

Et la pluie pour le lendemain...


Pour notre chère Anne de Bouc Bel Air, du Garlaban et du Monde qui va bientôt prendre sa retraite...
Cette petite vidéo donne une idée de l'ambiance qui régnait lors de notre escalade du Garlaban.
Les paroles sont de Nicole et JinPing sur un air connu...
Jean-Louis

GWENAELLE A LA UNE


Quelle bonne surprise teintée de fierté à la lecture du "METRO" d'hier !
On retrouvera notre chère Gwenaëlle lors de notre sortie prévue le 9 mars prochain sans doute à Niolon.
Comme d'hab je prépare la "rando" et je vous communique ensuite les détails pratiques.
Nous avons choisi cette date malgrè les élections, néanmoins l'horaire de départ permettra à ceux qui le désirent d'aller voter et à d'autre de faire la grasse matinée...
à bientôt et encore bravo à Gwenaëlle

Xiong You Cheng Zhu






Xiong you cheng zhu : identification

Lorsque j’ai demandé à Weiyi de me faire une calligraphie pour le mot « identification » elle m’a proposé l’expression « xiong you cheng zhu » : « avoir un bambou dans son cœur. »
J’ai immédiatement pensé aux vers de Shu Shi :
« Lorsque Yuke peignait un bambou…
Comme possédé, il délaissait son propre corps.
Celui-ci se transformait, devenait bambou. »
François Cheng nous explique que pour les peintres chinois « il s’agit d’aborder le sujet de l’intérieur – de devenir arbre, si l’on préfère. Ce qu’avait parfaitement compris Matisse qui aimait à répéter : « comme disent les Chinois qui veut dessiner un arbre doit savoir grandir avec lui. ».

Jean-François Billeter complète : « cette préoccupation contraste de manière frappante avec celle des peintres occidentaux de la Renaissance et des siècles suivants, qui ont au contraire fait porter tout leur effort sur la représentation du corps tel qu’on le voit de l’extérieur … ».
Stéphane Feuillas nous précise dans le numéro spécial du Point déjà cité que cette identification ne peut de faire qu’en s’abolissant comme individu et dans un oubli de soi.

Ces lectures croisées sur la recherche de l’identification poursuivie par les peintres chinois m’ont fait un peu l’effet de la madeleine. Elle m’ont rappelé un article que Claude Lévi-Strauss consacre à Jean-Jacques Rousseau et que l’on trouve dans le recueil « Anthropologie structurale II ». Jean-Jacques Rousseau à connu une fois dans sa vie une expérience de ce type qui le marquera toute sa vie. Après une chute suivie d’un évanouissement il reprend conscience « Il me semblait que je remplissais de ma légère existence tous les objet que j’apercevais …je n’avais nulle notion distincte de mon individu…je sentais dans tout mon être un calme ravissant auquel, chaque fois que je me le rappelle, je ne trouve rien de comparable dans toute l’activité des plaisirs connus. » A ce texte célèbre de la deuxième promenade, un passage de la septième fait écho… « Je sens des extases, des ravissements inexprimables à me fondre, pour ainsi dire, dans le système des êtres, à m’identifier avec la nature entière. ».

Et Lévi-Strauss poursuit en montrant combien cette identification est devenue difficile où que ce soit. Combien il est difficile de se « déprendre » pour retrouver « le clin d’œil alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque, qu’une entente involontaire permet parfois d’échanger avec un chat. » Cette identification est pourtant « le vrai principe des sciences humaines et le seul fondement possible de la morale ». Elle fournit « le creuset où s’unissent le moi et l’autre, ma société et les autres sociétés, la nature et la culture, le sensible et le rationnel, l’humanité et la vie ».

Ainsi par delà les siècles et les distances des hommes nous invitent à réfléchir sur cette notion d’identification à la nature et au système des êtres.

Un peu plus haut, j'ai cité les dernières lignes de Tristes Tropiques. Vendredi soir, je regardais un reportage de Thalassa consacré aux îles Carteret, un petit archipel situé au large de la Papouasie. Ces îles sont en train d’être submergées par la mer en raison du réchauffement climatique. Dans 10 ou 15 ans elles n’existeront plus. Le reportage nous montrait une des dernières rentrées des classes. Comble de l’injustice, les quelques 3000 habitants qui vivent sur ces îles ont une des plus faibles empreintes écologiques au monde. Ils consomment un litre d’essence par mois pour faire tourner un petit générateur qui fournit l’électricité pour un spectacle qui réunit les habitants de l’archipel.
Vous pourrez voir des extraits de cet émouvant reportage en copiant le lien

http://www.thalassa.france3.fr/index-fr.php?page=emission&id_article=160

A suivre,
Jean-Louis

dimanche 3 février 2008

A la conquête du Garlaban


Et toujours un peu de nostalgie à la fin de la randonnée qui nous fait dire à quand la prochaine....
Jean-Louis

Contre François Jullien de JF Billeter

2. La philosophie

Dans ce chapitre Billeter commence par dire que F. Jullien, dans ses ouvrages, ne laisse pas parler les auteurs chinois et qu'il parle à leur place. Plutôt que de citer il aurait fallu, selon Billeter, présenter des textes et laisser le lecteur juger. Il avait commencé de cette manière dans « La valeur allusive » mais s’est détourné ensuite de cette voie.
Selon Billeter, Jullien veut mettre en rapport deux formes de pensée mais il fait une erreur de principe, celle de ne pas rester un arbitre impartial de cette confrontation.
Par ailleurs, se demande Billeter, comment une telle confrontation peut elle avoir lieu « à l’intérieur d’un monologue d’un intellectuel occidental qui s’exprime en français ? »
Même si une telle confrontation était possible dans ces conditions, personne ne peut penser de deux façons à la fois : comment un tiers pourrait il saisir ensemble les deux formes de pensée.

Par ailleurs, F. Jullien fait des choix de traduction contestables, surtout en ce qui concerne les notions importantes telles que 道dao4, 适shi4, 淡dan4. Il traduit chacune d’elle de manière unique ce qui n’est pas exact. Par exemple 淡 dan que Jullien traduit uniquement par le mot « fade » peut être traduit par plusieurs adjectifs tels que fin, léger, délicat, subtil selon le contexte de la phrase. Il en va de même pour le mot 道 dao, que beaucoup de sinologues traduisent par « La Voie » et que Jullien traduit par « procès » alors que selon Billeter, il peut être traduit par d'autres mots plus explicites. Ainsi concernant la phrase « As tu un Tao de la nage ? » Billeter propose la traduction « Pour nager ainsi, y-a-t-il une technique ? ». Billeter propose d'autres traductions possibles pour 道 dao : fonctionnement des choses, action, le fond des choses, la réalité, la nature. Cette polysémie des mots n'est par ailleurs pas propre à la langue chinoise, elle est aussi présente dans la langue française (le mot « grâce » par exemple).

A l'objection que certains mots représentent certaines notions philosophiques, Billeter répond que, comme Paul Valéry, il considère comme une illusion philosophique la recherche du sens absolu isolé des mots. Cette illusion philosophique n'est pas proprement occidentale, elle est aussi présente en Chine. Billeter critique une traduction française du Huainanzi où les sinologues ont laissé le mot Tao tel quel, rendant le texte, selon lui, incompréhensible. S'ils l'avaient traduit par le mot Nature, le texte serait devenu compréhensible et aurait révélé alors un ouvrage politique qui vise à fonder en nature le pouvoir impérial. Un choix de traduction suffit donc à créer le mirage d’un univers intellectuel entièrement séparé du nôtre.

Billeter pense que l'on doit poser que les univers chinois et occidentaux ont un objet en commun, on doit dégager cet objet et voir ensuite de quelle façon il est appréhendé de part et d’autre. La démarche de Jullien ne consiste pas en fait à rencontrer une quelconque réalité mais de mettre en présence deux pensées et en tirer des effets mais en définitive, ce lieu « autre » où le philosophe est censé se placer, n'est plus à la fin qu'un lieu de son propre discours.

GARLABAN



Une journée très agréable avec des participants à la hauteur, la rando un peu plus difficile que d'habitude n'a fait que des heureux même si par moment c'était un peu hard.
Bravo à tous !

La difficulté nous a fait faire des allusions aux classiques français qu'on a traduit en chinois avec + ou - de succès.

j'ai appris à dire chaussure de marche : c'est super

vive nos rencontres si riches en échanges

VIVE CHINAFI !

Nicole

Mo hu




Mo hu, l'indistinction

La brume envahit très souvent les paysages des peintures chinoises.
Pourquoi ?
La brume est un symbole qui nous permet de retrouver plusieurs notions apparues dans les articles précédents.
François Cheng précise : « la brume, personnification quasi palpable du Vide où toutes choses ont leur source est un élément essentiel du paysage classique. »
Mais la brume ne sépare pas au contraire elle est un trait d’union entre les différents éléments du paysage. : « nuages et eaux se rejoignent enfantés par le même principe d’indistinction…la brume vide caresse du même doigt complice l’auvent où goutte la pluie et la montagne céleste. »
Cette prédilection des peintres chinois pour la représentation de la brume est à mettre en relation avec une pensée qui privilégie « la valeur allusive », les symboles aux définitions claires et précises. Une pensée où tout est en relation avec tout, où un mouvement perpétuel anime la totalité des choses.
François Jullien : la peinture chinoise vise à représenter « non pas un état défini et tranché des choses, mais le passage d’un état à un autre…la peinture chinoise peint la trans-formation. Elle peint l’effet de vague et de flou…qui va de pair avec la mutation. Or tout est toujours en mutation. Tandis que la pensée grecque valorise le formé et le distinct, d’où son culte de la Forme définitive qu’exemplifie le Nu, la Chine pense –figure- le transitionnel. Car la pensée grecque …accordant tout le crédit à la clarté nous a laissés étrangement démunis à cet égard : penser (figurer) l’indistinct de la transition. C’est pourquoi la Chine a privilégié la figuration des bambous et des rochers, des vagues et des brouillards, et non pas du nu ».

Passage d’un état à un autre, passage du moi à l’autre : le principe d’indistinction mène au principe d’identification.
Dans un prochain article, je vous ferai partager des extraits de la deuxième et de la septième promenade où Jean-Jacques Rousseau décrit comment il a vécu ce passage et comment cette expérience a marqué toute sa vie.
Lorsque j’ai demandé à Weiyi de me calligraphier le mot « identification », j’ai eu une belle surprise…

A suivre,
Jean-Louis

vendredi 1 février 2008

Kong


Kong, le Vide,
"Temps gris, temps clair, aurore, crépuscule, change incessant :
Au grand Vide j’ai appris à confier mon humble corps.
Nés de l’Origine sans dessein, y retournant sans regret,
Les nuages ressemblent à l’Homme qui les contemple."
Su Dongpo traduit par François Cheng


L’étude de la culture chinoise est une invitation à réfléchir sur les notions de Vide, d’indifférenciation, d’identification et sur leur enchaînement.

Selon l’intuition des taoïstes, nous dit Anne Cheng, le Vide « qui étant, par excellence, virtualité, est paradoxalement la racine de la vie, alors que toute chose arrivée au « plein » se durcit et dépérit. »

La poésie, la peinture, la musique chinoise sont souvent une invitation à retrouver ce Vide, ce silence où commencent toutes les virtualités. On pourrait presque dire que la parole, la musique, la peinture sont faites pour creuser ce Vide, pour mettre en valeur le silence et appeler à la résonance.
Jacques Dars, dans une de ses notes au roman « Au bord de l’eau » nous rappelle l’existence dans la poésie classique des « jue-ju », vers interrompus, mais "dont l’idée se prolonge à l’infini quand la parole s’arrête."

Dans les dernières œuvres de Shitao, nous dit François Cheng, « La peinture se réduit à presque rien, prend congé elle aussi – et ne nous quittera plus. Schumann ne procède pas autrement dans ses lieder de haute nostalgie : le chant s’est tu, le piano demeuré seul le prolonge à voix sourde, le fait chanter pour jamais. Le poème précise « Yan zai yi wai » : « la résonance dépasse la parole ».

Shitao : La montagne seule


Schumann :In wunderschonen monat mai


A suivre,
Jean-Louis